Etude d’une stratégie digitale+street marketing: Havaianas Spring

Havaianas Spring street marketing

Certains semblent agacés par l’ambiance anti-pub qui règne sur ce blog. Mais je m’insurge : je ne suis pas contre la publicité, c’est même mon travail! Seulement j’aime la vrai com’ publicitaire. Celle qui permet créer un lien privilégié entre la marque et ses consommateurs et ceci sans les prendre pour des cons (sans trop leur mentir comme dirait Seth Godin).

La reprise dans l’article 12 Extremely Effective Guerrilla Marketing Stunts du visuel d’Havaianas welcomes Spring (merci à Clém pour le lien) m’a d’ailleurs persuadé de revenir sur cette opération de pub qui s’est déroulée il y a presque un an, en mars 2009. Loin des discours hypocrites de certaines agences (« Évidement qu’on savait que ça allait cartonner, le social web 2.0 x 360° n’a plus de secrets pour nous !« ), je dois vous avouer que cette opération a dépassé et de loin les objectifs initiaux que nous nous étions fixés, et qu’elle continue même à faire parler d’elle. Plus de 90 blogs (et des gros) dans le monde entier ont en effet repris l’histoire racontée à cette occasion et surtout les photos extraordinaires qui les accompagnaient.

Allez, un petit article stratégique pour démonter les rouages et les bonnes pratiques (selon moi) d’une opération de publicité street-digitale réussie.

Etape 1 : fixer des objectifs sérieux

Avant toute opération de e-buzz, de social influence ou autre néologisme marketing des années 2009, il faut absolument fixer des objectifs et des cibles à son opération. Evitez absolument aussi les objectifs fumeux à base de « générer de la notoriété autour de la marque« , « vendre le produit » ou encore « créer de la préférence« . Le genre d’objectifs que l’on retrouve dans tous les cahiers des charges et briefs de marque, et sur lesquels il y aura forcément un mécontent (l’agence ou l’annonceur). Cela vous évitera des situations délicates entre l’agence et l’annonceur lors du bilan de l’opération du genre :

– Votre buzz a été complètement loupé : il n’a pas fait suffisamment de pages vues sur notre site !
– Mais M. le client, il s’agissait d’une campagne de création de notoriété, pas de génération de trafic.
– C’était implicite, vous auriez du le comprendre tout seul !
etc…

Dans le cas de l’opération Havaianas, nos objectifs étaient de commencer de fédérer des fans de la marque (« brand addicts ») sur 4 pays européens (France, Espagne, Italie, Angleterre) tout en faisant parler de la marque. La mesure de cet objectif n’était pas quanti mais quali (on ne voulait pas de milliers de fans, mais de vraies personnes qui pouvaient parler de la marque et avec la marque.

Etape 2 : créer une histoire qui tue

tour eiffel havaianas

Pour réaliser cet objectif général nous avons décidé de créer un contenu de qualité pour faire plaisirs à nos fans, puis de les orienter vers des points de contact privilégiés (réseaux sociaux, twitter, services web). Ces points de contact nous permettant par la suite d’apporter des informations à un public (évènements, rencontres, concours, etc.) déjà très engagé sur la marque.

Mais comment faire pour créer ce contenu de qualité ? C’est là qu’interviennent les créatifs (publicitaires). Car la publicité s’est toujours appuyée sur la création et ça ne change rien sur le digital. Enfin si ça change, car aujourd’hui, une histoire ne peut être décorrélée de sa façon d’être racontée (de son support si vous préférez).

Dans notre cas, notre message était simple : « Brand Lovers, rejoignez-nous ! ». C’est là que 3 créatifs : Mick, Clém et Aka, passionnés par Havaianas ont proposé à la marque de photographier des flip-flops mises en scène dans 4 capitales européennes. La marque Havaianas, consciente du potentiel  a dit banco.

Et les 3 créatifs se sont préparés pour partir faire le tour de l’Europe avec appareils photos, caméras et de sacs remplis de tongs.

Voilà quelques exemples du résultat ci-dessous :

Havaianas Spring Pursuit éléments Aller à la galerie de Havaianas Spring Pursuit

Mais maintenant qu’on a une belle histoire et de jolis visuels appétissants, comment allait-on en parler pour toucher notre public ? Car le digital offre de multiples façons de raconter une histoire et ce avec un budget qui n’est pas forcément important. Donc oublions l’achat média en régie Car l’ère de l’Internet = média est définitivement dépassée (enfin sauf chez Stratégies).

Etape 3 : savoir raconter cette histoire correctement

La solution la plus simple aurait été de récupérer les photos de nos créatifs puis créer de la notoriété autour de l’opération avec du média payant, c’est  dire de la bannière, de l’e-mailing et du recrutement forcené. Petit schéma explicatif (si vous ne comprenez rien, allez voir les stratégies digitales pour les nuls, un billet qui date mais qui fonctionne encore) :

havaianasdispositif11

Mais quand vous considérez que vos fans (vos Brand addicts) sont de vraies personnes et que vous voulez créer une véritable proximité, il y a mieux à faire (surtout quand vous n’avez pas de budget média). Alors nous avons décidé de faire participer nos fans à notre opération en leur faisant suivre en direct les déplacements de nos 3 créatifs.

Et la stratégie digitale est devenue une stratégie en plusieurs étapes :

havaianasdispositif2

Une stratégie nettement plus complexes, qui nécessitait beaucoup plus de temps et d’investissements personnels (donc de prise de risque pour la marque) qu’une campagne de bannières, mais qui permettait d’être plus proche de nos cibles, et donc de remplir au mieux nos objectifs.

Etape 4 : respecter ses auditeurs

Les réflexes conditionnés de la publicité traditionnelle amènent souvent les agences à considérer le lancement de votre opération comme le lancement d’une navette spatiale à la télévision. Vous vous préparez, tout le monde à son poste, toutes les caméras sont en train de filmer, vous entamez le compte à rebours et fiouuu… La fusée part dans l’espace, tout le monde applaudit et vous coupez les caméras, fatigués et heureux du lancement de votre campagne publicitaire et de son plan médias mûrement pensé par une agence média on-line qui s’y connait encore moins que vous en digital.

Sauf que dans la vraie vie une fois les caméras éteintes, Houston continue à surveiller la navette… Et quand vous lancez votre opération de buzz, c’est ce que vous devez apprendre à faire.

aka-roma-havaianasEn effet, une stratégie digitale complexe va nécessiter énormément de réactivité et de temps passé en direct pour scanner le web, réagir aux remarques du public et s’adapter aux différentes situations qui peuvent se poser. Il faut être capable de passer sa nuit de vendredi soir dessus, voir même son sacro-saint week-end.

Mais plus qu’une question de prudence, il s’agit surtout d’une question de respect pour ce consommateur qui va se prendre le décollage de la fusée en pleine tête. On lit beaucoup de brief d’annonceur publicitaire qui contiennent les mots « Créer de la connivence avec son public« . Mais comment créer de la connivence sans respect ? Plus vous passerez de temps avec ce consommateur fans de votre marque, et plus il vous le rendra. Le règne de la campagne « drague minute » est terminée, celui de la campagne « amour et compréhension » commence (revoyez la formidable vidéo the breakup de Microsoft ads).

Évidement, seules les petites structures souples ou les équipes dédiées composées de personnes multi-compétences, peuvent tenir la route. Car en effet, dans une opération en direct  vous n’avez pas le temps de passer par un concepteur, puis un graphiste, puis un développeur, puis faire valider par le client, puis mettre en ligne votre information. Non, une opération en direct nécessite un minimum de lâcher prise et de confiance de la part de l’annonceur, et surtout des personnes dévouées et multi compétences chez l’agence (non je ne parle par forcément de Curiouser – même si c’est notre philosophie). Dans le cas de l’opération Havaianas, nous étions seulement 2 personnes (hors externalisation technique et nos 3 créatifs) pour suivre toute l’opé !

Etape 5 : faire parler de l’opération

Des fois, les opérations de buzz, ça marche. Dans ce cas, il faut savoir en parler, et en faire parler.

Mais dans notre cas, nous avons choisi de laisser les gens s’exprimer sur le sujet de façon spontanée, sans leur demander de faire des articles. Nous voulions en effet seulement regarder quels étaient les blogs et personnes motivées pour bloguer, twiter ou parler de notre sujet à leurs lecteurs/réseau.

Et nous n’avons pas été déçus. Plus de 90 blogs ont écrit sur le sujet, des twitts dans tous les sens, et pas mal de buzz sur les différents réseaux sur lesquels nous nous sommes installés. Bref, une opération qui a fait parler d’elle.

Après, c’est à la marque de transformer l’essai (ce qu’elle a commencé à faire avec Havaianas : Winterproof)…

Etape 6 : et en conclusion, … Améliorez !

Car une fois l’opération terminée vient l’heure des bilans. Ce bilan vous permet de certes vérifier si les objectifs définis au début de l’opération sont atteints, mais surtout de voir dans quelle mesure l’opération aurait pu être améliorée.

Et ça c’est primordial ! Car les opérations ou les stratégies digitales doivent être constamment remises en question et optimisées, améliorées, transformées pour ne jamais se répéter. Trop d’agences débutantes vont vous proposer la même stratégie (si ce n’est la même création) que celle qu’ils ont vu dans le CBniaise ou le TarteStegie de la semaine passée. Mais c’est trop tard ! Je vous l’ai déjà dit, votre consommateur est zappeur. Et sur Internet il va voir ce qu’il veut et le réchauffé, non merci.

Donc, vos retours sur expérience sont indispensables ! Un peu comme quand on optimise un tunnel de conversion en e-commerce.

Mais alors, cela voudrait-il dire que les règles de conception et d’ergonomie orientée utilisateur s’appliqueraient aux stratégies digitales de marque ? J’en suis personnellement persuadé et vous ?

Cyroul

Explorateur des internets et créateur de sites web depuis depuis 1995, enseignant, créateur de jeux, bidouilleur et illustrateur. J'écris principalement sur les transformations sociales et culturelles dues aux nouvelles technologies, et également sur la façon dont la science-fiction voit notre futur.

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