Anarchy in the internet

Colère, révolte, tristesse et joie. C’est ce qu’on peut éprouver en regardant avec recul les évènements de la soirée, consécutifs à ceux d’une incroyable semaine.

Les internautes stupéfaits ont assisté à la chasse à l’homme planétaire d’un homme (Julian Assange) dont le crime fut d’avoir inventé un nouvel outil de transparence informationnelle (Wikileaks). On peut comprendre certaines sociétés sans scrupules qui n’ont aucun intérêt à ce qu’on épluche leurs magouilles financiers, on peut comprendre certains dictateurs qui préfèreraient que leurs méfaits restent cachés. C’est triste, mais c’est classique. Les méchants sont sournois, ils traitent leurs affaires dans l’ombre, dissimulés aux yeux de tous.

Mais comment excuser des républiques, des démocraties de vouloir cacher certaines vérités ?

On ne peut pas. D’où cette violente colère. D’où ce vent de révolte que certains gouvernements (dont le gouvernement français, cocorico les pieds dans le purin) et certaines sociétés essayent d’étouffer par tous les moyens.

Justice is meaningless without Freedom »

Mais les internautes sont fascinants. Ensemble, ils peuvent tout réussir. Cette nuit, l’opération #payback a réussi à faire tomber les sites de Mastercard et Visa. Imaginez le pouvoir de ces gens. Ces gueux, ces inadaptés sociaux IRL pour certains, ces quidams lambdas dont l’histoire ne retiendra jamais les noms, ces anonymes ont réussi à faire tomber deux des plus gros sites de paiement dans le monde.

Alan Moore avait tout bon !

Dans V for Vendetta, Alan Moore nous parle d’un état fasciste, contrôlant toute l’information qu’elle soit émise ou reçue. La seule façon pour les gens de retrouver leur liberté sera de déclencher l’anarchie. L’anarchie permettra de casser les relations néfastes d’autorité établis par les profiteurs de la société (des gouvernants jusqu’aux petits chefs).

Pour V, le personnage d’Alan Moore, seule l’anarchie permettra aux gens de redevenir libres. Et cette anarchie passe par l’anonymat. Seul l’anonymat permettra aux gens de se dresser pour renverser les dictatures morales, financières, culturelles, politiques.

Non, le petit garçon timide n’osera jamais donner son avis en classe. Il a trop peur de tout. Mais caché derrière son ordinateur, il est l’égal des autres, donc plus rien ne le terrorise. Il n’a plus peur. Il peut parler et dire ce qu’il pense sans se faire casser la gueule à la récré. Il est libre.

Internet devient ainsi le terreau idéal pour faire éclore les graines de la rébellion contre une autorité sans liberté. Et nous en avons eu la preuve ce soir avec ces attaques contre des institutions.

Anarchy means “without leaders”, not “without order”

Mais ce soir, avons-nous vu de l’anarchie ou bien du chaos ? Car ne confondons pas la notion d’anarchie bordélique et no-future qui sent la bière (mouvement politique tendance de jeunes bobos nourris au post-punk) avec celle d’une anarchie dont le fondement est le refus de l’autorité.

« With anarchy comes an age of ordnung, of true order, which is to say voluntary order… this age of ordung will begin when the mad and incoherent cycle of verwirrung that these bulletins reveal has run its course… This is not anarchy, Eve. This is chaos. »

Non, ce soir, nous étions dans le chaos. Les gens ensemble se lèvent pour détruire, casser, ce qu’ils trouvent injuste. Ce n’est pas forcément néfaste (à part pour les actionnaires), mais ce n’est pas constructif.

Il s’agit un peu d’une réaction de l’adolescent qui quitte le domicile familial par refus d’une autorité qu’il trouve déplacée et dangereuse. Certes il quitte la maison, mais s’est-il transformé en « adulte » responsable pour autant ? Certainement pas. Il lui restera du chemin à parcourir avant  s’épanouir dans un mode de vie personnel ou de prouver que ses parents avaient raison.

Et bien, il s’agit du même phénomène ici. Les internautes sont devenus solidaire d’une forme de transparence qu’ils revendiquent, qu’ils sentent être une belle évolution et qu’ils voient supprimée, dissimulée par des gouvernements qui sont pourtant censés leur vouloir du bien. Donc ils se fâchent. Ils cassent.

Mais maintenant, tout reste à faire.

Les internautes ont prouvés qu’ils étaient capables de faire des choses extra-ordinaires. Et tout ça sans pouvoir centralisé, sans dirigeant, sans gourou. Pas la peine d’avoir un Ben Laden pour réussir à torpiller l’économie d’un pays. Mais que peut-il se passer ensuite ?

Le première étape sera le refus des gouvernements qui vont par tous les moyens essayer de rétablir le principe d’autorité. Hadopi, Acta, Loppis, sont déjà des « lois » permettant de rétablir le contrôle des masses. Ainsi notre petit garçon timide, se sachant identifié, tracé, et surveillé, n’osera plus dire ce qu’il pense. L’auto-censure (la peur de l’autorité) est la plus efficace des armes de surveillance massive.

People should not be afraid of their government, Governments should be afraid of their people.

Seulement Wikileaks vient de prouver que les gens étaient plus forts que les gouvernements. On va donc se retrouver certainement à un moment avec des attaques d’anonymes anti-gouvernementales. Les bras de fer qui vont suivre vont être terribles. Et certainement sanglants. Mais qui gagnera à la fin ? On ne peut pas tuer des idées. Surtout quand elles sont vraies.

Alors une fois les gouvernements assouplis (ou transformés en dictatures absolues), le potentiel d’Internet, de cette anarchie basée sur un ordre collaboratif, va enfin s’exprimer. Il s’est déjà exprimé en faisant émerger la Wikipédia ou Wikileaks. On peut donc s’attendre logiquement à ce qu’il continue de créer des formes nouvelles, inattendues sur Internet, mais aussi dans le monde physique (du genre Fab Labs).

L’avenir va donc être incroyable. Et j’aime me dire que ce sera pour le meilleur. Les graines sont semées. J’ai hâte de voir les fleurs. (oui à cette heure de la nuit, je suis lyrique).

Author: Cyroul

Explorateur des internets et créateur de sites web depuis depuis 1995, enseignant, créateur de jeux, bidouilleur et illustrateur. J'écris principalement sur les transformations sociales et culturelles dues aux nouvelles technologies, et également sur la façon dont la science-fiction voit notre futur.

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