Neo-experts, post-gourous et wannabe consultants digitaux

Ca y est, je suis énervé…

Hier j’ai regardé mes nouveaux followers de la semaine sur twitter et je suis tombé sur 10 nouveaux consultants professionnels experts en digital marketing, en e-reputation de marque, en digital planning, en booster de business sur Twitter, en e-notoriété, en médias sociaux (sic) et même en web marketing...

Ce qui ne peut signifier qu’une chose : le name dropping de buzz words a atteint son rythme de croisière (essayez de dire ça très vite pour voir).

Allez, dissection de l’effet « expertise spontané » qui fleurit sur les réseaux professionnels et qui n’est pourtant pas nouveau…

Car ce n’est pas la première fois

En effet, il y a 10 ans, un nombre incroyable d’entrepreneurs web aux soit-disant idées géniales envahissaient les First Tuesday et raflaient tous les budgets offerts par des business angels peu malins. Qu’importe si ces jeunes gens aux dents longues ne savaient pas faire un site web car ils savaient présenter un power point. Alors ces VC (Venture Capitalists) ont distribué de l’argent (qu’ils n’avaient pas toujours) sans réfléchir à qui et pourquoi le donner.

Pour nous moquer avec quelques potes (nous étions jeunes), nous nous étions même transformés en suédois en lançant Kasskooye.com, une ode parodique à cette engouement pour des projets creux menés par des businessman pour des businessman (oui, j’avais des cheveux à l’époque).

Le résultat : les sites en carton mâché proposés par des « experts web » sans aucune expérience se sont volatilisés dans une explosion de francs (oui, à l’époque c’était des francs) dans un gâchis sans précédent qui n’a trouvé aucun responsable. Comment en effet accuser des entrepreneurs sans expérience, ou même des investisseurs de bonne volonté ? Alors on a appelé ça « la bulle 1.0 » et on est passé à la suite.

Mais ça continue encore et encore…

(C’est du Cabrel ça ? Mince je vais me faire charrier!)

Ca a recommencé en 2006 où les agences web se sont mises à vendre du 2.0 d’abord doucement puis en masse. Qui n’a pas son site 2.0 ? Du site 2.0 pas cher ! Demandez le site 2.0. Et puis en 2007, le blog est devenu à la mode et toutes les agences et consultants devinrent experts blogueurs : comment faire un blog efficace, comment faire en sorte que les blogueurs parlent de vos produits, etc.

En 2008, la population d’experts en buzz marketing s’est accrue brusquement pour vous proposer du viral prêt à buzzer. Ces experts en viralité se multiplièrent (pire que le HAN1) pour vous proposer des vidéos et campagnes dont plus personne ne se souvient aujourd’hui. Et en 2009, ce furent les professionnels des médias sociaux qui se sont mis à vous promettre la lune grâce à leur expertise unique dans l’affichage de publicité sur des réseaux sociaux.

Le résultat  ? lisez Why Doesn’t Social Media Work for Traditional B2B Marketers? Because They’re Traditional B2B Marketers. Un beau gâchis d’argent, de ressources, mais aussi du capital « confiance » de certaines marques. Pourtant ça continue aujourd’hui où, certaines agences et consultants sans scrupules deviennent spontanément des professionnels de Twitter et de la e-reputation de marque, les deux tendances de l’année. Et les annonceurs marchent, voir courent. Un expert social media, chouette, on achète…

Seulement annonceur crédule, je vais t’avouer quelque chose :

Devenir un expert en social machin ou en truc 2.0 c’est facile !

En effet, il suffit d’aller sur un site qui s’appelle Slideshare, de taper un mot clé dans le moteur de recherche, et de télécharger une belle présentation en PDF (ou même en PPT) sur votre sujet favoris. Et hop, à vous les joies de l’expertise 2.0, e-reputation ou buzz marketing et tout ça, sans jamais avoir lancé une campagne.

Vous pouvez également lire des blogs, où l’on trouve des tas de trucs, comme par exemple 6 Ways to Be an Expert…Even if You’re Not an Expert!

Et qui vous contestera cette légitimité ? Vous l’annonceur ? Alors que vous ne savez pas lire un blog ou twitter un article, ahahaha, certainement pas.

Mais il existe des façons de ne pas vous faire abuser. Et comme je suis rempli de compassion pour toi, pauvre annonceur crédule, je vais te donner quelques conseils.

Conseil n°1 : vérifiez les preuves de l’expertise digitale

Qu’il soit agence ou consultant indépendant, vous devez impérativement tester ou vérifier les capacités de l’auto-proclamé expert digital en cherchant des preuves sur Internet avant de faire appel à lui. C’est facile, ça vous prendra 30 minutes et ça vous évitera de donner votre budget communication de l’année à un consultant qui vient de découvrir le marketing digital en lisant le dernier Tartes et gît spécial web 2.0, mais qui a une belle cravate, des dents blanches et une rollex.

Quand j’embauche un collaborateur ou quand je fais appel à un partenaire technique ou éditorial, je me renseigne sur son compte avant de signer.

Vous aussi ?! Alors pourquoi ne pas vous renseigner sur l’expert digital ou l’agence avec qui vous allez bosser ?

  • Un expert en blog ? Il est où son blog ? Il fonctionne ? Combien de commentaires par articles, combien de lecteurs estimés ? Depuis combien de temps existe-t-il ? A-t-il une véritable ligne rédactionnelle ou est-ce un blog « seo-oriented » ?
  • Un expert Twitter ? Combien de followers ? 300 ? Ben dites donc, ça doit être un expert de niche ou alors il se fout de votre g*. Lisez Self-Proclaimed Social Media Gurus on Twitter Multiplying Like Rabbits.
  • Un expert en e-notoriété ? Googlisez son nom et analysez les résultats. Sa e-réputation se doit être nickel. Et ça vous permet de tester la longevité du bonhomme. Quoi ? Seulement 3000 résultats ? Il a découvert le web avant-hier ou quoi ?
  • Un expert en stratégies digitales ? Lisez le conseil n°2

Conseil n°2 : si on vous vend ce que vous attendez, c’est que c’est mauvais

Vous n’allez pas payer un expert pour réaliser ce que vous avez expertisé, si ?

Depuis 2 ans, on trouve des stratèges digitaux partout, qu’on peut croiser aussi sous la forme de planners digitaux ou d’experts en communication digitale. Alors comment distinguer le véritable expert du commercial malin ?

Déjà dans le cas d’une agence, vous devez identifier votre (ou vos) stratège(s), car ce sont ces experts qui vont faire votre stratégie, pas l’agence. Ca vous permettra de mettre des noms sur les compétences et éviter le syndrome agence : vendu par un commercial et réalisé par un stagiaire.

Ensuite, faites ce test :

  1. Vous demandez au consultant (ou à l’agence), de vous créer un compte facebook, un twitter et un blog.
  2. Et vous attendez la reco.
  3. Si la reco vous propose un Facebook, un twitter et un blog, changez d’agence/consultant
  4. Si la reco vous demande de faire des trucs très désagréables, comme recentrer votre boite autour de votre programme de social CRM, ou encore faire du véritable participatif, ou même répondre aux doléances de vos consommateurs, alors votre consultant aura bien fait son travail. Il vous aura bougé les fesses et remis votre modèle économique en question, ce dont vous avez besoin, que vous le sachiez ou non.

Conseil n°3 : un expert multi-fonction n’existe pas

J’avais eu une longue discussion à ce propos sur l’article consacré au digital planner, car je reste persuadé qu’un planner digital est quelqu’un qui est capable de créer une stratégie qui fait intervenir plusieurs expertises sans être lui même un spécialiste de toutes ces expertise. Je ne crois pas 5 minutes à l’agence (ou au consultant) couteau-suisse expert en tout : en rédaction de blog, de twitter, de stratégies digitales, en création de site web, en e-reputation etc. Surtout si il n’y a que 5 personnes dans l’agence.

On ne peut être expert de tout, et ceux qui vous disent le contraire essaient de vous vendre quelque chose.

Non, vous devez savoir, quand vous embauchez votre consultant, qu’il sera un spécialiste ou un généraliste qui fera intervenir des spécialistes. Après, si vous n’avez que le budget pour vous payer un généraliste, c’est votre problème, mais n’imaginez pas qu’un généraliste peut être aussi bon qu’un spécialiste. Sur ce point, testez votre consultant/agence : à lui de vous dire si il externalise, dans le cas où le budget le lui permet. Et dans le cas contraire, il doit vous dire que les résultats ne seront pas optimales.

Conseil n°4 : pédagogie et KPI

Je continue à être persuadé que la qualité fondamentale d’un planner digital, ou d’un expert communiquant digital est la pédagogie. Car un bon consultant ne peut pas travailler avec un client qui ne comprend rien à ce qu’il fait. Cela l’oblige en effet à ne faire que des campagnes déjà-vues pour être certain qu’on les lui valide. Et l’on sait que sur Internet, le déjà fait/vu équivaut à de l’obsolète.

Pour expliquer un dispositif de communication digital compliqué, demandez à l’expert de vous montrer un autre dispositif stratégique plus simple. Et si il vous sort une vieille stratégie digitale de 2007, dites lui que vous aussi vous lisez cyroul.com et que vous, vous savez que ce schéma date de 3 ans. Non, exigez un dispositif moderne, plus tactique et donc stratégique.

Et surtout exigez un dispositif qui contient des KPI ! Des quoi ? Des indicateurs de performance ! Mentions indispensables pour toute stratégie digitale crédible aujourd’hui. Comment faire une stratégie sans indicateurs de performance ?

En conclusion : renseignez vous avant d’acheter de l’expertise !

Bon, j’espère que cet article vous a plu. N’hésitez pas à rajouter des conseils ci-dessous pour permettre aux annonceurs crédules de ne plus faire appel à des faux spécialistes.