Qui pouvait en douter ? Les aventures avec les formidables Héressie, Ursaphe et Polamploah se sont poursuivies en 2012. Ursaphe a continué à nous inventer un salarié fantôme et le comptable a continué à renvoyer le bordereau de cotisation barré, en précisant « n’emploie plus de personnel salarié ». Un échange épistolaire tout à fait charmant. Cette routine sympathique a fini par s’épuiser le jour où nous avons gagné un appel d’offre public et où nous avons dû fournir en quelques jours des attestations comme quoi nous étions en règle avec tout le monde. Malgré notre correspondance régulière avec Ursaphe, cette dernière n’a rien voulu entendre : « non, vous n’êtes pas en règle ! Je vous rappelle que vous avez un salarié fantôme et que…« . Discuter par téléphone avec une personne butée ne sert à rien, alors nous avons choisi l’option « perdre une demi-journée ».
Défi #1 : obtenir une attestation
Il a fallu en effet une demi-journée, d’abord passée dans un centre en banlieue, puis dans un deuxième centre, toujours en banlieue, à expliquer notre situation, et à nous entendre dire placidement que « ça ne peut pas être modifié dans le système informatique« .
Ah, ce « système informatique » qui a toujours bon dos et ces pauvres employés qui ne peuvent rien faire, qui sont dépendants de la vilaine dématérialisation ! Au bout de trois heures, en nous concentrant très fort sur ce petit panneau qui disait en substance « restez courtois avec les agents ou vous serez dans la merde », nous avons fini par obtenir gain de cause. Nous sommes repartis, avec le fameux papier et avec un mélange de fatigue et d’extrême agacement . Une feuille toute simple qui aurait pu faire perdre à l’entreprise plusieurs dizaines de milliers d’euros s’elle n’avait pas été rendue dans les temps.
Côté Héressie, ce fut également rock’n’roll. La personne à qui nous avons demandé l’attestation par téléphone a énoncé doctement que, soit nous cherchions nous-mêmes l’attestation dans un centre Héressie, soit nous attendions un envoi par courrier sous 20 jours (20 jours ! mais sérieusement, les mecs ?!!!!), soit nous allions nous faire bien voir (elle n’a pas dit la dernière phrase mais l’a certainement pensé).
Heureusement, notre comptable nous a donné une information que la perfide créature avait, bien entendu, omis de nous communiquer : il existe mon.heressie.fr, qui permet de télécharger directement l’attestation via son compte ! Je trouve absolument génial que les sbires téléphoniques de Héressie soient briefés pour en dire le moins possible par téléphone. J’imagine leur réunion mensuelle :
- Sbire en chef : Bon, écoutez-moi bien, on a un problème. On a dépensé des centaines de milliers d’euros pour mettre en place mon.heressie.fr. Or ce site dispose de fonctionnalités qui pourraient bien permettre aux gens de gagner du temps.
- Sbire junior : Leur faire gagner du temps ? Mais c’est inconcevable ! Cela va à l’encontre de la doctrine de notre grande prêtresse Héressie !
- Sbire en chef : Exactement. C’est pourquoi il ne faut surtout PAS en parler. D’accord ? Ne mentionnez JAMAIS l’existence de ce site.
Défi #2 : échelonner ses cotisations sociales
Et puis un jour, hélas, il a bien fallu se rendre dans un centre Héressie. Notre trésorerie faisait grise mine et la régularisation des cotisations Héressie annonçait des sommes à cinq chiffres à rembourser : impossible à payer en une seule fois, il fallait demander un échelonnement.
C’était un jour de décembre, avec un ciel bas et lourd. Une petite rue du 17 ème, flanquée d’immeubles mornes et grisâtres, abritait une des habitations Héressie, celle dont je dépends (oui, j’en dépends parce que j’habite dans le 11e. Un savant algorithme permet d’attribuer aux gens le centre Héressie qui est géographiquement le plus loin de leur domicile. Malin, non ?).
J’ai d’abord été, je dois le dire, agréablement surprise. Peu d’attente, des canapés confortables, des visuels de tas de pays du monde défilant sur des écrans modernes. J’ai eu le temps de voir un temple thaï, un lagon paradisiaque, une pyramide et j’ai été appelée par une sbire de Héressie. Avec le recul, je me rends compte à quel point j’ai été naïve.
- Sbire du 17e : Bonjour que puis-je pour vous ?
- Traduction : Bonjour comment pourrais-je vous faire perdre du temps ?
- Moi : J’ai eu une grosse régularisation pour mes cotisations 2012 et j’aimerais vraiment échelonner la deuxième partie de la régulation. Est-ce que ce serait possible ?
- Sbire du 17e : Oui, c’est possible. Remplissez et signez ce papier, s’il vous plaît.
- Traduction : Oui, c’est possible mais cela va être beaucoup plus compliqué que ce que je vais vous dire. Je vais vous faire croire qu’il n’y a qu’un papier à signer.
Je remplis et signe le papier.
- Sbire du 17e : Tout est ok. Il faudra bien prévenir votre banque de rejeter le prélèvement prévu. Traduction : Héhéhéhéhéhé, tu crois vraiment que ça suffire ?
Effectivement cela n’a pas suffi. Comment ai-je pu croire qu’en me rendant directement auprès des sbires du 17e cela allait être plus simple ?
Trois semaines après, Héressie fait comme si tout ce qui s’était passé plus haut n’avait jamais existé. Comment ça vous rejetez le deuxième prélèvement de votre régularisation ? Comment ça vous vouliez échelonner votre régularisation ? Nous ne sommes PAS DU TOUT au courant. Contactés par téléphone, les sbires feignent la plus grande innocence.
C’est donc reparti pour le process que nous connaissons bien : envoi d’un courrier en RAR expliquant la situation / appel téléphonique pour vérifier que le courrier a été bien reçu et pris en compte /1 Lexomyl / suivi du dossier / appel téléphonique car la situation n’est toujours pas réglée / 2 Lexomyls et un whisky / attente jusqu’à la résolution du problème
A quand un véritable changement ?
Mieux vaut rire de tout ça. Il n’empêche, ça fait drôle de financer un système ubuesque dont la récente restructuration est une catastrophe (ce n’est pas moi qui le dis, c’est la Cour des Comptes).
Citons également cet article du Monde :
La suite est un véritable camouflet pour le RSI. « Six ans après la création du RSI et quatre ans après celle de l’ISU, les fonctions essentielles de l’affiliation, du recouvrement et du service des prestations n’ont pas retrouvé le niveau de qualité de service constaté avant la réforme, malgré les plans successifs et des rattrapages partiels de recettes à partir de 2011, juge la Cour des comptes. Le nouveau régime est encore aujourd’hui moins efficace et plus coûteux que les trois auxquels il a succédé. »
Héressie veut-elle faire évoluer les choses dans le bon sens ? Il semblerait que non, comme en témoigne cette phrase (toujours issue de l’article du Monde), qui fleure bon le poisson d’avril anticipé : « Le RSI et l’Urssaf préparent pour 2014 un système d’information commun pour améliorer la qualité du service.« . Facepalm.
Une solution très égoïste : quitter cette caisse et s’en remettre entièrement, en tant que profession libérale, à l’Urssaf, et à la Cipav. Mais l’herbe est-elle plus verte ailleurs ? Sans compter les difficultés de s’extraire des griffes de Héressie. Notre comptable a résumé : « ce changement est très difficile« . On veut bien le croire. Affaire à suivre.
Finalement quand on aime son pays ca fait un peu :
Bonjour vous aimez votre pays ? Tres bien et vous voulez creer une activite professionnelle ? Parfit, veuillez vous installer nous allons nous occuper de vous. En attendant est-ce que vous pouvez enfiler cette tenue ? … oui cette boule va bien dans la bouche et cet anneau autour du coup est pour y attacher une laisse, mais ne vous inquietez pas tout va bien se passer.
Au faite pour l’analyse de votre dossier, avec ou sans gravier ?
Bon courage a tous.
Je suis en plein dedans. J’ai juste besoin d’une attestation comme quoi je suis à jour, et j’y ai déjà passé plus de 3 heures depuis 10 jours (coups de fils, essai d’inscription sur RSI, mais j’ai un message : Dans sa première version, » Mon compte » est ouvert à plus de 80% des artisans et commerçants actifs
Si votre inscription n’est pas possible à ce jour, nous ne manquerons pas de vous réinviter dés que possible !
Welcome dans le monde ubuesque.
Je suis obligée d’y aller demain.
Pour habiter moi-même cette « petite rue du 17e, flanquée d’immeubles mornes et grisâtres » (et même l’un de ces immeubles, n’ayant pas eu les moyens de trouver mieux ailleurs, dans le 11e par exemple…) je me permets de relever un détail qui vous aura sans doute échappé mais ne manquera pas de vous amuser/agacer davantage : saviez-vous que l’immeuble mitoyen du RSI hébergeait le « vaisseau amiral » d’un grand groupe de casinos et, plus amusant encore, l’association contre l’addiction au jeu ? Vous voyez comme on s’amuse, dans le 17e…
En tant que entrepreneur-citoyen normal, je suis heureux de payer des charges sociales et autres impôts sur le produit de mon activité, pour que la France se porte à peu près bien (il me suffit d’oublier le trou sans fond du service de la dette que nous ont consciencieusement creusé nos contemporains de la génération sortante, autrement je pète un câble).
Cependant, quand je facture un client, je n’oublie jamais qu’une fraction de ce CA va partir à payer mon expert comptable pour m’éviter les complications PROVOQUEES par l’incompétence abrutie de cet organisme, le RSI. Sur 2012, 1500 € d’honoraires en sus de la mission de tenue des comptes, seulement pour correspondre avec le RSI et lui faire corriger des appels de fonds déments.
Comment détruire de la valeur ? Le RSI s’y emploie. Et l’emploi dans tout ça ?
Non non, Frédéric, on peut être modéré, en nuances, pondéré, mais pour le RSI , il n’y a pas deux mesures : c’est la pendaison du dernier guichetier avec les tripes du dernier agent.
Evidemment, cas personnel : le RSI réussit à avoir déjà un dossier à mon nom chez l’huissier, alors que
1. je n’ai toujours pas compris à quoi ils servaient (ils ne m’ont pas expliqué en tout cas)
2. je n’ai toujours pas recu en 2 ans d’activité une seule demande de cotisation correctement formulée
3. pas un seul contact personnel (que ce soit par courrier ou par téléphone). Ca doit leur couter moins cher d’appeller les huissiers, je suppose, plutot que de s’enquérir d’un problème.
Tout ca pour des sommes inférieures à 2000 euros, mais pour plus, ils m’auraient convaincu de passer en LJ plutot qu’en radiation.
J’aime pas être extrémiste, mais à ce niveau d’inaptitude, c’est suppression du RSI et rattachement au régime général.
je souscrirai volontiers à cet angle d’attaque (SIC) mais je ne peux pas pour 2 raisons :
1) parce que ça fait le jeu des geonpi et de tous les privatiseurs du service public, vous allez rejoindre le cortège des Pierre Chappaz, Eric Dupin et consors qui fustigent à longueur de blog, facebook la France et ses administrations
2) car cela montre le pb et pas la solution, et cette solution elle passe par des choses infiniment plus compliquées que la dénonciation des soucis et des agents qui font ce qu’ils peuvent dans un système kafkaïen où ils n’ont pas la main (j’ai pas aimé du tout « sbire »)
étant moi même multi-entrepreneur depuis des années, je me suis fait tous les parcours du combattant que vous décrivez, j’ai eu plusieurs dizaines de milliers d’euros bloqués par le RSI pendant 2 ans mais cela ne m’a jamais fait oublié que :
1) le souci c’est votre comptable, moi le mien est une bombe atomique, qui connait le système et donc ses limites, et qui m’a évité (pas toutes) les problématiques que vous décrivez
2) notre système est un système protecteur où ce qu’on appelle « les charges » sont en fait des cotisations et où l’indigence des moyens donnés à ces organismes par l’Etat, et donc par les gens pour lesquels ceux qui votent votent, et donc c’est notre faute aussi
désolé les amis mais je vous aurais plus attendu sur du crowdsourcing positif pour mutualiser les bonnes pratiques, faire appel aux éléments les plus intelligents et ouverts des systèmes que vous fustigez et non sur du vidage de sac contre des gens qui sont tout autant de vous les victimes de leurs propres systèmes
et en plus vous oubliez tous les autres systèmes qui se sont bien réformés parce qu’on leur a donné les moyens : assurance maladie avec ameli.fr et CNAV avec assuranceretraites
mais on peut en parler
fred
1.000 fois hélas cher Maudule, ne va pas imaginer que tu sera mieux respecté à la CIPAV. J’en veux pour preuve cette experience de 3 ans de travail en SARL, sans aucune rémuneration, qui s’est terminée avec mises en demeures et huissiers, tout ça parceque la CIPAV imagine qu’on taille des pipes le soir dans les parcs publics pour régler les côtisations qu’elle invente alors qu’on a aucune rémuneration. Bien entendu, ça n’est pas faute d’avoir tenté le dialogue avec ces bouchés profonds : rien n’y a fait. C’est un peu comme la hotline de Free ou Orange avec ses non qualitfiés qui se contentent, cerveau sur OFF, de suivre un Q/R sur écran sans jamais interpréter les besoins de l’interlocuteur.
Bilan : maintenant je côtise pour la Reine d’Angleterre, et tout se passe trés bien.