Que serait notre vie sans les zombies ? Voilà une question que l’on pourrait aisément se poser en constatant le déferlement de contenus traitant de ce sujet. Vous devez d’ailleurs sans doute vous dire que j’ai un léger train de retard… Certes. Mais heureusement pour moi, je suis sauvée par son intemporalité.
Une intemporalité qui se justifie par plus de 40 ans d’existence, laquelle s’accompagne d’un véritable effet de mode depuis près 4 ans. Que ce soit au travers de bandes dessinées, séries TV, publicités, films, et autres contenus divertissants, les zombies sont partout, et toujours plus nombreux à la recherche de « fresh meeeeeat ». Peu de temps après la sortie événement de la série Walking Dead, moult articles ont vu le jour pour tenter d’expliquer ce phénomène. Je pense notamment au pertinent point de vue de Thomat Jamet qui met en exergue l’utilité du mort-vivant en tant que reflet d’une société rongée par la surconsommation et les inégalités sociales. De manière générale, ces interprétations sont multiples et pour le moins recherchées. Trop, à mon sens, pour que je rajoute ma pierre à l’édifice. Non seulement mon apport personnel serait d’une subtilité telle que personne ne distinguerait la différence entre mon point de vue et celui d’un autre passionné, mais il passerait également totalement inaperçu – chose que j’aimerais si possible éviter…
En réalité, je me suis toujours posée une question en particulier :
Pourquoi les zombies ont-ils un tel succès auprès du grand public ?
Après réflexion, voici une liste non exhaustive de raisons qui pourraient expliquer le pourquoi du comment :
1/ Les zombies ne font (presque) pas peur.
Certes, tout le monde ne serait sans doute pas de cet avis. Mais prenons un peu de recul et comparons nos chers amis nonchalants avec d’autres figures tortionnaires et non moins sanguinaires. Freddy Krueger, Jason Voorhees, Leatherface, Michael Myers, Frank Zito… Force est de constater que tous sont bien plus effrayants qu’un « Boubou » sorti tout droit de Day of the Dead. Pourquoi ? Parce que les zombies sont lents, autant mentalement que physiquement. Ce qui offre un gros avantage aux survivants, qui peuvent aisément les éviter, voire même les narguer ou prendre le temps de se moquer de leur mobilité réduite. Or, il est clair que de telles initiatives seraient juste suicidaires face à un Pinehead ou un Creeper très en colère. Certes, cette vérité n’est pas le cas pour certains films plus récents tels que REC ou 28 semaines plus tard, dans lesquels les zombies sont des « contaminés » capables de piquer un sprint pour atteindre leur proie. Mais ils ne sont pas pour autant plus intelligents ou avides de sadisme. En réalité, le moment que redoute le téléspectateur en regardant un film de Romero est celui où les entrailles de la pauvre victime se retrouvent entre les mains peu délicates d’un zombie affamé. Ceci étant, ce sentiment n’est pas généré par la peur mais par le dégoût.
Ce ne sont pas les morts-vivants qui effraient le public, mais les esprits démoniaques, les psychopathes dénués de tout sens moral, les monstres sournois qui usent de multiples ruses pour piéger leurs innocentes – et ô combien naïves – victimes. Les zombies, eux, sont prévisibles. Et c’est justement ce qui les rend plus « sympathiques », notamment pour tous ceux qui apprécient de regarder les films d’horreur, à condition de ne pas redouter le moment où ils se retrouveront plongés dans l’obscurité et sous leur couette.
2/ Les zombies sont étaient comme nous !
Autre point non négligeable : Les zombies sont avant tout des victimes. Entre nous, je doute qu’ils aient demandé à être mordus pour avoir la chance de se transformer en une espèce de légume animé par un seul et même but : Assouvir leur faim. Mais ce changement de statut ne les déshumanise pas pour autant. Si je devais citer ne serait-ce qu’un exemple de film du genre dans lequel l’un des héros ne se retrouve pas attendri face à un proche devenu zombie, je n’en trouverais aucun. Et dans ce cas précis, le survivant est tellement troublé qu’il est toujours à deux doigts de se faire dévorer tout cru par l’ancien être aimé. Un constat qui montre que la frontière entre les non-vivants et les vivants, les bourreaux et les victimes, est bien plus mince qu’elle n’y paraît.
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=eF3UDa7nzmA[/youtube]
3/ Il y a pire que les morts-vivants : Les survivants
Comme je l’évoquais dans le paragraphe précédent, la frontière entre les bons et les méchants est ici très mince. A fortiori lorsque l’on rajoute à l’humanisation des zombies la déshumanisation des vivants. Il suffit d’observer des classiques pour s’en rendre compte. Dawn of The Dead, Day of the Dead, 28 jours plus tard sont autant d’exemples qui illustrent parfaitement cette théorie. Au moment le plus critique, là où la solidarité et l’entraide seraient de loin la solution la plus judicieuse, certains survivants choisissent la méthode du « chacun pour soi », et finissent le plus souvent par s’entretuer.
Prenez une soif de pouvoir et de toute puissance, ajoutez-y une touche de folie et une pincée de vice, vous obtiendrez un monstre capable de rivaliser avec n’importe quel mort-vivant : l’Homme. Là où le zombie se comporte comme un animal répondant à un besoin primaire qu’est celui de se nourrir, les vivants vont mettre leur sens moral de côté au profit de stratagèmes aussi vils que destructeurs pour parvenir à des fins somme toute personnelles. Le résultat de ce contraste des plus surprenants l’est tout autant : Le public éprouve du dégoût envers les vivants, et de la sympathie envers les zombies. Pour preuve, en voyant une horde d’entre eux dévorer certains protagonistes, je me suis déjà entendue dire « Bien fait pour eux… » Je sais, je sais, shame on me! (Quoique…)
4/ Quand « zombie » rime avec « sexy »
Toutes ces raisons mises bout à bout tendent à donner un statut particulier au zombie. Il n’est plus celui qu’on rejette avec un air répugné en occultant tout ce qui lui a trait, ou qu’on évite du regard en se cachant derrière son oreiller. Non. Le zombie est parmi nous, et suscite l’intérêt de plus en plus de personnes initialement étrangères aux films d’horreur, et ce, en contaminant des univers tout public, voire même « sooo cute ». Il en est de même pour le cinéma et la comédie, avec l’excellent Shaun of the Dead et autre Zombieland qui semblent avoir clairement réconcilié une majorité de réfractaires avec ce genre.
Et j’irai même plus loin en clamant haut et fort que les zombies ne sont pas seulement mignons. Ils peuvent aussi être sexy. La preuve en est avec le ténébreux Rick Genest alias Zombie Boy, que l’on peut apercevoir en tête de l’article. Bon… certes, cet avis reste pour le moins subjectif. Quoique… non seulement ce jeune canadien est devenu l’égérie de Thierry Mugler, mais il a également accompagné Lady Gaga dans le clip du premier titre de son dernier album Born this way. Une cote de popularité qui serait sans conteste inexistante sans son masque putride. (NDLR: d’ailleurs il vient de faire une pub pour L’Oréal, c’est dire).
Un constat qui semble donc dépasser la réconciliation au profit d’une affection de plus en plus grandissante. Et mon petit doigt me dit que ce n’est qu’un début…
Après tout, pourquoi la principale raison d’être des zombies serait-elle forcément d’ordre sociologique et horrifique ? Pourquoi ne serait-elle pas simplement d’offrir du pur divertissement aux téléspectateurs ?
En guise de conclusion, je laisserai le mot de la fin au magnifique Bill Murray : Aaarrrrgheuuuhinnnnnaaaaaeuuhhh* !
* Bonne journée à tous.
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=1yeUswA8xPY[/youtube]
Très intéressant !
Peut-être que cette psychose autour d’une fin du monde imminente y est pour beaucoup aussi non ?Je me permet un raisonnement de psychologie de comptoir :
1/ Tout le monde flippe de plus en plus (pandémies, conjoncture économique, extra-terrestres, on va tous y passer, etc)
2/ Mais quelle est la solution ?
3/ Projetons-nous dans un monde zombiesque, puisque comme tu l’as souligné dans ton billet,
les zombies ne font (presque) pas peur, mais on peu aussi rigoler avec eux, et on peu les éviter si on a un bon cardio, donc quitte à choisir un scénario apocalyptique…
And voilà !
E.X.C.E.L.L.E.N.T. !!!
Merci à vous 4 pour vos commentaires très pertinents !
L’avantage avec un sujet aussi riche, c’est que chacun pourrait ajouter sa pierre à l’édifice à l’infini. Tout ça pour dire que je suis d’accord avec vous 4 – on aurait d’ailleurs aisément pu en faire un article participatif.
Pour répondre à ta remarque Edouard, tu as raison, les jeux vidéo ont joué un rôle indispensable dans la notoriété des zombies aujourd’hui. Avec la trilogie de Romero, c’est ce qui – à mon sens – vient chronologiquement en second.Et en tant que fan inconditionnelle de la saga Resident Evil, elle aurait eu d’autant plus de légitimité à être présente dans cet article. Mais il est vrai que j’ai pris le parti de ne pas le faire, pour me focaliser sur l’étape suivante, et les raisons qui ont permis de conquérir un public plus large.
Ceci étant, il va de soi que cet article n’est qu’un point de vue parmi tant d’autres. Je ne prétends pas détenir la bonne parole. ;-)
En tout cas encore merci à vous et longue non-vie aux zombies !
L’article est intéressant.
Mais par contre je suis vraiment très triste de ne pas y avoir lu une ligne sur les jeux vidéos de zombies. De Resident Evil à Mine Craft, en passant par Left 4 Dead, par exemple, il y a eu une véritable évolution où des paramètres comme la coopération en équipe ou encore la gestion et la construction d’un abris, sont des choses qui prennent peut-être un sens intéressant à analyser.
Alors oui on va me dire que dans cet article on s’intéresse au grand public. Mais les jeux vidéos ont largement conquis le coeur du grand public, à mon sens. On ne peut plus les ignorer aujourd’hui.Sinon, je suis également d’accord avec Gaetan. La question de la « survie en milieu hostile » nous renvoie au climat économique et social hostile que nous traversons.
Je suis en phase avec l’analyse de Gaetan. Je me dit aussi (à vérifier) qu’on les « traite » avec plus de respect dans les films d’horreur depuis quelques années (tu as cité de beaux exemples, sans parler du phénomène Walking Dead). Pour moi, les zombies ont longtemps été des méchants « accessoires », condamnés à rester derrière LE gros vilain pas beau à combattre. Et puis on a choisi d’en faire quelque chose… de leur donner de la profondeur, au delà de leur statut « simple » de mort-vivant.
Après c’est un ressenti très personnel, et il vient bien sûr de ma culture cinéma… qui n’est propre qu’à moi-même ^^
Pourquoi les zombies plaisent ? A mon sens c’est cyclique, et ils ne sont que le reflets de nos préoccupations actuelles. Si la WWII (et la bombe H puis la guerre froide) a permis de voir Superman et moult héros à grands pouvoirs développer plein d’aventures, les zombies font plutôt référence à la peur des pandémies qui planent au-dessus de nos têtes. Grippe A, mais aussi OGM, transhumanisme, vaccins… Ajoutons à cela la perte totale de controle sur notre environnement (électricité, transports ; que se passe-t-il le jour où tous les réseaux de mobile tombent en panne ? quel stress !) et on arrive en pleine situation de survie dans un monde hostile qui était pourtant si « normal » avant.
Du coup ça plait, et les marques savent que ce sont des codes faciles à exploiter car au final, on sait qu’on aime bien qu’on nous raconte des histoires qui font peur. Même Axe s’y est mis récemment http://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=xgEKpggG8gI (c’est dire !)
Pas mal ce petit post ; Peut-être aurait-il été intéressant de nommer aussi l’excellent jeu « plantes contre zombies » qui fait fureur actuellement sur PC, Ipad et autres…
A+
Frédéric
Un petit rebond sur le respect des zombies évoqué plus tôt par Gaetan et Davidao.
au delà des notions cycliques et conjoncturelles de pandémie et du climat économique hostile, le zombie est celui qui est passé au delà de l’ultime frontière, la mort.
le zombie a vaincu la mort, il est maudit il en paye le prix.
Il se doit dans nos cultures d’être haï et détesté car il va contre l’ordre établi (au Mexique par exemple,c’est différent)
Quant à son image, au fur et à mesure que les principes de cette malédiction sociale du zombie s’effritent il change de rôle.
Voyez chez Burton par exemple avec the Corpse Bride, beetlejuice, frankenwinnie
http://www.youtube.com/watch?v=l-akimwGclk
ou les mythes tels que Frankenstein.. La part d’humanité du Zombie redevient envisageable. I LOVE SARAH JANE : http://www.youtube.com/watch?v=gYxs7Y7ulrM
J’ai plutôt l’impression que le zombie pour le coup est plutôt une représentation des vivants que nous sommes (pas tous heureusement) , soumis à un système et des réglesqui nous dicte ce que l’on doit faire ou non, sans que l’on cherche nécessairement à comprendre pourquoi et comment.
Le zombie n’est pas un révolutionnaire, c’est un soumis, qui ne contrôle pas ses actes et qui ne fais que ce pour quoi il est « programmé », à savoir bouffer ce qu’il trouve sur son chemin.
Non ?