Comment acheter de l’influence sans se fatiguer ?

En cette fin d’année 2011, l’influence est à la mode. Il faut connaitre son influence digitale, mais surtout la comparer aux autres. Alors les nouveaux services de mesure rapide de votre influence se multiplient (klout, kred.ly, etc.) et les questionnements sur la qualité de ces mesures aussi (lire l’ultimate ranking top 100 des influenceurs de la mort).

Mais comment devenir influent facilement ? Simple, il suffit de payer. Alors voici 5 règles à retenir pour devenir l’influenceur de l’année, que vous soyez une marque, un consultant 2.0, un blogueur qui veut du trafic , un twitter qui veut de la renommée ou un facebookeur qui veut … heu…

1/ L’argent, le pouvoir ou la gloire, tu rechercheras

La première question à se poser est celle de sa motivation. Qui peut rechercher de l’influence jusqu’à payer pour l’obtenir ? Si vous n’êtes pas suffisamment motivé, laissez tomber.

Ceux qui le font pour l’argent.

Et oui, vous savez à quel point les annonceurs sont crédules sur internet. Il vous suffit de leur faire croire que « influence = trafic » et hop, les voilà qui vous déroulent le tapis rouge. Une fois dans leur base de données, vous allez du jour au lendemain recevoir moults cadeaux, invitations dans des pinces fesses mondains, de l’argent pour la rédaction de billets de vendu, voir même de l’argent pour des tweets sponsorisés. A vous les pepettes, le flouze, le blé, l’oseille. Vite, devenez influent !

Ceux qui le font pour le pouvoir

Être le premier, être le plus grand, passer à la TV et à la radio. Être aussi connu que Ashton Kouchner (ou un truc comme ça, je n’arrive jamais à l’écrire). Avoir enfin des femmes (ou des hommes) qui se jettent sur vous sans regarder ni votre physique ou ni votre intelligence. Devenir un artiste, décider de la pluie, du beau temps, devenir un dieu vivant. Vite, devenez influent !

Ceux qui le font pour le montrer à leur boss

Les marques qui ont débarquées récemment sur les réseaux sociaux ont très vite eu besoin de se rassurer quand aux milliers d’euros qu’elles dépensaient dans des applications Facebook qui duraient 2 mois. Il leur a donc fallu des indicateurs de performance (KPI) fiables. Et quels meilleures indicateurs de performance que ceux qui mesurent l’influence ? Facile à acheter, il s’agit enfin de la réponse tant attendu du directeur commercial social media qui veut prouver ses bons résultats à son patron. « Vous avez vu chef, le klout de la marque a monté de 10 points en 2 semaines. » « C’est bien mon petit jean-mi, je vous nomme directeur de de l’internet maintenant ! ». Vite, devenez influent !

2/ Du service grand public, tu utiliseras

Si il est bien une certitude dans les outils de mesure d’influence c’est que ceux-ci veulent devenir les plus grand public  possible. L’objectif fondamentale de ces startups étant d’être utilisé par un maximum de monde, elles ne vont pas commencer à mesurer des choses trop pointues (comme la qualité de votre réseau, le type de support que vous utilisez ou encore la qualité de vos infos). Non, il faut mesurer ce que tout le monde peut faire. Ainsi, ne cherchez certainement pas à avoir un blog (ou pire, un webzine) hébergé par vous même, il ne sera pas pris en compte dans le calcul.

La règle, faire simple : un Tumblr (le service web où l’on blog en 1 clic), un Twitter (le service web où l’on RT en 1 clic), un Facebook (le service web où on like en 1 clic), un Instagram (le service web où l’on est un artiste en 1 clic), etc. Éventuellement, vous pouvez avoir un blog créé en 1 clic sur wordpress.com, mais cela ne modifiera pas beaucoup votre score.

Alors, ne vous fatiguez pas à écrire du contenu complexe, à réunir autour de vous des professionnels qualifiés ou simplement un lectorat de qualité. Ca ne sert à rien. Faites du LOL, du porn, du cat (triple bonus si vous faites les 3 en même temps !). Bienvenue dans la TV du 21eme siècle où le temps de cerveau disponible est permanent.

3/ De la provenance de tes Followers tu ne te soucieras pas !

Il est légitime de se poser la question de l’identité de ces fans,  followers ou encore spectateurs. Mais si il est légitime de se poser la question, mieux ne vaut pas aller chercher la réponse. Vous risqueriez d’apprendre que ces sociétés sont constituées d’experts en spam et en SEO (ce qui n’est pas forcément un pléonasme). Leur but : créer du lien, du follower, du fan par tout les moyens, même les môins éthiques. Lisez donc Vendeurs de like : Les laboratoires Servier du Web 2.0 pour un aperçu des pratiques peu reluisantes de la société Boostic.

Soymalau qui se retrouve avec du spam de Boostic

4/ Ou de scrupules, tu ne t’encombreras pas !

Et puis si vous n’avez pas d’argent, ou n’avez pas l’habitude de payer des services, il vous suffit souvent simplement d’oublier vos scrupules afin de faire monter votre influence. Une démonstration concrète par @degonzo (que je remercie au passage pour l’info).

 

5/ Et enfin Ta bourse tu ouvriras !

Non, ce n’est pas très cher du tout. A se demander même pourquoi les agences de publicité social media truc sont si peu rentables.

En effet, la startup-spameuse boostic vous propose des packs très intéressants : sur Facebook 99€ les 1000 « j’aime », 780 € les 20 000. Sur Twitter 99€ les 500 abonnés, 890 € les 10 000. Sur Youtube, 999 € les 100 000 vues pour votre  vidéo buzz virale qui buzz pas. Si c’est pas économique ça, moins cher qu’une campagne TV pour un ROI nettement plus avantageux. Le service Twitboost vous propose des tarifs à peu près équivalents : 650$ pour 5000 followers.

Alors qu’attendez-vous ? De nombreux sites ont déjà essayé (c’est d’ailleurs affiché avec fierté sur la page d’accueil des loustics boostic). NDR: j’ai modifié un passage de mon article qui épinglait les marques présentes sur la home, tout simplement car elles n’ont PAS forcément acheté du boostic, mais ont écrit un article dessus (cf. 15 000 euros le million de fans Facebook, vous achetez ? sur Rue89). On reconnait là un opportunisme incroyable de la part de boostic qui n’hésite pas à mettre des logos pour se valoriser (le « vu sur » étant assez peu visible, vous l’aviez vu vous ?).

En conclusion: magic Boostic donne la trique aux pathétiques !

Bon, je me suis moqué. Mais je sais qu’une petite partie de mes lecteurs (celle que j’aime pas, les autres sont tous sympas, intelligents et même beaux) va prendre cet article comme un mode d’emploi. C’est triste. Tout d’abord parce que le web n’a pas été construit pour ça (ni avec ce genre de pratiques), ensuite parce ce que si certains vont réussir à tirer leur épingle du jeu, ces pratiques ne valent rien sur le long terme.

Influence ≠ Reputation

En 2003, Cory Doctorow nous a décrit un système économique basé sur la réputation dans le roman Down and Out in the Magic Kingdom (le premier roman à être disponible sous licence Creative Commons). Dans ce monde futuriste, la mesure de réputation (Whuffie), vous permet d’accéder à des traitements particuliers (habitation, repas, amusement, etc.). Plus vous êtes considéré (meilleure est votre réputation) et plus vous avez accès à des privilèges. Mais vous pouvez très vite vous retrouver à zéro après quelques bêtises. Ce rêve du paiement par la reputation est celui de tous les blogueurs, journalistes, artistes et autres créateurs de contenu : être payé pour la qualité, l’objectivité ce que l’on produit. Être considéré par la noblesse de sa production.

Autant dire que dans la mesure d’influence, cette « noblesse » n’existe pas. Les cyniques 2.0 ont remplacé les rêveurs d’un monde libre et grand, et ont décidé de créer du trafic et de l’attention par tous les moyens : de la diffusion de contenus sans valeur ajoutée à l’achat de followers. Quel que soit la réputation du support, et quelque soient les moyens pour y parvenir.

Mais comment pouvez-vous avoir une grande influence si vous avez une mauvaise réputation ?
Simple, car vos lecteurs/consommateurs sont des cons.

C’est valable pour un blogueur, un média, mais aussi une marque. Or, je ne suis pas persuadé que les lecteurs/ consommateurs restent cons longtemps. Et à ce moment, la marque/l’individu « influent » sera obligé de payer très cher pour améliorer cette réputation. Si vous pensez que la réputation soit une denrée achetable. Pour ma part, je n’en suis pas du tout sûr.