Les IA vont-elles nous remplacer?

L’autre jour, mon fils de 8 ans (et demi) à qui je faisais une démo de Midjourney me demandait à quoi servait d’apprendre à dessiner si l’IA pouvait dessiner mieux que lui…
A chaque apéro, on me pose une question similaire (entre NovFut et mes vieilles études en IA, je suis une cible de choix) : est-ce que l’IA va nous remplacer ?

Une bonne question qui amène une réponse.

L’IA va rentrer dans tous les usages, partout, tout le temps

En 2018, suite à un déferlement de bêtises médiatiques sur le sujet de l’IA, j’écrivais déjà un long (et rigolo) article.
5 ans après, même si les prédictions de cet article sont toujours assez justes, le contexte a entièrement changé. Les différents algorithmes d’IA ont en effet fusionnés dans des modèles génératifs (LLMs) aux performances extraordinaires.
Et ces LLMs sont utilisés pour des usages de plus en plus larges et pointus par de plus en plus de monde. Une propagation massive dans les usages qui ne va pas s’arrêter là car :

1/ L’IA nous fait gagner du temps

Les LLMs sont capables de faire en quelques minutes ce que ferait un humain en quelques heures voire mois. De la création d’image à celle de texte, de la synthèse de documents à de la recherche web, ces algorithmes font gagner un temps fou.

Ils vont donc être utilisés dans tous les secteurs où la productivité est un facteur important. Autant dire tous les secteurs sauf l’administration publique… Non je plaisante, surtout l’administration publique.

2/ L’IA est accessible à n’importe qui

Le problème avec de l’IA générative, c’est que ça part dans tous les sens (c’est génératif, hé). Aussi, la maitrise de l’IA nécessite de savoir bien lui parler pour éviter d’avoir des réponses inutiles.
Le prompting est l’art de créer des prompts efficaces. Cette compétence regroupe la connaissance des différents moteurs disponibles, de leurs possibilités de leurs versions et la façon d’obtenir exactement ce qu’on veut de ces maudites machines qui n’en font qu’à leur tête.

Mais il existe déjà des outils permettant de simplifier l’accès à ces moteurs. Que ce soit en leur parlant en langage naturel, en automatisant des séquences de questions, en simplifiant l’accès au résultat.
Ainsi, l’interface se simplifiant encore plus, n’importe qui va bientôt pouvoir demander n’importe quoi à une IA.

3/ Le secteur de l’IA est inondé d’argent

L’investisseur ne crache jamais sur un potentiel de croissance. Et le marché de l’IA promet une croissance vertigineuse. De 200 millions de dollars en 2015, on parle de 90 milliards de dollars d’ici 2025 et même 13 500 milliards d’euros à l’aube 2030 selon PwC.
En France, le président Macron a même dit qu’il allait investir 1,5 milliard… Ah pardon ça a coupé.

Les conséquences de ce déferlement d’argent : une foule de déceptions (les arnaques à l’IA pour les investisseurs crédules se répandent déjà massivement) mais aussi beaucoup de réussites qui encourageront d’autres réussites.

Nous n’en sommes donc qu’au prémices des utilisations possibles de l’Intelligence Artificielle, et on ne peut imaginer ce qui va vraiment se passer.

L’inéluctabilité de l’huma-AI-té ?

Face aux avantages radicaux de cette technologie, il est évident que l’IA va devenir un élément constitutif majeur de nos sociétés. Et ce, jusqu’à ce que l’humanité elle ne puisse plus jamais s’en passer et se transforme en une sorte d’Hum-AI-té.

Mais nous n’en sommes pas encore là. Nous sommes aujourd’hui à un moment clé où l’humanité peut encore choisir ce qu’elle veut préserver de son humanité.

Mais comment ?

En régulant ou bannissant les IA ?

Les IA ne sont pas amicales comme chez Asimov, ou malveillantes comme dans Terminator. Ce ne sont que des outils utilisés par des sociétés ou des gouvernements pour atteindre leurs objectifs.
Et l’on ne peut pas réguler les IA si on ne peut pas réguler les sociétés avides de profit et les gouvernements autoritaires.

Car si vraiment on voulait réguler, il faudrait commencer par les sociétés qui utilisent déjà l’IA pour contrôler le comportement de leurs utilisateurs ou leur population. Or nous sommes à une époque où l’on offre la légion d’honneur à Jeff Bezos, et qu’on léche les fesses de Xi Jinping, ça me semble donc impossible.

La régulation ou le bannissement des IA est donc purement rhétorique. N’en déplaise à Yuval Noah Harari dont le constat est excellent mais les solutions impraticables.

Alors comment conserver une part d’humanité ?

La question est donc de préserver notre humanité avant qu’elle ne se transforme en hum-AI-té.

Une question pas si évidente qui nous oblige tout d’abord à réfléchir à à notre spécificité humaine, ce qui fait de nous des humains. N’étant expert ni en philo, ni en anthropologie, ni en théologie, je laisse ce sujet à ceux qui savent (Yuval Noah Harari justement).

En revanche, il me semble qu’il y a déjà des choses que l’on pourrait faire pour éviter de diluer notre cerveau dans l’IA :

1/ Savoir se servir de la machine pour l’utiliser

Il est indispensable que les nouvelles générations intègrent le fonctionnement de l’intelligence artificielle pour mieux la maîtriser. Ça passe par de la vraie éducation numérique (autre chose que de savoir taper sur un traitement de texte) et de l’éducation au code, à la programmation.

Il faut que l’informatique retrouve sa fonction d’outil et ne devienne pas une discipline hermétique, magique comme elle peut l’être aujourd’hui dans beaucoup trop de secteurs qui croient que ce n’est pas leur problème.

C’est indispensable. Et ceux qui vous disent le contraire glandent à l’Éducation Nationale.

2/ Développer nos cerveaux dans de nouvelles dimensions

L’IA va devenir la plus forte des spécialistes dans tous les corpus dans lesquels elle sera entrainée (si on lui donne des données suffisantes). Si on l’entraine à réparer un moteur avec des données de suffisamment bonnes qualités, elle deviendra la championne de la réparation de moteur.

En revanche, elle sera incapable de concevoir ce moteur, de lui proposer des améliorations ergonomiques, de changer son design, de réfléchir aux prochaines étapes de la transformation des moteurs, etc.

Il est donc indispensable de développer notre curiosité, nos connaissances et savoir-faire sur d’autres disciplines, de devenir des généralistes éclairés, de passeurs entre scientifiques et littéraires. Cela nous permettra de pouvoir prendre de la hauteur de point de vue, de faire des recoupements entre les sciences et les méthodes, d’aller fouiller dans des directions imprévues.

Bref, de faire ce que l’IA ne fera pas avant bien longtemps, si même elle y arrive un jour.

L’éducation contre l’asservissement par l’IA

Nos descendants et nous n’avons pas le choix :

Soit nous serons les esclaves de l’IA qui commandera pendant que nous obéiront.
Et sachez que l’asservissement a déjà commencé. Ca se voit quand Monsieur tout le monde interrompt sa tâche pour se précipiter sur son téléphone répondre à une notification sonore. Ainsi en l’espace de 15 ans, l’humanité a appris à obéir à une injonction du smartphone. Un conditionnement stimulus-réponse que Pavlov réservait à ses chiens. Ouaf ouaf !

Soit nous transcendons nos petits cerveaux en apprenant comment fonctionnent les machines et en nourrissant nos esprits de disciplines scientifiques et littéraires.

Aussi quand mon fils de 8 ans (et demi) me demande à quoi sert d’apprendre à dessiner, voilà ma réponse : « L’objectif n’est pas de devenir meilleur que l’IA en dessin, mais de développer ton cerveau et tes mains pour qu’ils soient capable de réfléchir à ce qu’il faut faire. Oui l’IA sera plus forte que toi en dessin. Mais c’est toi qui lui dira quoi dessiner. Dans ce cas là tu gagnes. Si l’IA dessine ce qu’elle veut et que tu ne sais pas juger, tu as perdu. Allez, maintenant tu peux finir de dessiner tes sprites pour ton jeu sur Flowlab.« 

Nous sommes à un moment clé de l’évolution de l’humanité qui va radicalement changer. Volontaire ou non, ce changement est inéluctable. C’est donc un moment de bascule à la fois effrayant et passionnant où l’on peut chacun être acteur de ce qui va se passer ensuite.

« L’intelligence c’est la capacité de s’adapter au changement. » Stephen Hawking

C.

PS: Cet article a été écrit sans IA mais avec un correcteur orthographique qui me force à être fainéant mais me permet de faire moins de fautes. De la technologie maitrisée.