[Avertissement: il s’agit d’un article long et plein de colère sur les mésaventure de l’entrepreneur moyen. Ca ne parle pas d’innovation, d’internet, ou encore de transformation numérique. Plutôt du vieux monde poussiéreux des oligarques de la République.]
[edit : 4 jours après l’écriture de l’article, du nouveau (entre crochet dans l’article)]
La vie se construit sur de grandes révélations. Chacune d’elles va vous faire évoluer, et éventuellement vous faire rentrer dans un monde plus « adulte » (ou cynique c’est selon). On apprend ainsi un jour que ses parents sont des humains comme les autres, que les partis politiques de gauche et de droite sont pareils, que le veau est le bébé de la vache ou encore que le père Noël n’existe pas. Le voile se lève alors. Il vous faut du temps pour vous en remettre et souvent vous auriez préféré rester dans l’ignorance (personnellement, je crois toujours qu’un père Noël existe).
Cette année, ma grande révélation a été la découverte que l‘Etat fournissait un garde manger à une population grouillante de parasites voraces dont la nourriture favorite est l’entrepreneur – le créateur d’entreprise inexpérimenté. Ces parasites s’appellent les huissiers. Je ne suis pas le seul à le dénoncer. Mais là, c’est tombé sur ma pomme. Explications.
L’URSSAF se cache derrière le « Système »
J’ai monté ma boite il y a 7 ans, et même si l’impression d’épée de Damoclès administrative s’estompe doucement (j’ai un excellent expert comptable), il m’arrive d’avoir des surprises. Ainsi depuis 2 ans j’ai eu beaucoup de changements dans ma vie (certainement par contrepoids envers les promesses non tenues d’Hollande). Ma société a déménagé 2 fois. J’ai également quitté avec plaisir le régime artisans commerçants RSI pour rejoindre le régime professions libérales. Un grand changement administratif qui n’a pas été simple à gérer : je dépends maintenant de 3 caisses CIPAV, RSI PL et URSSAF (et je ne sais toujours pas ce que le RSI artisant-commerçants m’a versé après lui avoir envoyé pendant 1 an une dizaine de relance courrier, téléphone et recommandé)s.
Seulement, il ne faut pas aller trop vite avec l’administration. Et pendant que je mettais les bouchées doubles pour faire grandir ma société et l’adapter à des problèmes de 2016, l’URSSAF continuait d’envoyer mon courrier à mes anciens locaux de 2014.
Pourquoi ? J’apprendrais plus tard que le sacro-saint « Système » n’avait pas été averti car je n’avais plus de salariés en 2015. Qui est responsable dans ce cas là ? Moi, évidemment, car nul n’est censé ignorer le fonctionnement du « Système » (en dehors des salariés de l’URSSAF). L’URSSAF a donc pendant 2 ans envoyé du courrier à une mauvaise adresse sans s’inquiéter de mon manque de réponse. Pire, je reçois enfin un courrier de l’URSSAF (un appel de cotisation) à mon adresse personnelle en aout 2016 comme si tout allait bien.
Réglant ce montant, j’imaginais donc que tout allait bien dans le meilleur des mondes (et que le manque de cotisation était du à un rattrapage du trop payé du RSI). Pourtant mon expert comptable me disait bien d’aller faire un point avec l’URSSAF, qu’on n’était jamais trop prudent. Que n’aurais-je du l’écouter. Car c’est le moment où l’URSSAF, oubliant que je venais de régler ma cotisation, a du imaginer que je refusais volontairement de payer et a contacté l’Huissier.
Ma première signification de contrainte
Contrairement à l’URSSAF, l’Huissier a, lui, trouvé tout de suite l’adresse du siège social de ma société et y a envoyé une « signification de contrainte » fin septembre.
Je vous rassure. Je ne savais pas non plus ce que c’était qu’une « signification de contrainte ». Et quand le courrier m’a été transmis mi-octobre, je me suis d’ailleurs pas posé plus de question. J’avais l’habitude du RSI et de ses relances d’avis impayés (qu’on les ai payé ou non d’ailleurs) payables plusieurs mois après.
Mais ce papier m’inquiétait un peu, j’ai donc pris un RDV avec l’URSSAF car on n’est jamais trop prudent. Alors sachez qu’un RDV avec l’URSSAF, c’est 1 mois d’attente. Sauf si vous avez le temps de vous déplacer à Créteil. Ce que j’ai fait et qui m’a permit d’avoir un RDV 3 semaines après seulement.
Le RDV pris, je vaquais serein et détendu, à mes occupations professionnelles sans savoir que, pendant ce temps là, l’Huissier continuait à préparer son festin (car en 3 semaines, il a le temps de ruiner votre vie).
« Ah, vous ne saviez pas ? »
J’attaque lundi mon rdv avec l’Urssaf avec une petite appréhension. J’avais pris tous mes papiers (Kbis, carte d’identité, ma correspondance, etc.) mais je ne pouvais m’empêcher d’éprouver le même genre de sentiment que quand, petit, j’étais convoqué dans le bureau du directeur.
Suite au traditionnel passage au guichet tenue par une vieille mégère pas polie (c’est marrant, on a l’impression qu’elle est là à tous les guichets administratifs. La même vieille pas polie et méchante. Peut-être un clone ?), je suis reçu par deux femmes très serviables qui se proposent de regarder mon dossier.
Tout va bien, l’ambiance est détendue. Nous mettons vite le doigt sur le problème : effectivement l’URSSAF envoyait ses courriers à une adresse vieille d’il y a 2 ans (un établissement secondaire). Ce n’est pas normal (l’URSSAF est censé envoyer le courrier à mon adresse personnelle), mais on va passer très vite sur le sujet. A priori le « Système » n’a pas pris en compte le déménagement de ma société. Une histoire comme quoi le CFE (cotisation foncière des entreprises) n’aurait pas transmis l’info. Mais je m’en fous, je suis là pour résoudre le problème, pas enfoncer la tête de ces braves femmes dans le caca de leur « Système ».
Con que je suis.
Je sors alors mon chéquier pour régler la somme que je leur dois. Et là les deux femmes se mettent à me parler d’une main courante de l’Huissier. Une quoi ? « Ah bah oui, vous ne saviez pas ? Mais l’Huissier a bloqué votre compte bancaire« . Quoi ?
« Il aurait fallu le faire avant »
- Comment ? Quel compte bancaire ? Quel blocage ?
- Vous n’avez donc pas reçu le courrier ?
J’ai alors pratiqué sur moi les exercices ancestraux de contrôle du nen permettant d’éviter de balancer malencontreusement un Kameha dans la tête des deux connes (car elles étaient devenues immédiatement beaucoup moins sympathiques).
- Non, comme vous le savez, depuis maintenant 20 minutes, cela fait 2 ans que je ne reçois pas de courrier de votre part.
- Ah, ben c’est dommage ça… Mais c’est trop tard là maintenant, il faut voir directement avec l’Huissier.
Le nen, comme vous le savez peut-être si vous êtes amateurs de mangas, est composé de 4 principes de base, le ten (纏), le zetsu (絶), le ren (練) et le hatsu (発). Fiouuu… Respiration. Contrôle.
- Ah, et vous savez quel compte il a bloqué ?
L’agente appelle par téléphone l’Huissier. Elle revient me dire que c’est le compte sur lequel j’ai un prêt pour ma baraque. [edit: j’apprendrais 4 jours après que ce n’était pas le bon compte ce qui me vaudra 7% d’agios en plus – merci l’urssaf] C’est à dire le compte qui, si il n’est pas alimenté, me vaudra donc des agios et de gros problèmes sur le dos. Je récapitule :
- Donc, j’ai un compte bancaire perso, et l’Huissier ne trouve rien d’autre à faire que de bloquer le compte sur lequel j’ai le remboursement de ma maison ? Alors même que je vous ai réglé un appel de cotisation il y a 2 mois, et que cela fait 7 ans que je n’ai aucun problème avec vous ?
- Ah oui, mais il aurait fallu venir nous voir avant… me répond la femme embêté.
- Ben oui, une fois que l’Huissier intervient tout va plus vite… me répond l’autre.
- Mais, c’est quand même vous qui n’avez pas réussi à m’envoyer un courrier papier !! M’emportais-je.
- Ah oui, mais il aurait fallu venir nous voir avant si vous n’aviez rien reçu. C’est trop tard maintenant…
La discussion atteint alors une boucle logique : j’avais tort car le « Système » était parfait. Et si le Système n’était pas parfait, c’est parce que j’avais tort.
C’était donc à moi de me débrouiller avec le parasite qui voulait me sucer le sang. J’ai donc préféré sortir vite du bureau avant de leur balancer leur ordinateur (personnification du « Système ») à la gueule.
Paie vite, on t’expliquera après
Non, mais vous imaginez ? Je me retrouve à apprendre que le compte bancaire sur lequel je rembourse le prêt de ma baraque est bloqué. Et qu’il y a un huissier qui a le pouvoir de faire ça et le fait sans même me prévenir. Pourtant ça existe le téléphone. Et le courrier ça existe aussi.
Bref, ruminant ces sombres pensées, je m’aperçois qu’il est 16h et que le bureau de l’huissier ferme à 17h (les cancrelats n’ont pas besoin de faire des heures supp), que je suis à Créteil et que lui non (les cancrelats vivent dans les beaux quartiers). Je n’ai donc pas le temps d’aller à son bureau, me voilà obligé de payer en ligne.
Je rentre vite me connecter au site web de l’huissier, puis paie la somme affichée : celle que je dois à l’URSSAF + les 35% de majoration pour l’huissier. Je prends également bien soin de faire une capture d’écran de mon versement, le site de l’huissier n’envoyant pas de mail de confirmation du paiement. Et par acquis de conscience, j’envoie un mail demandant de régler cette histoire de banque. Histoire ‘être vraiment sûr que cette histoire est terminée.
24h après, pas de réponse, je renvoie un mail.
12h après, je reçois une réponse sibylline me disant qu’il me reste encore 10% de la somme à régler.
D’où ? Aucune idée. Je vérifie le site, et effectivement 5% sont apparus miraculeusement depuis mon dernier règlement mais pas les 10%. Sous la pression du blocage bancaire, et sans aucune information, ma seule solution est de me déplacer chez l’Huissier. Ce que je fais immédiatement en n’osant imaginer ce qui se serait passé si ma semaine avait été aussi chargée que durant les 2 derniers mois où je n’avais pas 1 heure tranquille.
[edit : cela n’aura servi à rien, j’ai découvert 4 jours plus tard que ma banque me demandait 7% de la somme en frais de gestion pour avoir bloqué mon compte]
La tactique du cancrelat
Chez l’huissier je suis accueilli par une jeune fille très très jeune qui m’explique que l’acte n’avait pas été pris en compte quand j’avais payé et que du coup c’est arrivé après et blablaba. Malgré moi je hausse le ton (ça m’arrive rarement) : « mais comment je peux le savoir ? Je paie pour résoudre un problème et vous m’en rajoutez d’autres dans le dos ! C’est n’importe quoi ! Et pendant ce temps là si j’ai des agios qui tombent qui les paient ? »
Je vois alors les larmes arriver dans les yeux de cette pauvre fille. Putain d’inégalité sexuelle ! J’arrive définitivement pas à me fâcher contre une femme et encore moins quand elle est jeune. La tactique du cancrelat marche bien : les femmes-enfant en première ligne. L’huissier est censé être un homme, c’est écrit sur sa plaque. Seulement un homme qui se planque derrière des jeunes filles, j’appelle pas ça un homme. Putain de cancrelat.
Du coup, je paie et je m’en vais. Hélas, pas comme un prince. plutôt comme un gars qui vient de se faire sodomiser violemment avec du gravier de 20 et qui ne croit plus en un système où des cancrelats peuvent en moins d’1 mois vous bloquer un compte bancaire de façon arbitraire pour une somme ridicule. J’ai mal.
Le système qui permet l’émergence des cancrelats est un mauvais système
Il faut le savoir, un « Système » immuable et omniscient va être l’environnement de prédilection de professions parasites. Ce système peut être un état, une administration, ou une entreprise. Et pire que ça, ces parasites, quand ils obtiennent suffisamment de pouvoirs, peuvent détruire jusqu’à la raison d’être du système.
Dans notre cas nous avons un URSSAF à la ramasse et un huissier très pressé de récupérer ses 45% sur le dos d’un entrepreneur. Résultat :
- L’entrepreneur perd de l’argent. 45% en plus à payer de sa poche. Et encore, cela aurait pu être bien pire si je n’avais pas été prévenu par hasard du blocage de mon compte bancaire perso. Il aurait fallu rajouter à cette somme les agios de la banque. [edit : je découvre 4 jours plus tard que l’urssaf m’a indiqué un mauvais compte bancaire. Responsable l’urssaf ? Ben non.]
- l’URSSAF perd la confiance de l’entrepreneur. Certes en tant qu’entrepreneur, je ne raterai plus aucune cotisation, mais je ferai aussi en sorte d’en payer le moins possible. Le salariat, ce sera sans moi. Et les agents de l’URSSAF, le jour où votre profession sera remplacée par un ordinateur, je ne vous défendrai pas. De toutes façons vous ne savez pas vous servir d’un téléphone.
- le système perd la confiance de l’entrepreneur. Chose curieuse, la somme qui m’a été demandé par l’URSSAF (avant la marge de l’huissier) correspond presque exactement à la somme que me doit le RSI depuis deux ans. Seulement moi je n’ai pas d’huissier pour aller récupérer l’argent au RSI. Me voilà donc dans un système aux pouvoirs infinis et qui n’a aucune responsabilité (allez donc trouver quelqu’un qui signe un mail de son nom propre dans ces administrations).
- l’huissier s’engraisse. 45%. Il pique un maximum de pognon à ceux qu’il poursuit sans égards de leur situation. Et pour l’attaquer, bon courage car il est « officier public et ministériel ». Ceux qui s’y risquent vont y passer un bon moment. Bref, un cancrelat bien nourri sur le dos de ceux qui bossent.
- [edit 4 jours après] la banque s’engraisse : 7% de la somme initiale en « frais de gestion » pour avoir bloqué mon compte et envoyé un courrier (arrivant après mon rdv avec l’URSSAF – et oui, les banques sont fermées le lundi). Encore des cancrelats qui rongent les exploités du système.
Le système qui permet l’émergence des cancrelats est un mauvais système. Hélas, l’expérience de Milgram (l’expérience autour de la soumission à l’autorité) n’a jamais été autant d’actualité. Et notre administration est aujourd’hui un terreau idéal pour son utilisation par des personnes mal avisées. Et imaginez quand tous français seront fichés, le pouvoir absolu du tyran qui pourra jouer avec des données personnelles, une armée de fonctionnaires qui suivent le système et une armée de cancrelats prêts à obéir à n’importe quel ordre.
En 2017, la Le Pen n’aura plus grand chose à faire pour virer les homos, les immigrés et ceux qui pensent (pas comme elle) hors de France : il lui suffira simplement de reprogrammer le « Système » pour le faire. Et la « justice », la « loi » suivra son court. Car ce n’est certainement pas les parasites qui vivent à ses crochets qui l’en empêcheront. Il faut les comprendre, le « Système » a toujours raison…
2 réflexions sur « Huissier, à grands pouvoirs, aucune responsabilité »