Les twittos sponsorisés sont-ils des vendus sans scrupules ?

Avant hier, voyant passer la liste des tweets sponsorisés par la récente campagne d’une régie de buzz marketing, je me suis laissé aller, et j’ai tweeté ça :

Ca n’a pas plu à tout le monde. Certains sont directement partis vers des insultes ou du débat à la Godwin (annonçant par là leur maturité d’esprit). D’autres par contre ont dénoncé le fond de la démarche. Est-ce bien de dénoncer des twitters qui vendent un tweet ? Est-ce mal de les appeler des « vendus » ? Et au grès de certains arguments, j’ai commencé à avoir des doutes sur le bien fondé de ce tweet.

Or, le doute c’est bien (y’a que les cons qui n’en ont pas). J’ai donc décidé d’enquêter, de poser le problème et de voir si un point de vue dépassionné pouvait émerger sur cette question simple : les tweetos sponsorisés sont-ils des vendus sans scrupules ?

Peut-on dire que « sponsorisé = vendu » ?

Imaginons que Bob le twitter soit payé pour envoyer une information à ses followers. Peut-on dire que bob est un vendu ? Non, pas encore. Par contre nous pouvons affirmer sans crainte que Bob est « Acheté ». Car la marque a acheté l’avatar de Bob ainsi qu’une place dans sa timeline pour clamer son annonce publicitaire. Donc Bob est acheté, au moins pendant la durée de ce tweet.

Mais est-il vendu ? Là il faut relire le sens précis de « vendu« .

Vendu, adjectif :

  • sens 1 : corrompu par l’argent. (synonyme: vénal).
  • sens 2 : personne corrompue par l’argent (synonyme : corrompu)

La question « bob est-il un vendu ? » est donc équivalente à « Bob est-il corrompu par l’argent ? Est-il vénal ?« . Et dans le cas de notre twitter, la réponse n’est pas unique :

  • Si Bob a voulu simplement tester le système de buzz paradise, alors il n’est pas vénal. Car la curiosité est une qualité.
  • Si Bob l’a fait pour l’argent, alors il est vénal (def. « Qui n’agit que pour l’argent »).

Nous pouvons donc conclure très rationnellement que les twittos qui font du sponsorisés, sont achetés, mais ne sont pas tous vendus. Car l’intention est primordiale. Et ceux qui vendent leur timeline par curiosité sont exemptés de l’appellation « vendu ». Ils m’excuseront donc de les avoir mis dans le même panier que les autres.

Mais est-ce que c’est interdit d’être acheté ?

Diable non ! On a tout à fait le droit de se vendre. C’est légal et ça s’appelle aussi du sponsoring (on peut aussi appeler ça de la prostitution, mais c’est taquin).

Le sponsoring a comme synonyme parrainage, qui a pour 2eme sens « soutien moral, financier« . Donc pourquoi ne pas se faire parrainer un tweet ? Hein, On a le droit de se vendre et on a le droit d’être acheté. Alors où est le problème ?

C’est pas grave d’être acheté sur Internet !?

La question est plus ample que ça. Acheter un compte Twitter n’est rien. Acheter 100 000 comptes Twitter, c’est une campagne de lavage de cerveau. Or, une marque peut tout à fait acheter 100 000 comptes si on la laisse faire. Et on va laisser faire.

Car le marketing Internet a ceci d’intéressant et de dangereux à la fois, qu’il est complètement incontrôlé et juridiquement incontrôlable.  On a en effet le droit de vendre des logiciels qui infectent vos bécanes le plus légalement du monde, on a le droit d’acheter un blogueur, on a le droit de faire de la pub sur n’importe quel sujet sur Internet. Pas de BVP digital international ! Pas d’instance qui vérifie la qualité de vos produits immatériels… (Et c’est finalement très bien comme ça. Le contrôle juridique de n’importe quelle prise de parole nous renverrait vers 1984).

Seulement, le corollaire de cette liberté passe par la responsabilisation des internautes. Une responsabilisation envers leur propre comportement, mais aussi les débordements des autres. Et oui, c’est comme ça la liberté, il faut se battre pour la garder. Tel un far west impitoyable, les internautes doivent donc apprendre à ne pas installer des logiciels de merde, à utiliser des adblocks pour ne plus regarder les pubs idiotes qui envahissent leurs écrans et à cramer ceux qui vendent leur compte Twitter.

Car si les internautes ne contrôlent pas le marketing digital, c’est celui-ci les contrôlera.

Mais pourquoi se battre contre le Twitter sponsoring en particulier ?

A l’instar de Bernard Stiegler je pense que la télévision est devenue un système destiné à abêtir les téléspectateurs et les transformer en consommateurs, à cause d’un marketing incontrôlé qui a fait sa loi pendant 20 ans sur le PAF (lire Télévision: Marketing 1 Humanité 0 et aussi Obéissez à la TV). D’un outil formidable de pédagogie, d’amusement, de créativité, nous sommes donc passé à une immense machine à faire du pognon et à décérébrer les masses. Le tout sans heurts, sans révolution, sans gêne.

Et qui empêchera que ça recommence avec Internet ?

Ni le gouvernement, ni la loi ne pourront empêcher que des marques achètent les prises de parole des internautes (elles le font déjà). Il n’y a que nous, les internautes, pour tenter de juguler les débordements marketing sur les réseaux. Et si vous ne régulez pas vous-même les débordements du marketing, alors préparez vous à devenir un panneau publicitaire (la définition pub de Social Media). Si l’internaute ne se défend pas, il l’aura dans le baba !

Mais pourquoi le twitter sponsoring en particulier ?

Tout simplement parce que c’était l’un des derniers réseaux d’information où le display publicitaire n’était pas encore présent. Vous retrouvez aujourd’hui de l’affichage sur tous les réseaux sociaux (quand je me suis inscris en 2007 il n’y en avait pas sur Facebook. Et même si il n’y en a pas sur Google+, gageons que ça ne va pas durer), sur toutes vos applications mobiles (il n’y en avait pas il y a 3 ans), etc. Et jusqu’à aujourd’hui il n’y avait pas de pub sur Twitter (en dehors des campagnes blogueurs classiques). Même Twitter a du mal à trouver un moyen de faire du sponsoring sans que ça nuise à leur esprit.

Et même si je comprend la démarche de Buzz Paradise (plutôt innovante et bien pensée en terme d’offre de service), celle-ci va à l’encontre du bien-être de l’internaute. Or dans le off-line, les agences font ce qu’elles veulent. Mais sur Internet, c’est chez moi, c’est chez nous (perso, j’étais là avant elles). Que les agences remballent donc leur publicité pour les médias traditionnels, et qu’elles nous laissent souffler sur nos réseaux, merci.

Et les blogs sponsos alors, c’est pas grave ?

Je me suis beaucoup posé la question sur le fait de dénoncer les blogs sponsorisés ou pas. Finalement non. La grande différence avec Twitter, c’est que le blogueur écrit lui-même l’article. Il lui insuffle son point de vue, qu’il soit subjectif ou pas. Après, si les lecteurs trouvent le ton objectif ou si ils aiment regarder télé-achat, pourquoi pas. Tant que le blogueur annonce la couleur.

Et ceux qui font du blogging sponso sans le dire ne méritent que notre mépris (mais ils le savent déjà, les rats).

Mais les gens ont pourtant bien besoin d’argent ?

On m’a également opposé l’argument qui tue: « Toa t’es riche, t’a pas besoin de thunes. Forcément c’est facile de critiquer! Les twittos ils ont besoin d’argent !« .

Ainsi les utilisateurs de Twitter auraient besoin d’argent ? Les CSP+ qui bossent essentiellement dans les médias, la pub et le journalisme en France ont besoin d’argent ? Certainement pour s’acheter une nouvelle paire de LouBoutin ou pour réparer leur Iphone cassé voir se payer le dernier  jeu vidéo.

Oui les gens ont besoin d’argent, mais certainement pas les twittos français. En tout cas, certainement pas pour bouffer ni se loger (en dehors de quelques exceptions qui m’excuseront). Sachant de plus que Buzz Paradise a indexé la rémunération du tweet sur le rang Klout, seuls les gros Klouteux (aka qui passent leur temps à tchatcher sur les réseaux) seront bien payés. Très mauvais argument donc.

Conclusion: supprimons les vendus (de nos TL) avant qu’ils ne deviennent la nouvelle norme

Il y a 15 ans, nous montions, avec une bande de cyber-crypto-rebelles, le manifeste du web indépendant destiné à lutter contre l’arrivée des premières bannières de pub dans le paysage web. Rétrospectivement, je pense que je le faisais pour de mauvaises raison. Pour préserver un lieu tranquille, où la courtoisie, la netiquette était de mise, où l’Etat ne venait pas fourrer le nez dans nos affaires. Bon, ça n’a pas marché. Et alors ? Pourquoi ne pas garder l’esprit ?

Car vous voulez vraiment que Twitter devienne un nouveau support publicitaire ? Vous voulez vraiment que tous vos followings sympas se mettent à tweeter du sponsorisé ? PAs parce qu’ils sont vendus, mais parce que tout le monde le fait. Parce que ce sera la nouvelle norme ? Alors on aura peut-être inventé des adblock twitter d’ici là, mais ça sera trop tard. L’esprit marketing aura gagné sur l’esprit de liberté du web temps réel. Vous voulez vraiment ça ?