Sans confiance numérique, point de salut !

La “confiance dans le numérique” est un joli mot qui permet de mettre en place des contraintes pour limiter, réguler, encadrer (“accompagner” dirait un communiquant) l’utilisation d’internet, lieu de toutes les envies mais aussi de tous les vices.
J’ai dernièrement médit honteusement sur la confiance numérique car je considère que pour que la confiance existe, elle doit être incarnée par les industriels, les entreprises, les marques avant que l’état n’oblige aux internautes à faire des efforts.

Pourtant, cette « confiance sur internet », ce trust marketing sera la valeur de marque indispensable dans les prochaines années. Démonstration.

La confiance numérique, une obligation pour les marques qui veulent durer

Dans mon dernier article, j’accuse certaines marques de nous prendre pour des imbéciles. Voyons le résultat de ma perte de confiance pour ces marques :

  • Orange / FT : après 10 ans chez Orange, je me suis fâché pour tout un tas de raison (lire Orange nous prend pour des pommes de terre ou 400 M€ de pub pour insulter ses clients). En y rajoutant le coup de la mamie du Cantal, je déconseille cette marque à tous les seniors (les vieux quoi) de ma famille. Plus d’Orange. Plus jamais.
  • Microsfoft : depuis windows 98 et son MS Explorer de merde.. Windows 2000 et son interface pour débiles mentaux… Windows Vista et ses obligations de reformatage de son hdd, depuis tout ça je hais Microsoft Windows. Corollaire : je n’en fais plus la pub au contraire.
  • Les antivirus : c’est bien simple, toute ma famille a des antivirus gratuits. Et sait dorénavant que Norton et McAfee sont des marques pourries. Ce qui est plus drôle c’est que les amis des gens de ma famille le savent également maintenant.
  • Les vendeurs d’imprimantes : et bien maintenant je regarde le prix des cartouches d’encre, et leur période de renouvellement avant d’acheter une imprimante. Je regarde sur internet, hein, pas dans les magasins qui ont fait de jolis comparatifs pour vendre leur matos. Pas fou le consommateur.
  • Steam : là c’est plus difficile, car Steam est un passage obligé pour jouer aux jeux vidéos récents. Et bien, qu’à cela ne tienne, je ne joue pas aux jeux vidéos récents (le dernier c’était starcraft 2 – ça date). Et – honte à moi – je dois avouer que je pirate beaucoup plus de jeux qu’avant depuis que Steam a installé ce système du « tout internet ». Forcément ces jeux piratés permettent de jouer offline sans passer par Steam. Ironique ça, cette innovation qui incite au piratage au lieu d’améliorer l’expérience de jeu.

En conclusion, le résultat est sans appel : ces marques sont méchamment grillées pour moi, et par rebond à ceux à qui j’en parle (et vous savez comme je suis bavard). Car comme la force, la confiance est un processus long et délicat alors que la haine et la colère sont rapides et faciles à propager.

Une marque qui perd la confiance de ses conso, perd plus qu’un seul consommateur. Et ne croyez pas qu’une jolie campagne de pub va changer ça. La confiance ne s’achète pas.

Donc les marques doivent impérativement créer et cultiver cette confiance…

Pas de confiance entre la marque et l’internaute

…Seulement, on ne trouve pas de confiance de marque sur Internet.

Sur les lieux de présence de la marque (ses sites, pages, vidéos) déjà, la confiance est introuvable. Non, les conditions d’utilisation, les règlements de concours, les mentions légales, ça c’est pour rassurer un consommateur qui s’imagine que vous allez le poignarder dans le dos. On ne fait pas confiance à quelqu’un avec qui on signe un contrat. On assure ses arrières. Et en plus, ces mentions sont rarement lisibles, bravo la confiance.

Dans les « communautés » de la marque trouve-t-on de la confiance ? Rarement. Pour la plupart des marques, le CM est aujourd’hui un gardien de troupeau. Son travail est de conduire les veaux dans les pâturages en s’assurant qu’ils aient bien à manger (quelques jeux concours, des bons de réduction), qu’ils ne s’ennuient jamais en regardant les trains (du « brand content » LOL) et qu’il n’y ai pas de brebis galeuses (les trolls, haterz et consommateurs fâchés).
Pas de sociabilité de marque dans ces « médias sociaux » et le ton poli voire mielleux du community manager n’y changera rien.

Il va donc falloir créer/inventer cette « communication de confiance » sur Internet. Une confiance qui sera comme une poignée de main, qui sera du respect partagé. Créer une confiance rare mais précieuse entre la marque et son consommateur. Et c’est possible. Certains y réfléchissent depuis longtemps (lisez l’excellent article sur le trust management de Frédéric Bascunana). Mais cela va demander de penser autrement sa marque et son organisation en commençant par son modèle économique.

Le modèle économique de la confiance

Commencez par revoir votre modèle économique. Parce que on ne peut pas créer de la confiance quand on truande ses consommateurs. Même si ils sont idiots d’avoir pris la publicité au premier degré et de n’avoir pas bien lu les conditions de vente. Nul n’est censé ignorer la loi… Vous pouvez le dire, bien à l’abri derrière votre service juridique; Mais dites vous que votre consommateur, lui ne la connait pas forcément bien. Donc arrêtez de vous faire de l’argent sur sa stupidité, sa méconnaissance de la loi, ou sa myopie qui l’empêche de lire les petits caractères. Soyez une marque honnête, le pré-requis pour créer de la confiance. Certes, vous vendrez moins mais vous vendrez mieux, et plus longtemps.

Car il suffit qu’un petit malin comme Greenpeace sorte une liste des enseignes qui vendent de l’OGM pour que votre nom apparaisse en grand malgré vos millions d’€ dépensés à refaire le packaging de vos produits. Et des petits malins, il y en a plein internet…

Donc dites vous que la merde bien emballée reste de la merde. Et qu’on ne vous fera pas confiance longtemps si vous en vendez. La confiance commence par là.

L’organisation de la confiance

Une fois que votre modèle économique est assaini, il va falloir revoir votre organisation. Si vous avez radicalement changé de politique, vous allez gagner beaucoup moins d’argent qu’avant. Alors il vous faudra vous débarrasser des inutiles. Par exemple ceux qui ne bossent pas beaucoup tout en faisant travailler les autres, les agences. Oui je parle de la com là. Si votre produit est bon, si votre marque a la confiance de ses consommateurs, vous devriez avoir beaucoup plus de facilité à vendre. Donc moins besoin de com’ bullshit.

En revanche, il vous faudra plus de com’ utile ! Une communication qui travaillera sur la marque, ses valeurs (réelles), son identité, et ses prises de parole sur Internet. Il vous faudra aussi savoir séparer vos communautés digitales sérieuses des bots, trolls, spammeurs, spécialistes SEO-social machin, etc. Bref, un changement de personnel dans votre  com. Un renouvellement des équipes.

Virer les vieux baveux amateurs de réunions interminables et responsables de rien, pour les remplacer par des jeunes dynamiques qui veulent faire avancer votre marque. Révolution de la confiance.

Communiquer autrement, sur des valeurs ou l’absence de valeurs de ses concurrents

Bon,vous allez me dire que c’est un beau rêve ce trust management. et qu’il ne peut fonctionner que si on est seul ou leader sur son marché. Et si on est leader, on n’a aucune raison de changer ça. Par contre, dans la réalité physique, quand votre produit honnête et propre est concurrencé par un produit de merde vendu moins cher avec beaucoup de pub autour, vous n’avez  pas beaucoup de solutions pour garder une boite compétitive. Il vous faudra vous aligner sur les prix (et donc rogner sur vos convictions).

Vous avez raison dans la réalité matérielle, mais dans la réalité digitale, il en va autrement. Apprenez à faire de la com du 21e siècle.

La com du 21e siècle : du vrai, du rapide, du trash !

Un exemple : vous savez que le produit deux fois moins cher de votre concurrent est fait par des petits enfants chinois. Que faire ?

Non ne dites pas que vous c’est propre et responsable et développement durable. Tout le monde le dit, et ça fait quelques années que toutes les grosses marques se targuent d’avoir au moins un truc responsable sur lequel communiquer pour faire taire les critiques (même Areva travaille sur la parité, c’est dire).

En revanche, criez partout sur les réseaux que votre concurrent fait bosser des mineurs chinois ! Faite une vraie campagne qui pointe du doigt les saletés de ce concurrent. Que ça clash, que ça tape, que ça dénonce ! Mais attention, toujours en amenant des preuves, en étant vous même irréprochable. Sinon le bad beuze sera pour vous. Et les retours de flamme sont les plus violent.

C”est à ce prix que votre petite marque propre arrivera à vaincre des marques plus grosses, mais sales.

Ne pas avoir peur de la loi

La loi ? Quoi la loi ? Vous avez peur d’une attaque en diffamation ? C’est possible. Il y a toujours des imbéciles qui pensent que c’est la meilleure façon d’enterrer un problème sur Internet. Mais 3 arguments pour avoir moins peur de ça :

  1. Vous n’avez pas attaqué sans preuves ou bien fondé. Donc si procès il y a, il devrait finir en votre faveur.
  2. Si votre objectif est d’émerger face à une grande marque, un procès peut le faire. Les journalistes qui vont parler de l’affaire vous mettrons au même niveau que la grosse marque.
  3. Vous connaissez le Streisand Effect (ou effet Flamby) ? On vous attaque, vous perdez, mais votre concurrent perd encore plus (et c’est l’objectif).

Donc, je pense sincèrement qu’il ne faut pas avoir peur de la loi quand on est dans son bon droit. Encore moins quand on travaille sur Internet.

Le Trust marketing c’est possible

Le trust marketing sera donc possible, le jour où  les marques oseront parler… Non, je reprends (attention phrase longue) :

le trust marketing sera possible, le jour où  les communiquant auront le courage de défendre leur marque, plutôt que de participer à ce status quo de la communication où tout le monde il est beau tout le monde il est gentil dans cette industrie où le communiquant, serré de trouille dans son costume se dira tous les jours que “Forcément, quand ma marque déposera le bilan, il faudra bien que je retrouve du boulot ailleurs, je ne vais donc pas me cramer chez les concurrents alors…

En fait, le trust marketing sera possible le jour où les communicants et marketeur chez l’annonceur bosseront pour leurs marques, et pas pour leur gueule.

On peut rêver non ?

Author: Cyroul

Explorateur des internets et créateur de sites web depuis depuis 1995, enseignant, créateur de jeux, bidouilleur et illustrateur. J'écris principalement sur les transformations sociales et culturelles dues aux nouvelles technologies, et également sur la façon dont la science-fiction voit notre futur.

5 thoughts on “Sans confiance numérique, point de salut !

  1. @Romain
    Merci pour ton commentaire Romain, mais clarifions quelques points à propos de Steam.
    1/ Je critique Steam comme je pourrai critiquer Battle.net. N’y vois aucune attaque anti-steam là-dedans.
    2/ Je garde un point de vue grand public. Donc certes, tu as raison, il existe des jeux qui n’obligent pas à l’installation de Steam. Mais dés que tu passes en multi, l’installation d’une plateforme genre Steam est obligatoire. Et il y a de moins en moins de jeux solo dans les jeux récents grand public (ceux qu’on voit sur les tête de gondoles).
    3/ et d’une façon honnête, peux-tu dire que tu arrives à jouer à Counter Strike, L4D ou un autre FPS sans t’arracher les cheveux quand Steam (passage obligé) te demande une mise à jour ?

    Tu peux également trouver un autre réquisitoire ici : http://www.cyroul.com/anticipation/cloud-computing-lhumain-reprend-le-pouvoir-dans-tes-reves-mouton/

  2. Bonjour Cyroul,

    je suis surpris de ta position concernant Steam qui démontre une véritable méconnaissance du marché du jeu vidéo il me semble.

    Premièrement, Steam n’est ABSOLUMENT pas un passage obligé pour jouer aux jeux vidéo récents ! Cette plateforme les propose en version dématérialisée avec seulement quelques exclusivités sur des jeux « INDE ». Mais il est bien sûr possible d’acheter ces jeux dans toutes les boutiques en ligne (Amazon par exemple) ou physique (Micromania, etc.).

    Deuxièmement, Steam a réussi à offrir ce que personne ne faisait jusqu’à présent : proposer une plateforme d’achat de jeux et de softwares à des prix totalement abordables grâce aux soldes régulièrement pratiquées.
    Il suffit de voir le pack de jeux THQ qui était disponible il y a quelques jours encore.

    Par conséquent, dire que Steam pousse au piratage est une aberration selon moi. Au contraire, elle offre enfin une alternative aux joueurs qui n’ont pas forcément une bourse bien garnie.

    Amicalement,
    Romain

    PS : Je ne travaille pas pour Steam :-)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.