Le métier du digital planner excite l’imagination, les fantasmes les plus fous voir même une agressivité imprévue (l’interview sur ce sujet par le Darkplanner l’a montré). Car les agences de pub sont en pleine crise. Une crise qui n’a rien à voir avec la crise économique, mais tout à voir avec le nouveau paradigme de la communication (« paradigme conversationnel » pour ceux qui auraient loupé un épisode). Et souvent, en cas de crise, on panique.
Coincées entre leurs obligations commerciales envers leurs clients et leur propre incompétence en terme de digital (car ce n’est pas leur métier, ne les fustigeons pas), les agences sont en plein questionnement (si ce n’est bouleversement).
Et l’une des grandes questions est le rôle et le profil du digital planner.
Une question qui ne risque pas d’être résolue, face au flux de candidatures de spécialistes internet, web strategists et autres experts digitaux que l’on voit exploser en ce moment.
Alors, pour aider les agences à s’y retrouver entre les wannabe, les « ah bon j’en suis un ?« , les prétentieux et les arnaqueurs, voici 6 profils correspondants à peu près à ce qu’on peut trouver sur le marché du digital planner aujourd’hui.
Je préviens tout de suite les agressifs qu’il s’agit de stéréotypes absolument inventés. Toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé serait donc fortuite et complètement indépendante de la volonté de l’auteur qui n’oserait jamais (vous le connaissez voyons).
1/ Le commercial astucieux
Ayant senti le vent tourner dans la publicité traditionnelle, vous avez décidé de vous trouver une planque au chaud. Et quoi de mieux qu’une place de spécialiste Internet (ou digital planner ça a encore plus de gueule). A vous la joie de la glande sur le web. Et pas de problème pour se faire embaucher si ça ne marche pas : vous savez parler de Facebook (vous y passez suffisamment de temps par jour), et de youtube (ces vidéos sont vraiment trop cools). Et puis, vous êtes vraiment incollable sur les dernières opérations virales (vous lisez tous les jours Tartes-et-gies et CPasNew).
- Citation préférée : « Ce qu’il faudrait pour votre marque, c’est une vidéo virale qu’on mettrait sur Youtube. Succès assuré. Ca marche à chaque fois, regardez Susan Boyle ! »
- Point fort : vendrait n’importe quoi à n’importe qui.
- Point faible : vend n’importe quoi.
2/ Le planner stratégique raté
Après avoir peiné à décrocher un stage au planning dans une agence de pub, vous vous êtes aperçu que le planning stratégique était un métier compliqué qui demandait finalement beaucoup plus de travail que prévu. Heureusement les capacités de réflexion digitale de votre prochaine agence sont inexistantes et vous décidez d’investir le poste de planner stratégique à spécialité digitale avec tout l’aplomb qui vous caractérise. Et ça a marché ! Vous voilà dans votre nouveau fauteuil. Il est grand et confortable. Qu’importe le résultat pourvu qu’il y ait le respect de la fonction, hein ?
- Citation préférée : « On va faire un site qui permet de regrouper tous les fans de la marque, pour s’échanger des bons plans, ce sera cool pour la marque.«
- Point fort : a de vagues connaissances du métier de planner stratégique
- Point faible : n’abuse que ceux avec qui il ne travaille pas
3/ Le Chef de projet par hasard
Seul chef de projet web (ou webmaster) dans une petite agence ou chez l’annonceur, vous assuriez tout le travail, de la conception au suivi des prestas, si ce n’est à la réalisation en mettant les mains à la pâte. Cette année, vous vous retrouvez par la force des choses web strategist, étant le plus expérimenté sur le sujet dans votre société. Seulement, gérer un site et gérer une e-reputation, ce n’est pas la même chose. Saurez-vous convaincre vos boss que vous avez besoin d’aide ?
- Citation préférée : « On va faire le mini-site de campagne en spip, avec une accessibilité de niveau bronze. Ca devrait vendre notre produit.«
- Point fort : connait internet depuis des années et maitrise son taff (de la conception à la mise ne ligne d’un site) sur le bout des doigts
- Point faible : certains ne comprennent pas que leur métier a évolué
4/ L’étudiant influent
Durant vos études supérieures en communication et marketing, vous avez monté un blog sur le marketing. Celui-ci a cartonné et vous retrouvant blogueur influent, vous vous êtes mis à fréquenter le soir des agences spécialisées et des professionnels du marketing digital. Cette expérience à la fois pratique et stratégique vous a permis de vous targuer d’une expertise et d’un savoir faire très recherché. C’est bien simple, si on tape « e-marketing » sur google, on tombe sur votre blog en première position. Les agences se bousculent donc pour vous embaucher et vous proposent des postes de plus en plus clinquants. La carrière de digital planner est la prochaine étape.
- Citation : « Pas de problème pour viraliser cette campagne, tous mes potes sont dans le top 10 Wikio marketing.«
- Point fort : connait tous les rouages des opés blogueurs, street et virales et a une culture e-marketing incroyable.
- Point faible : étrangement, il n’arrive pas à travailler sur le continuum de l’autodétermination, et notamment les sources de motivation extrinsèque du consommateur (ce que tout bon planner doit être capable de faire).
5/ L’expert web chiant
Il vous agace, il vous contredit constamment, il dit le contraire de ce qu’il y a écrit dans les magazines publicitaires spécialisés. Vous lui dites « Social Media« , il vous réponds « Les gens ne sont pas des panneaux publicitaires! » Vous lui dites « campagnes virales« , et il vous réponds « Tu aurais envie de l’envoyer à ta mère, toi, cette pub pas drôle ? » Vous lui dites achat d’espace média, et il vous demande « Sur quels supports exactement ?« . Il met même le nez dans l’organisation du travail à l’intérieur de l’entreprise, en proposant des wiki-bidules et des services de folksono-machins. Bref, c’est une plaie qui passe sont temps à détruire vos idées reçues et vos convictions durement acquises sur ce media Internet. Ah, non il parait que c’est pas un media en plus.
- Citation préférée : « Hmmm. Je ne suis pas certain que faire un faux blog sur ce produit défaillant soit une bonne idée. En tout cas, moi, je n’y touche pas…«
- Point fort : connait très bien son sujet
- Point faible : la vie en agence de pub traditionnelle n’est pas faite pour lui. Soit l’agence évolue, soit il ira évoluer ailleurs.
6/ Pas besoin de planner digital, on a un planner stratégique
En tant que directeur d’agence, vous êtes clairvoyant, et ça fait bien deux ans que vous vous dites qu’il va falloir investir sur le digital. Alors vous avez embauché des flashers et des directeurs de clientèle qui semblent s’y connaitre. Mais pour le reste, ça va être au planner stratégique d’évoluer vers le digital. Alors vous payez une formation très chère à vos planners strat. A eux les joies de la compréhension des réseaux sociaux, des advergames et du micro-blogging. Certains n’en ont pas besoin, d’autres découvrent un nouveau monde, mais tous sont ravis de votre initiative. Vos planners sont heureux, et vous allez peut-être enfin vendre de vraies stratégies digitales à vos clients. Et comble de la bonne gestion, ça rentre dans votre 1% formation, ça ne vous a donc rien couté. Vous êtes décidément un chef formidable.
- Citation préférée : « Et si on réalisait une application permettant de se connecter à facebook, à lire ses mails, et aussi lire les titres des nouveaux articles sur des blogs sélectionnés ? On brande ça du nom de la marque et je suis certain que ça marcherait.«
- Point fort : connait la publicité, ses méthodes et ses techniques sur le bout des doigts
- Point faible : a une culture web et technologique proche du zero absolu. Vous en connaissez des planners strat capables de vous expliquer le Web Squared ? Ou même simplement les révolutions induites par le html5 et CSS3 ? Moi je n’en connais pas. Et pour ceux qui pensent que ce n’est pas important, que ce n’est que de la technique, je leur dirai simplement qu’Internet n’éxiste que sur des bases techniques.
Conclusion : les 3 compétences de base du DP
Ces caricatures de digital planners ne sont qu’une excuse pour vous interroger sur ce nouveau métier. A l’instar du planner stratégique, le digital planner a une définition complexe et multiple que n’importe qui peut revendiquer. Il n’existe en effet pas encore d’APG permettant de fixer les guidelines de la profession. Il est donc très compliqué de donner une définition de ce métier (le plus simple étant de faire ce genre d’article : Les 10 commandements du planneur digital).
Mais si il fallait se fixer 3 compétences de base du digital planner idéal, ce serait à mon avis :
- de la culture internet,
- de la connaissance de la marque (du planning stratégique),
- et un excellent bagage technique (constamment remis à jour).
De façon plus poussée, The Planning Lab (excellent blog Suédois) nous propose les 3 compétences suivantes :
- design (visual design et conception d’interaction),
- technologie (programmation, opportunités, et tendances technologiques)
- et planning (planning strat + statistiques et études).
Quoiqu’il en soit, le planner digital se doit d’être constamment en alerte, son expertise (technologique et design) devant évoluer en même temps que les territoires digitaux. J’ajouterai donc un 4ème critère à ces recommandations : LA PASSION. Un planner digital qui fait ses 8h par jour sur Internet n’est certainement pas fait pour ce métier. Le planner digital doit aimer apprendre, remettre en question ses acquis et ses connaissances.
C’est peut-être finalement le seul critère qui compte, vous ne croyez pas ?
@Nala,
Tout dépend si on veut profiter de l’accélération du BAO pour transformer entièrement son marketing et sa communication, ou si on considère que le BAO (bouche à oreille) n’est qu’une façon de continuer à faire du média à moindre cout.
Tout le monde n’est pas prêt à changer de paradigme, mais ça ne veut pas dire qu’il n’existe pas.
Bonjour,
Blog très intéressant, bravo, mais ne trouves tu pas ça un peu exagéré d’employer le terme de paradigme pour désigner une simple accélération du bao ?
@ Cyroul… moi aussi, je t’avoue ; )
D’ici là, pas mal de recherches, d’interviews et d’infos à récolter… si cela t’intéresse de partager ton expérience, ce serait avec plaisir pour moi, qu’on puisse rentrer en contact.
Lucile
@Lucile j’ai hâte de lire cette thèse. Cela devrait être intéressant.
Super intéressant, ton post, je me suis reconnue et, ai reconnu « mes » métiers dans pas mal de points de description. Très compliqué d’avoir un titre pour résumer un champ de compétences aussi large et virtuel pour certains, que mettre en place une stratégie virale, travailler sur l’e-réputation, animer une communauté, faire des RP 2.0 et j’en passe…
En tant que consultante indépendante en marketing alternatif et de la com d’influences, les media sociaux sont un espace de jeu libre à explorer, avec les enjeux des stratégies d’influences à venir. Je suis d’accord avec toi, sur le fait de parler de « paradigme relationnel » et de la crise que cela provoque au sein des agences, qui perdent leur vision et sont un peu désemparées pour exprimer leur flou. Profonds changements sociologiques de l’individu/conso/citoyen… qui me motivent à faire une thèse en socio sur le sujet.
Merci en tout cas pour cette réflexion.
Quand je te lis je comprends mieux…
@Branislav Mais alors cela signifierait que depuis 2002, Internet ne s’est développé que de manière verticale (en se spécialisant) et non horizontale (en inventant de nouveaux usages et techniques) ?
Mais alors comment expliques-tu par exemple le grouillement actuel de ces nouveaux experts en social media (terme qui n’existe que depuis 2 ans) ?
Pourquoi a-t-il fallu des experts à 5 pattes en 1998 et plus aujourd’hui ?
De plus, le débat n’est pas de savoir si un spécialiste est meilleur qu’un généraliste. Car cela est évident
Le débat porte plutôt sur la légitimité et l’utilité incontestables des « digital planners », nouveaux métiers permettant de réconcilier les rouleaux-compresseurs publicitaires (remplis de spécialistes) avec les évolutions permanentes des territoires digitaux.
Sans mauvais jeu de mots, cet article a le mérite d’aplanir pas mal de choses.
J’ai appris beaucoup. Merci !
Très bon exemple que Fred (avec qui je dine ce soir justement).
Fred est sans doute une des personnes un peu notoire en France que je respecte le plus.
Néanmoins, je t’assure qu’il ne saurait pas faire mon travail de planner. Car la moitié de mes raisonnement sont liés aux clients pour lesquels je travaille, leur business, leur mix de communication.
Tout comme je me garde bien de penser savoir ne serait que la moitié de ce que Fred sait: sa manière de décrypter tant au niveau macro que micro ce que devient le digital, comment il évolue, les principaux enjeux présents et à venir.
Son éclairage sur de nombreux sujets l’ont rendu précieux à la toile francophone.
Non, Fred n’est pas un marketer à mes yeux.
Je n’ai jamais croisé de moutons à 5 pattes, si ce n’est sans doute à la fin des années 90 jusqu’en 2002 environ. A l’époque, je codais, j’étais chef de projet, directeur de clientèle, parfois même je faisais du photoshop. Le tout en conseillant mes clients. Et j’étais entouré de gens comme ça.
Il ne s’est pas passé un jour depuis cette époque sans que je rencontre des gens plus spécialisés d’une part, mais aussi plus costaud dans leur axe de travail respectif.
Et plus ça va, et plus on fait du bon boulot ensemble.
@Branislav les moutons à 5 pattes existent pourtant à Tchernobyl, territoire de l’évolution accélérée. Alors pourquoi pas sur Internet, territoire qui force les gens à évoluer de façon rapide (ou pas).
Prends un profil comme celui de Fred Cavazza, qui est à la fois marketeur, techniquement au point, et designer d’interaction. J’ai pris l’exemple de Fred car il est très connu, mais tu en as peut-être autour de toi.
Les temps changent Branislav, les métiers aussi. Oui, c’est bien les spécialistes, mais il faut savoir organiser ces expertises pour une marque. Et qui va le faire, à part ce fameux mouton à 5 pattes ?
Les moutons à 5 pattes, ça n’existe pas. :D
@Branislav de la même façon, pas besoin de 5 spécialistes pour faire une stratégie digitale cohérente.
Un planner digital suffit.
Pas besoin d’un planner pour faire un blog.
Un UX, un créatif et quelqu’un derrière son clavier pour l’alimenter suffisent.
Un expert ? Un mec qui en sait de plus en plus sur de moins en moins ?
@Branislav
Le point faible de ton argumentation (très interessante par ailleurs) est cette phrase : « le secret de la réussite passe par la spécialisation et le travail coordonné de différents spécialistes ».
Cette affirmation est abusive car utilisable dans un contexte particulier et absolument pas généralisable.
Par exemple, quand je dois réaliser un blog en 1 journée, je ne vais pas appeler un concepteur-ergo + un graphiste + un développeur + un admin sys + un spécialiste SEO + un chef de projet pour gérer tout ça. J’appelle dans ce cas un gars qui sait tout faire, certes moins bien que les spécialistes mais pour un cout (et une rapidité d’execution) 10 fois supérieure.
C’est peut-être là la grande différence avec les process publicitaires habituels : sur Internet, on a besoin d’être réactif et iteratif (et donc pas cher, car refaire un site à 120 Ke, plusieurs fois de suite, ça fait mal).
Et dernier argument : vérifiez toujours la fraîcheur de vos spécialistes SEO, Flash, e-publicitaire, etc. L’ère digitale accélère les dates de péremption.
Bel exercice de vulgarisation des différentes familles de planners (ou de gens qui se considèrent comme tel).
Il n’en reste pas moins que l’account planning anglo-saxon a été inventé pour établir un lien intime entre des objectifs de communication et les moyens mis en oeuvre pour les résoudre et en mesurer le succès. L’account planner est garant de la stratégie déployée par son agence pour les clients.
Il « réfléchit » dans un monde où les directeurs marketing sont souvent majoritairement payés et jugés pour leur capacité à « décider ».
Le schéma à la fin de ton article pose les bases d’un poste « touche-à-tout » hybride alors même que le secret de la réussite passe par la spécialisation et le travail coordonné de différents spécialistes.
Concrétement:
– Il faut être UX ou Experience Designer pour réaliser la dimension « Design » décrite. Et avoir une culture digitale solide. Pas être un digital planner…
– Il faut être un Technology architect pour planifier et déployer les moyens techniques d’une plateforme digitale de marque. Et avoir une culture digitale solide. Pas être un digital planner encore une fois.
– Il faut être un stratège de marque pour assigner les bons objectifs stratégiques, les décomposer en une chaine d’influence et autant d’objectifs tactiques associés à des KPIs pour en mesurer le succès. Et avoir une culture digitale solide. Pas être un digital planner, mais un account planner.
Bref, j’ai un peu l’impression que tout le monde veut s’attribuer le titre de planner afin de voiler le grand n’importe quoi qui se cache derrière, c’est à dire tous les profils que tu décris justement si bien.
J’ai écrit un article dans l’édition précédente de « Age of Conversation 2 » l’année dernière sur le sujet « Quels sont les principaux défis que les agences doivent résoudre ? »
Mon argumentaire tourne autour de la capacité à faire évoluer les organisations et les méthodes pour favoriser un travail collaboratif entre spécialistes plutôt que de renforcer à outrance la dimension « mouton à 5 pattes » (inadaptée à la complexité et la fragmentation du digital aujourd’hui).
Le digital planner est donc bien un mouton à 5 pattes à mes yeux.
Ce qui m’empêche d’admettre que ce poste puisse exister. Et même pire, à lutter pour qu’il n’existe jamais. Cela nuit au développement de notre profession à tous.
Et de finir par une citation : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. » Albert Camus
@lovny Compliqué de créer un syndicat sur un métier en constante mutation. Il faut que j’y réfléchisse.
@françoisG : définitivement en forme le lundi toi ;)
Le SGIPCFPIE ?
Le Syndicat des Gens dont l’Intitulé de Poste Change Fréquemment mais dont les Proches sont toujours aussi Incapable d’Expliquer ou de Comprendre ce qu’ils Font ?
Oui je suis en forme le lundi… (ou pas)
On crée un syndicat ?
Comment ? Je ne vois nul part la mention « responsable » ??!! Qu’est ce que c’est que ce bordel !!?