L’Ultimate Ranking Top 100 des Influenceurs de la Mort

Êtes-vous influent sur Internet ? Ou mieux, êtes-vous mega-influent (appelons ça enfluent (ɔ) pour plus de commodité) ?

Pour le savoir, n’hésitez pas à tester cet outil révolutionnaire, tout juste développé par une petite boite de transfuges du MIT vendus au CApitalisme CAlifornien (caca) qui vous donnera votre position mondiale d’enfluenceur (si ça marche).

Testez, et revenez vite lire la suite…

Ok, vous l’aurez compris, ce classement des enfluenceurs n’est qu’une blague (avez-vous apprécié le retour de Sim définitivement trop absent sur notre twittosphère ?).
Mais pourquoi cette blague ? vous demandez-vous, les yeux remplis de larmes d’humiliation digitale (non il ne s’agit pas de doigts là). Tout simplement pour me donner également l’occasion d’écrire un article sur le sujet de la « mesure d’influence » et de sa relativité.

L’influence digitale est une réalité !

Oui, je le crie bien fort : l’influence digitale existe et ceux qui vous disent le contraire essaient de vous vendre de la TV, des pubs dans les journaux et l’expertise journalistique de 20 minutes.

Je vous conseille de lire Patrice Flichy et son Sacre de l’amateur (Le Seuil, 2010) pour en être persuadé. Non, l’expertise digitale, qui se transforme en influence, n’est pas la même expertise que celle des scientifiques experts diplômés. Mais elle compte, elle cause, et même elle remet en cause (ça c’est de moi, j’en suis très fier).

Donc l’influence digitale existe. La preuve, vous lisez ce post, et que vous soyez d’accord ou pas, il changera votre comportement, que vous le vouliez ou non (en plus j’ai mis des phrases subliminales qui vont vous donner envie d’aller aux toilettes à chaque fois que vous entendrez « météo du web« . Essayez, vous verrez).

Mais comment calculer, mesurer cette influence digitale ?

Le calcul de l’influence est subjectif : on ne juge qu’avec ses critères

Car le calcul de l’influence est une mesure intensément subjective. Ceux par qui je vais me laisser influencer ne seront pas les mêmes que les vôtres. Car je dois vous avouer que la sélection de Lou Boutin d’une « blogueuse influente » ne m’influence pas, mais alors pas du tout. Alors une définition absolue de l’influence existe-elle ? Et puis influent envers qui ?

En effet, un calcul véritablement relatif de l’influence nécessiterait la prise en compte d’une multitude de facteurs (éléments de contexte, d’intentionnalité, de perception, etc. – lisez l’excellent article sur ce sujet de CaddeReputation). Donc une véritable mesure de l’influence est hyper complexe. Or tout le monde peut créer son outil de mesure de l’influence (la preuve avec mon petit outil complètement artificiel que j’aurai pu maquiller pour faire vrai). La preuve avec More shocking case studies – how to game Klout des exemples de comptes qui ont de très bons scores sur Klout en étant très très nuls en influence relative.

Tout cela me rappelle fortement le point de vue de Levi-Strauss dans Race et Culture (lisez-le qu’il est bon) qui nous parle de l’évaluation anthropologie d’une culture sur des critères stationnaires ou cumulatives, qui sont finalement des critères centrés sur notre propre culture. En bref, nous évaluons les autres par rapport à une norme dans laquelle nous sommes les grands gagnants.

Et c’est exactement la même chose pour les outils de mesure de l’influence qui se mesurent d’abord eux même avant d’établir les critères des autres (en mélangeant joyeusement la notoriété, l’influence, le trafic, etc.

Google n’a-t-il pas un PageRank de 10/10 ?

Les juges de l’influence sont partisans

Car créer des outils de mesure de l’influence est une façon de créer un marché. Créez un top 100 des influenceurs français sur Klout et vous devenez source de trafic sur votre blog. Vous devenez un consultant expert sur le choix des twitteurs à soudoyer dans les campagnes de publicités (oui j’appelle ça soudoyer, critiquez donc dans les commentaires si vous l’osez bande de trolls).

L’exemple Wikio

Wikio (ex-Wikio depuis 2 mois) est un classement qui s’est construit pour valoriser une expertise. Jean Veronis préférais parler d’un classement de la force du réseau social plutôt qu’un classement de l’influence. Mais quoi qu’il en soit, ce classement valorisait ceux capable de se créer des trackbacks, c-a-d de la visibilité sur Google, c-a-d du trafic sur leur site, c-a-d un moyen de mettre en avant Wikio plus facilement. Wikio en favorisant les experts SEO sur Internet suivait finalement l’adage: « on ne prête qu’aux riches » (la richesse sur Internet étant celle de la visibilité).

Et même si Jean Veronis a tenté en 2009 de remettre d’aplomb ce classement, il était déjà trop tard. Les blogs qui s’étaient assurés une visibilité continuaient à l’avoir. Le classement devenait pourvoyeur de trafic, il était donc corrompu.

Car comment être objectif dans votre classement en ayant un objectif de trafic, de valorisation boursière ou même un ROI derrière la tête ?

Conclusion: vous n’avez pas fini d’être influencés par les classements d’influence

En France il y a une boite qui possède le monopole de la mesure d’audience à la télévision. Il s’agit de Médiamétrie (et de son panel de 3800 foyers). Cette entreprise va donc décider du prix des films publicitaires en France, et finalement de toute l’industrie publicitaire. Or, si vous voulez connaitre votre audience, vous devez payer Médiamétrie. Oui, vous avez bien entendu, vous payez une boite pour vous dire combien vous avez fait de téléspectateurs. Et évidement, plus vous les paierez et plus vos résultats seront précis et détaillés. Tant pis si vous êtes une petite chaine du câble. Personnellement j’appelle ça être juge et partie. Mais ça n’a pas l’air de gêner les agences ni les annonceurs.

Or sur Internet, cela fait bien longtemps que des Médiamétries-like veulent s’imposer. Après Google et son Page Rank, nous avons vu une multitude de classements (Wikio, Blogonet, Alexa, plus récemment PeerIndex, Twitter Grader, Tweetlevel, etc.). Sans oublier l’imbécile GRP Internet de 2005 (tiens, c’était du Médiamétrie aussi). Et c’est pas fini. On entend aujourd’hui parler de « météo du web » censée nous expliquer les tendances de la toile, Klout revient à la mode, BVA nous sort le classement de l’influence des personnalités, etc.

Et tous ces classements n’attendent qu’une chose : leur standardisation, leur utilisation par le plus grand monde ce qui permettra de les légitimer.

Alors mon seul conseil : gardez-vous de les légitimer ! Utilisez plusieurs outils, mélangez leurs stats, questionnez leurs modes de calcul (et la source de leurs revenus). Sinon vos clients vous diront ça : « Mais pourquoi dans ma liste de blogueurs y’a pas machin qui est dans le top 10 de Klout ? Ca veut dire qu’ils sont pas influents mes bloggeurs ? Pourtant vous mes les avez recommandés. Non, je veux machin. En plus il passe à la radio, c’est dire qu’il est influent. »

Bon courage.

Author: Cyroul

Explorateur des internets et créateur de sites web depuis depuis 1995, enseignant, créateur de jeux, bidouilleur et illustrateur. J'écris principalement sur les transformations sociales et culturelles dues aux nouvelles technologies, et également sur la façon dont la science-fiction voit notre futur.

10 thoughts on “L’Ultimate Ranking Top 100 des Influenceurs de la Mort

  1. |C’est incroyable de voir comment j’ai un mal fou arrter de venir vous lire ? Completement accro

  2. Bravo ! On a un peu l’impression que cette notion d’influence sur le Web est une spirale qui nous aspire malgré nous… L’ego humain aime avoir une occasion de sourire aux autres donc je pense qu’on restera toujours plus ou moins attirés par ces outils qui montreront au monde combien nous sommes beaux, intelligents et géniaux :)
    Tout est effectivement subjectif y compris cette web-influence qui ne remplacera jamais l’expertise digitale « qui compte, qui cause et qui remet en cause » ! (je reconnais que cette phrase en jette ! ;) )

  3. Cet article me fait penser à la distinction britannique entre efficient et effective. Le premier désigne la meilleure manière dans l’absolu, le seconde la bonne dans un contexte donné.
     Ex : dans les années 20, l’URSS avait fixé des objectifs industriels à ses usines de clous, indexés sur le poids livré en fin d’année, pas le nombre d’unité produites. Résultat : les usines se sont mises à produire de très gros clous très lourds. Totalement inutiles mais permettant d’atteindre les objectifs en poids. Effective but not efficient.

  4. Si je conçois bien la notion d’influence (tant dans le domaine digital qu’à d’autres niveaux), j’ai malgré tout un problème avec ce besoin d »échelle et de classements.
    J’ y crois autant qu’à la fiabilité des prévisions économiques à long terme..
    Dans notre société à l’économie mondialisée les agences de notations font la pluie et le beau temps (enfin surtout la pluie ^^) Dés les bancs de  l’école  la notation est déterminante.Mais pourquoi devrions nous être notés? Et surtout pourquoi le vouloir? 
    D’où vient ce réel besoin d’échelles de notation de l’influence? Un besoin de reconnaissance? Un besoin de rendre concret un « rôle » social? Que le secteur soit rentable pour les développeurs de ces solutions, aucun doute.. 
    Mais nous ne sommes pas loin du grand pipeautage je crois, surtout que comme tu le rappelles nous nous basons évidemment sur des grilles d’évaluation qui nous avantagent.
     Il est à mon humble avis irréaliste d’envisager un baromètre réel de l’influence .. Que de réaliser un « artomètre »

    Chagall a t’il plus influencé que Picasso? Et Miro c’est quoi son Klout? et Prévert, quel a été son influence sur ses pairs et ses successeurs?..
    Et Socrate? ^^
    A quoi se référer au nombre de fois ou chacun s’est référé ou a cité l’autre dans ses écrits?
    Klout et consorts ne sont au final que du gros moussage d’égo,
    plus la personne a un gros klout plus elle est selon moi simplement avide de reconnaissance,
    de ce fait son exposition la rend parfois influente, parfois juste très présente.. parfois intéressante,
    et parfois pas du tout :-)

  5. « En gros, Klout peut se comprendre comme une sorte de GRP des temps modernes et du social media. » Cyrille Chaudoit – 2011.   :)

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