Innovation partout, innovation nulle part

Depuis 6 mois, ça n’arrête pas. Des articles, RP, des Grands Prix, des conférences, des tables rondes, de livres blancs, des recommandations et même des slideshares sur le sujet. L’innovation est la grande tendance de l’année 2014.

Innovation ça rime avec saturation

En effet, aujourd’hui on ne fait plus du cyber, du « e-« , du web, du numérique ou même du digital, non, aujourd’hui on fait de l’INNOVATION. Testez donc une requête « innovation » et vous en serez convaincus. Même les médias grand public parlent de l’innovation et de ses différentes déclinaisons (innovations participative, open innovation, innovation sociale, culture de l’innovation, innovation disruptive, etc.).

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Mais cet abus du mot innovation commence à devenir contre-productif. En effet, les marques, les entreprises cherchent en permanence à faire de la communication d’innovation et oublient que la vraie innovation n’est pas de faire des RP.

Innovation partout ou plutôt innovation nulle part

Car l’innovation c’est le changement. Innover c’est changer (c’est pas moi qui l’ai dit, c’est Thomas Edison). Innover n’est pas annoncer qu’on va changer dans un futur plus ou moins proche. Non, c’est changer véritablement, au bon moment. Or des boites qui changent, il n’y en a pas beaucoup dans cette foule de mentions d’innovation.

Quelques exemples de marques faisant de la communication d »innovation (lire aussi 4 exemples de fausses innovation digitales) :

  • La SNCF annonce qu’elle fait de l’innovation (cf Innovation & recherche). Mais du changement, que nenni. On a pu voir les derniers mois à quelle point elle continue de freiner des 4 fers dés qu’on aborde le sujet de  la moindre modification de son monopole ou du statut privilégié de ses cheminots. Car le prix de l’inventeur censé « booster l’innovation » a peu de poids face à une grève de quelques semaines. L’innovation doit changer ma façon de travailler, et ne peut émerger dans une boite qui ne veut pas changer

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  • Le groupe La Poste est le grand champion des annonces autour de l’innovation : lancement d’un accélérateur de startups, des imprimantes 3D dans les agences, des applis mobile introuvables, etc. Mais peut-être faudrait-il expliquer à La Poste qu’innover c’est essayer de faire son métier différemment, pas de faire un autre métier auquel on ne comprend rien. Non, la poste, tu n’innoves pas en mettant une imprimante 3D dans une agence où il continue d’y avoir 1h de queue pour aller chercher un recommandé. L’innovation numérique est un changement d’usage par la technologie. Pas une technologie posée là pour qu’on la regarde.inno
  • Toujours dans les entreprises publico-privées, la RATP récompense, durant la finale de son OpenDataLab (nom joliment marqueté) une application innovante qui… est un plan interactif du métro de Paris. On peine à trouver de l’innovation dans une appli qui fait ce que la RATP faisait déjà il y a 30 ans dans le métro avec des fils electriques. CAr ce n’est pas en pondant de jolis communiqués de presse sur les 7 champs de l’innovation ou en créant des landing pages RSE&Innovation qu’on en fait vraiment.

La responsabilité de cette innovation pipeau ?

Alors la faute à qui ? On pourrait immédiatement dire que c’est de la faute aux agences de pub qui vont « accompagner l’innovation de leur client », « provoquer l’innovation », « générer de l’innovation », etc. Et tout ça sans douleur pour le client (la plupart du temps, c’est pas lui qui paie, surtout quand ce sont des boites publiques).

Alors le pauvre client croit dur comme fer au slideshare de l’agence qui explique à quel point telle ou telle technologie est innovante.  Sans se poser la question du « mais si cette techno est si innovante, pourquoi mon agence ne l’utilise pas ? Pourquoi ils me font payer leur apprentissage de la technologie ? »

Car l’annonceur, est trop pressé de trouver LA technologie innovante qui lui permet à la fois de gagner de l’argent mais aussi de faire des RP en même temps. Alors  l’annonceur va se se jeter sur ces trouvailles techno-buullshits proposés par des agences qui sont là pour gagner de l’argent sur des annonceurs crédules. Et l’innovatoromètre de l’annonceur n’en peut plus quand ils fait du retargeting, du mobile marketing ou même du ibeacon.

Un exemple d’innovation à la con avec ce schéma très explicite ci dessous (vous reconnaîtrez vous-même la techno). On y voit , un dindon (pardon un consommateur) rentrer pour regarder et ressortir avec -100 $ sans s’en rendre compte. Un schéma fait pour des entreprises qui confondent Innovation/bénéfices et RP dans une vaste mélasse informe. Mais non, ce n’est pas une inno ça, juste une excuse pour piquer plus de pognon au dindon. Et pourtant on pourrait en faire des choses véritablement innovantes avec cette techno.

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Ce sont surtout ces fausses innovations qui font le plus de bruit. En revanche, les vrais changements sont souvent silencieux. En effet, si vous innovez vraiment, vous n’avez pas du tout envie de partager ça avec vos concurrents. Ou alors vous le faites quand vous avez quelques années d’avance, histoire de ne pas monopoliser le marché.

Ainsi, les R&D le savent bien, il existe 2 types d’innovation : la poudre aux yeux sur laquelle vous communiquez et les autres, décisives pour le futur de votre entreprise.

Les 4 règles de l’innovationopen_innovation_1

Pour conclure, je vous propose de poser les bases de l’innovation :

  1. L’innovation est une pratique qui modifie ma façon de travailler. Non pas plus efficacement (dans ce cas, c’est une amélioration pas une innovation), mais différemment.
  2. L’innovation est une pratique jamais vue ailleurs. Si les autres sociétés le font déjà, ce n’est pas une innovation, mais une mise à jour par rapport au marché.
  3. L’innovation numérique est un changement d’usage par la technologie. Si votre innovation est juste technologique et ne change pas vos usages, il y a de grandes chances que ce ne soit pas une innovation.
  4. L’innovation, plus j’en parle, moins j’en fais. Voilà.

Pour en savoir plus, allez donc lire :