Le SolarPunk c’est déjà aujourd’hui ! NovFut #1

Cet article est en réalité le numéro 0 de NovFut, les Nouvelles du Futur, une newsletter sur des sujets de SF, de prospective et d’imagination. Vous voulez des sources pour penser le futur, alors n’hésitez pas à vous inscrire.

(Nicholas Nedbaylo – 1973)

Le Solarpunk est un mouvement de science-fiction qui se base un futur optimiste et écologique. Si l’émergence de ce sous-genre est récente, il plonge ses racines dans la plupart des romans de David Brin (Elevation, Earth, ..), , Écotopia d’Ernest Callenbach (1975), ou encore Stranger in a Strange Land de R. A. Heinlein (1961). Des œuvres plus ou moins radicales qui racontent qu’une humanité respectueuse de son écosystème (dans toutes les acceptions du terme) est possible.

Outre l’intérêt narratif qu’on peut trouver dans ces ouvrages, ce sous-genre de Science-Fiction est indispensable dans sa capacité à construire des constructions sociales et technologiques positives. Le Solarpunk permet de propager des idées différentes dans un monde fait d’informations anxiogènes voire toxiques.

Car l’information négative est aujourd’hui notre quotidien. L’horreur est devenue le fonds de commerce des médias qui ont vite compris que la misère se vendait mieux que le bonheur. Aujourd’hui 30 minutes d’actualités correspondent à 30 minutes de guerres, de manifestations inutiles, de répressions aberrantes, de souffrances, de morts (ou pire, de football). Un bain de peur et de haine qui ne peut provoquer qu’une spirale nihiliste : “De toutes façons il n’y a pas d’avenir, donc c’est pas grave si je fais n’importe quoi.” La conséquence finale de cette impossibilité de se projeter dans le futur étant la fuite totale et définitive de ceux qui peuvent se le permettre. Lire Survival of the Richest de Douglas Rushkoff ou encore voir le très récent film Tides (The Colony – 2021) où les riches exilés de Kepler-209 décident de revenir mettre la pagaille sur terre.

Face à cette réalité sordide, le Solar Punk apparaît alors comme un rayon de soleil. Un soupçon d’espoir qui permet d’orienter nos pensées vers un futur désirable. Et qui, j’en suis persuadé peut donner des idées de futur à ceux qui n’en ont plus.

Et ce rayon de soleil se concrétise peu à peu au fur et à mesure des avancées sociales, politiques et technologiques. La preuve ci-dessous. Alors on peut imaginer que si la couverture du Time de février 1993 était titrée Cyberpunk, celle de 2022 pourrait être consacrée au Solarpunk.

Le SolarPunk c’est déjà aujourd’hui

Environnement > Grâce à la la loi AGEC contre le gaspillage et pour l’économie circulaire, dans à peine plus d’un mois, il ne sera plus permis aux industriels de détruire les produits neufs non alimentaires qu’ils ne parviennent pas à écouler. Cette interdiction s’appliquera à partir du 1er janvier prochain à tous les biens de consommation couverts par une filière de récupération REP (responsabilité élargie du producteur. Cette loi intègre également l’interdiction du gaspillage de plastique, l’obligation d’un indice de durabilité et réparabilité sur les machines, l’interdiction de la vaisselle jetable dans les fast-food, etc…. Autre réjouissance, la RE 2020 est un nouvelle réglementation qui vise à réduire l’empreinte carbone des bâtiments neufs sur toute la durée du cycle de vie. Rappelons que la construction est responsable de 25% à 40% des émissions de gaz à effets de serre.

Données > Sur le sujet des données, en Europe, Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne sont parvenus à un accord provisoire sur le Data Governance Act (DGA) visant à créer un marché unique européen des données. Un mélange pas très clair d’innovation sociale et d’entreprises privées, mais qui semble s’intéresser à la notion de consentement du détenteur des données. C’est mieux que rien.

Digital Labor > On y croit. La Commission européenne devrait publier le 8 décembre prochain sa proposition législative concernant la protection des travailleurs de plateforme (Uber, Deliveroo, Cajoo…). Il faut savoir que 10% des travailleurs européens seraient des « travailleurs de plateformes ». « Travailleurs des plateformes« , un nom bien gentil pour remplacer « esclaves humains de la machine« . Une embuche de plus pour les professionnels de la gig economy qui se font tacler cette année un peu partout en Europe (sauf en France).

Espace >Biosécurité planétaire. Invasion biologique. Organismes extraterrestres. Contamination d’écosystème. D’après des chercheurs ont publié un papier annonçant qu’il s’agit de notions à prendre en compte rapidement à cause de la révolution du domaine spatiale où les humains peuvent contaminer d’autres écosystèmes extra-terrestres, mais peuvent aussi ramener de l’espace de quoi contaminer le nôtre. Une idée exploitée dans la nouvelle « Before Eden » d’Arthur C. Clarke (1961) où les humains détruisent la flore vénusienne sans le savoir.

SF et Imaginaire > Et une bien belle initiative de l’Université du Kansas qui a annoncé la création du Centre Ad Astra pour la Science-Fiction et l’Imagination Spéculative. Le centre « réunit des écrivains, des lecteurs, des universitaires, des éducateurs et des fans de fiction spéculative pour étudier et créer des œuvres qui changent le monde ». On signe où ?

Même si le Cyberpunk n’est pas mort

Industrie dégoutante > Découvrez les marchands de doute, des lobbys industriels qui ont réussi à infléchir les décisions publiques dans un sens favorable à leur intérêt, en fabriquant artificiellement du doute et de la controverse soi-disant scientifique, et en embrouillant les esprits par une instrumentalisation de la science. En résumé, la science au service de la désinformation.

Tech répugnante >L’application Life360 est utilisée par 33 million de personnes dans le monde et permet aux parents de localiser leurs enfants. On vient d’apprendre que cette appli vend ses données sur les enfants et les familles (dont les données de localisation) à une douzaine de data brokers. Mais qui peut encore faire confiance aux startups ?

Médias crasseux >Pour lutter contre les géants de l’audiovisuel comme Netflix, une rumeur ferait état de la fusion de TF1 et de M6. Ce MegaTFM16 représenterait plus de 70% du marché de la publicité audiovisuelle. Isabelle de Silva, présidente de l’Autorité de la concurrence, qui s’était inquiétée d’une telle concentration, n’a pas été renouvelée pour un second mandat. Mais n’y voyez évidemment aucune ingérence politique.


Madame Irma fait de la prospective

La population française pourrait commencer à diminuer à partir de 2044. L’INSEE vient de publier une étude selon laquelle la population française pourrait commencer à diminuer à partir de 2044. En attendant, elle devrait continuer d’augmenter pour atteindre en 2044, un pic de 69,3 millions d’habitants.

L’évènement SF du mois

La 79ème édition de la Convention Mondiale de Science Fiction, Discon 3, aura lieu du 15 au 19 décembre 2021 à Washington DC. On y trouvera notamment la présentation des Hugo Awards le 18/12 (les nombreux finalistes ici)

Des choses à lire

  • Pour (re)découvrir la science-fiction Française d’avant. Serge Lehman nous présente six textes de SF française dans le recueil Maîtres du vertige (l’Arbre Vengeur).
  • Pour (re)découvrir la science-fiction Française d’aujourd’hui, c’est l’anthologie Par delà l’horizon qui vous présente 19 nouvelles contemporaines
  • Dans la SF, à force de parler de « punk ceci » et « punk cela », on oublie de mettre de vrais punks dedans. C’est corrigé avec cette nouvelle édition du bouquin de Karim Berrouka, Le club des punks contre l’apocalypse zombie. A consommer au square avec son chien en sirotant une canterpils chaude.
  • Un cadeau : téléchargez gratuitement la revue Cérès n°1 avec Audrey Alwett, Sylvie Lainé, Olivier Gechter, Bertrand Campeis et encore Étienne Barillier
  • On me parle également de la réédition du Frankenstein de Mary Shelley aux éditions Bragelonne, dans sa version de 1818 (et pas celle de 1831). 200 ans après sa première publication en France, cette édition compte de très belles illustrations d’Armel Gaulme. Un beau cadeau de Noël ça.
  • ALIEN, la xénographie ! En financement participatif, une monographie au sommaire alléchant de Nicolas Martin (l’animateur de la Méthode scientifique sur France Culture) et Simon Riaux d’Ecran Large.

Des trucs à écouter

Des bidules à jouer

  • Dune aventures dans l’imperium. Un jeu de rôle tiré de l’oeuvre de Franck Herbert, auquel je n’ai pas joué, mais qui me fait très envie. C’est l’édition de Modiphius (système 2D20) traduite par l’équipe d’Arkhane Asylum. Ce jeu sera-t-il aussi sérieux que l’extraordinaire travail réalisé par Olivier Legrand avec Imperium, jeu de rôle gratuit sorti en 2015 ?
  • The Expanse. Un autre jeu de rôle tiré de l’oeuvre de James S.A.Corey, chez Black Book. J’avoue que je suis un fan de la série TV tirée des bouquins. Elle est extraordinaire de sérieux et de réalisme.

Et ce qui m’a vraiment étonné ce mois-ci

Le story-board du DUNE de Jodorowsky et Moebius a été vendu 2.6 milliards d’euros chez Christies… Il s’agit de l’exemplaire n°5 du story-board de cette œuvre culte qui ne s’est pas faite.

Imaginez de réunir l’imagination infinie de Moebius et Gigger les délires mentaux de Jodo, la musique des Pink Floyd, Dali, Mick Jagger et même Alain Deloin. Ce travail préparatoire aura tout de même servi. Jodo et Moebius en ont tiré l’Incal (dans 1 ou 2 ans sur vos écrans si j’ai bien suivi). Les Pink Floyd ont tiré l’album Wish You were Here. Et Hollywood a picoré dedans pendant des dizaines d’années pour en sortir des œuvres « originales » (de Star Wars à Blade Runner en passant par Alien). Si vous voulez tout savoir sur ce film (et que vous n’avez pas 2,6 milliards qui trainent), regardez le documentaire de Frank Pavich.

Voilà, le premier épisode de NoFut la newsletter du futur, est terminé. J’espère que vous avez aimé. Si oui, faites la tourner. (Et oui, j’essaierai de faire plus court la prochaine fois).

Cyroul

Explorateur des internets et créateur de sites web depuis depuis 1995, enseignant, créateur de jeux, bidouilleur et illustrateur. J'écris principalement sur les transformations sociales et culturelles dues aux nouvelles technologies, et également sur la façon dont la science-fiction voit notre futur.

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