Une édition raccourcie. Quelques nouvelles des derniers mois en SF et le compte rendu de mon escapade aux Utopiales, le festival de la SF de Nantes.
Les news
Côté littérature
Ce mois-ci, j’ai lu (et je vous conseille) la sublime BD Frontier de Guillaume Singelin (ed. Label 619). A la fois beau dans la forme (style à la fois mignon et très réaliste), dans le fond (les thématiques SF sont très sérieuses) et dans l’édition (magnifique objet), cette bande dessinée de très grand qualité nous raconte comme l’homme pourrait s’affranchir des corporations dans sa conquête de l’espace.
Une autre belle découverte avec Lune Rouge de Kim Stanley Robinson qui décortique la conquête (prochaine) de la lune par les chinois. Une sorte de pendant écrit au 21e siècle du cycle Histoire du futur de Heinlein.
Étant un immense admirateur de l’auteur disparu en 2015, je lis lentement, les yeux embués, pour faire durer le plaisir, Terry Pratchett : Une vie avec notes de bas de page, de Rob Wilkins. Rob, le secrétaire de Terry, a structuré et développé les discussions qu’il a eu avec l’auteur vers la fin de sa vie, celui-ci étant atteint d’une forme de maladie d’Alzheimer. Cette bio émouvante a remporté le prix Hugo 2023 dans la Catégorie non-fiction.
Dans les sorties littéraires nombreuses, on peut citer l’intégrale du livre de Hain d’Ursula K Le Guin (ed. Le livre de poche) et l’Odyssée de la planète sauvage (ed. Capricci) qui nous parle de l’épopée du réalisateur français René Laloux, auteur des formidables Gandahar (1987 avec Caza), Les Maîtres du temps (1982, avec Mœbius) ou encore La Planète sauvage (1973).
Les news spatiales
La Nasa a lancé le 12 octobre une sonde appelée Psyche (ils n’avaient plus d’argent pour le naming) en direction de l’astéroïde Psyché. Pas uniquement pour rigoler, car l’astéroïde, qui se trouve à environ 400 millions de kilomètres de la Terre, est composé à 90% de métal, dont certains précieux comme l’or, l’argent ou le platine. Selon Forbes, Psyché pourrait ainsi valoir 10 000 milliards de dollars. Comme la conquête des continents ou de l’ouest américain, il semblerait donc que la conquête de l’espace se fasse pour de pures raisons d’enrichissement personnelle.
Si vous voulez en savoir plus sur le sujet : les ressources minières des astéroïdes pourront-elles bientôt être exploitées sur Terre ?
Voyager 1 is back online
La sonde Voyager a été envoyé par les humains il y a (déjà) 46 ans. Ayant quitté notre système solaire il y a 11 ans, elle buguait depuis 2021. Les (vieux) développeurs de la Nasa ont donc envoyé un patch informatique, codé en Fortran, qui aura mis dix-huit heures et de vingt-quatre milliards de kilomètres pour réparer le bugue. La sonde a pu ainsi recommencer à transmettre ses datas vers la Terre. (cf. HuffingtonPost.fr)
Un patch tous les 46 ans, c’est tout de même mieux que les 3 mises à jour par mois d’un Microsoft Windows qui bugue toujours autant.
La triste nouvelle
L’astrophysicien Hubert Reeves est décédé dans une assez incroyable indifférence médiatique et politique. Ce vieux bonhomme, à la langue bien pendue étant pourtant l’ambassadeur de la compréhension de l’espace mais aussi à la préservation de notre écosystème. Avoir la tête dans les étoiles et les pieds sur notre bonne vieille terre. Tu vas nous manquer Hubert.
Les news du Cyroul
Je vous ai parlé récemment du lancement de Mutation-Magazine, un collectif d’auteurs qui veulent apporter un regard différent sur le monde. J’y ai produit un article sur l’IA et le langage : « Bienvenue dans l’ère du techno-langage ! Ou comment hacker une intelligence artificielle ? » qui tente de montrer comment les IA (LLMs) sont aujourd’hui des entités qui n’attendent que des petits malins pour les reprogrammer.
Par ailleurs Mutation-magazine devrait être présent au Ground Control pour l’évènement Imaginaires & Futur dans lequel vous trouverez Afrofuturisme et conquête de l’espace.
Voyage aux Utopiales
Utopiales. C’est le nom curieux et attirant porté par le festival international de science-fiction de Nantes. Et pourtant cela faisait des années que je trouvais de mauvaises excuses pour ne pas y mettre les pieds.
Car voyez-vous, depuis quelques temps, les festivals du genre “Imaginaire” ont finis par m’ennuyer tant l’imaginaire n’est souvent qu’un prétexte pour vendre de la m* à du grand public émerveillé. Entre les tables rondes d’auteurs.trices qui rivalisaient d’auto-promo pour vendre leur dernier bouquin, les étals de trucs qui n’avaient rien à voir avec la thématique et les sempiternels stands d’éditeurs se plaignant de ne pas avoir fait assez de ventes devant des bénévoles surexploités, j’avais été été peu à peu dégouté de ces foires où l’imaginaire n’était qu’un nouveau domaine de la société de consommation.
Mais “Utopiales” étant vraiment un joli nom, je décidais de mettre mes réserves de côté et préparais mon sac pour cette cette 24e édition du festival international de science-fiction de Nantes.
Alas, redoutant certainement mon mauvais esprit, le festival multiplia les épreuves sur mon chemin. Ainsi la tempête au nom gaélique, Ciarán, se déclencha le jour de mon départ, annulant tous les trains pour la belle ville de Nantes. Ce fut alors une épopée à base de bus en retard et de pluie pour arriver enfin à Nantes où le soleil dardait de maigres rayons et les Utopiales s’offraient enfin.
Un festival riche de tables rondes
J’ai eu la riche idée de venir découvrir le festival le jeudi et vendredi avant l’afflux du week-end. Idéal pour profiter de la richesse de ce festival foisonnant.
Ainsi les tables rondes abondantes abordaient la Science-Fiction sous différents aspects : art, société mais surtout science. Car dans SF il y a science. Et c’est peut-être l’un des aspects les plus réussis de ce festival : la présence de scientifiques assez pointus pour débattre de la SF. Certainement la contribution de Roland Lehoucq, le président du festival et auteur, entre autres, de moults ouvrages d’interprétation scientifique de la SF.
Certaines tables rondes aux sujets pointus auraient d’ailleurs souvent méritées une durée plus longue. Je pense à celle sur la vitesse de la lumière (l’astrophysicienne Elsa Ducrot, le physicien Daniel Hennequin et Roland Lehoucq), celle sur les vampires dans la SF avec l’ami Adrien Party, Arnaud Esquerre et Gilberto Villarroel) ou encore celle sur la musique de la SF (avec les deux pointures Marc Caro et Hervé de La Haye).
L’un de mes gros regrets de ce festival est d’ailleurs de n’avoir pu assister à toutes les tables rondes intéressantes. J’espère qu’elles pourront être consultées en ligne (rien vu venir pour l’instant).
Un festival riche d’activités
Mais outre les tables rondes, il n’y avait pas de quoi s’ennuyer aux Utopiales cette année. On y trouvait pêle-mêle :
- des stands et des dédicaces. Du très très lourd en terme d’auteur de SF, aussi bien du jeune que du vieux, de la femelle que du mâle, du roman ou de la BD. Un peu pour tous les goûts quoi.
- des séances de cinéma (courts et longs). Pas mal de classiques, mais aussi des nouveautés. J’ai d’ailleurs passé une excellente et inattendue soirée avec le Wandering Earth II (adaptation de Terre errante de Liu Cixin, 2000). Un délire scientifique et visuel passionnant de 3h où la propagande chinoise n’est presque pas visible derrière le culte du héros et les pieds de nez aux autres nationalités. Face aux retombées financières du film, il semblerait qu’un 3e reboot (Wandering Earth 3) soit déjà en prévision.
- Des stands jeux vidéos, jeux de rôle et jeux de plateau où je n’ai pas eu le temps de mettre les pieds.
- Des expositions, dont celle consacrée à René Laloux, des performances, ateliers, sound fictions et spectacles live. Bon, j’avoue ne pas avoir eu le temps d’aller faire un tour dans toutes ces activités.
- Et enfin une librairie uniquement consacrée à la SF et la fantasy. Le piège… 600 m² pour vider votre compte en banque.
Bref, pas le temps de s’ennuyer dans cette profusion d’activité, bien loin de l’image négative que je m’étais forgée après des années de fréquentation de festivals trop fréquentés.
Et quelques petits défauts tout de même
Évidemment, tout n’était pas parfait. Je pourrais faire deux critiques à ce festival. La première autour des tables rondes très inégales en terme de qualité et de précision scientifique. Certaines étaient en effet mal animées ou contenaient trop d’autrices/teurs à melon oubliant le sujet pour parler d’eux, confondant ainsi l’exercice passionnant de la discussion thématisée avec celui de l’auto-promo franchement ennuyeux et même gênant, comme la table ronde où deux auteurs français accumulaient des poncifs ridicules sur l’Intelligence Artificielle devant l’auteur Coréen Chen Qiufan (IA 2042 : Dix scénarios pour notre futur, 2022, Arènes), ancien cadre chez Google Chine, qui devait se dire qu’il avait été invité au pays des ploucs.
Peut-être faudrait-il ainsi indiquer pour les tables rondes un niveau de “technicité” pour permettre au public (et aux intervenants) de choisir celles adaptées à ses besoins (et pas s’ennuyer pendant une heure).
Photo Mickael Meniane (que je salue en passant)
L’autre problème était peut-être le nombre de places limitées pour ces tables rondes, obligeant surtout le week-end à faire la queue pendant 30 min. Il semblerait qu’il y ai eu 140 000 festivaliers durant le festival. Peut-être faut-il répartir les tables rondes différemment.
A l’année prochaine !
Mais malgré ces deux points négatifs, mes 3 jours de festival se sont achevés trop vite. Je suis sorti des Utopiales la tête bourrée d’idées avec l’envie folle d’y retourner immédiatement.
Et puis, ces Utopiales m’auront réconcilié avec les festivals de l’imaginaire. Je ne sais pas encore lesquels, mais je vais tenter de m’en faire d’autres rapidement.
Donc longue vie aux Utopiales et à l’année prochaine !
merry christmas and.. very infomative article keep posting …