En bref : Le jeu les aventures de Jean Claude est en train d’être envoyé cette semaine. Les heureux participants à notre financement participatif devraient donc le recevoir avant Noël. Une occasion de vous raconter de bien belles histoires de Jean Claude durant les fêtes.
6 solutions pour sauver la planète
On n’est pas dans la mouise ! Déjà, nos gouvernants se fichent de la population (du climat, de la société et même de la démocratie) et ensuite parce que la population elle-même devient de plus en plus stupide (lisez Novfut 25). On n’est pas dans la mouise ! Seulement, le rabâcher tout le temps, c’est déprimant et ça ne fait pas avancer les choses. Aussi ce numéro de NovFut est là pour vous donner un peu d’espoir.
Comment ? En identifiant dans la Science-Fiction des grandes solutions qui sauveraient la planète du marasme globalo-économico-environnementalo-politique dans lequel elle s’enfonce peu à peu. Voici donc 6 grands types de solutions pour sauver la planète (et éventuellement nous).
Attention, ces solutions grattent ! Forcément, car elles incarnent des changements drastiques, et sont donc très polémiques. Mais y penser est indispensable car ce n’est pas en râlant que ça change pas que ça va changer. Bonne lecture et bonnes réflexions.
Solution 1- éradiquer l’humanité
Si vous vous placez du côté de la planète, l’humanité est une sorte de virus qui nécessite d’être éradiqué. Dans les œuvres de Science-fiction, ce sont souvent les « méchants » qui pensent comme ça. Mais on ne peut nier que ce serait une solution efficace pour résoudre le problème du réchauffement climatique.
A Mega City, les “Dark Judges” (dont le fameux judge Death) sont arrivés à la conclusion que c’étaient les vivants qui commettaient les crimes et donc logiquement que la vie est un crime. Le crime étant puni de mort, ils veulent donc nettoyer Mega-City de tous les vivants. Une logique un peu extrême mais basée sur le même principe que celle de Judge Dredd qui cumule les rôles de juge, jury et bourreau.
Plus localement, la secte de Ra’s al Ghul et l’ordre de St. Dumas veulent nettoyer Gotham de sa criminalité en la détruisant / la purifiant. Batman (le super héros multimillionnaire mais qui a une fondation car il a un cœur pur) ne sera pas d’accord.
La série télé 12 Monkeys (2015), adaptation du film de Terry Gilliams, révèle que l’épidémie qui a causé la mort de 93.6% de l’humanité n’était qu’une étape du plan de l’armée des douze singes. Un plan bien compliqué qui consiste à attirer l’attention du futur pour créer une machine à remonter le temps, puis l’utiliser pour tuer les primordiales (des sortes de gardiens du temps) pour créer un crash temporel. Tout ça parce que le leader croit qu’un monde atemporel serait un paradis car il n’y aurait pas de mort. Heu…
Même idée dans L: Change the WorLd, 3e live action du manga japonais Death Note, où, une bande d’écolos radicaux veut diffuser un virus (type Ebola mais en 100 fois plus puissant) pour éradiquer l’humanité. Évidemment, eux ont trouvé l’anti-virus. A la fin, on apprend que tout ça était le plan d’un méchant manipulateur pour se faire de l’argent avec l’anti-virus. Ce qui prouve qu’un néo-libéral sera toujours plus dangereux qu’un écolo convaincu.
Et puis sauver la terre, c’est bien, mais sauver l’univers, c’est mieux. Le super méchant au nom prédestiné, Thanos (dans le film Avengers: Infinity War car dans le comics il n’a pas les mêmes motivations) veut apporter la stabilité dans l’univers en anéantissant la moitié de toute vie. Un peu comme un jardinier qui couperait une branche surchargée qui tue son arbre.
Hélas, au lieu de remercier Thanos, les super-héros Disney-Marvel vont dérégler l’espace temps pour refaire apparaitre toute la population et massacrer une bonne fois les baleines. Des vrais héros du statut-quo qui doivent considérer que le changement c’est mal et qu’il ne faut jamais toucher aux États-Unis.
50% doit être le nombre parfait car dans la série The 4400 (Scott Peters, 2007), la faction dirigée par Jordan Collier veut créer un nouveau paradis de surhumains en tuant 50% de la population mondiale. Le principe est simple, injecter à tout le monde une drogue qui a 50% de chance de vous tuer et 50% de faire de vous un surhumain. Il semblerait que ce soit des humains du futur qui aient envoyé Collier sur terre et qu’ils soient d’accord avec cette idée. Ce qui signifierait que les gens du futur ont vécu la victoire Trump aux élections…
Bien que hautement discutable, la solution de supprimer tout ou partie de la population de manière aléatoire est très égalitaire. Car elle donne à chacun les mêmes chances de survie, que ce soient les riches, les puissants ou les autres. Enfin une égalité des chances parfaites même si elle est horrible ! La solution suivante, hélas plus probable, serait bien pire.
Solution 2- “Nettoyer” l’humanité
Je vais passer sur toutes les analogies, métaphores et comparaisons avec des pogroms ou la shoah dans la science-fiction. Il y en a beaucoup (lisez novfut 28 – Attention Fascisme). Ce qui m’intéresse ici, ce sont les œuvres qui utilisent l’idée de purification ethnique ou religieuse pour “le bien de l’humanité”.
Ainsi dans Scanners (David Cronenberg, 1981), Darryl Revok (excellent Michael Ironside) promeut une société idéale dirigée par des scanners (des mediums aux pouvoirs surnaturels). « Nous créerons un empire si brillant, si glorieux, qu’il fera l’envie du monde entier. » Évidemment, il ne précise pas qu’il s’agira d’une société suprémaciste où les gouvernants seraient les puissants psychiques et où les humains sans pouvoirs seraient devenus esclaves.
Dans Kingsman (2015, Matthew Vaughn), Richmond Valentine (voir aussi Novfut 26 sur les ultra-riches) veut résoudre le problème du dérèglement climatique en diminuant drastiquement la population humaine. Celle-ci va donc s’auto-détruire violemment. Sauf qu’il ne s’agira que des pauvres car pendant ce temps là, à l’abri dans un bunker, Valentine fera la fête avec ses amis riches et puissants. C’est plus cool l’écologie en buvant du champagne.
Même les machines peuvent devenir suprémacistes. Dans TRON : L’Héritage (Joseph Kosinski, 2010), CLU considère que les ISO (algorithmes isomorphiques) sont des imperfections dont il faut nettoyer le système. Il lance alors l’ordre de génocider les ISO. Évidemment, ce n’est qu’un commencement puisqu’il décidera ensuite de détruire l’humanité qui est également imparfaite. Alors pour le coup, je prends la défense de CLU. Une IA n’est pas mauvaise, elle est juste programmée avec les pieds.
Petite mention en passant à l’excellent et impérissable Hot Fuzz (Edgar Wright, 2007) où le Neighbourhood Watch Alliance (N.W.A.) va supprimer (définitivement) tous les saltimbanques et autres clochards qui salissent leur ville parfaite « for the greater good » (en réalité pour gagner le trophée du meilleur village anglais).
Un film qui, caché derrière inoffensive apparence d’une comédie, montre qu’à l’origine des droites radicales et des mouvements d’extrême droite il y a juste de la mesquinerie de petit-bourgeois confortables qui veulent que rien ne change jamais, quel qu’en soit le prix.
Alors évidemment, pour les lecteurs de NovFut, cette solution pue. Mais ne soyons pas trop innocent et je vous renvoie à la lecture du NovFut Apocalypse. Peut-être faudrait-il être en mode “survie” pour pouvoir vraiment juger de la force de nos convictions pacifiques et droitdel’hommesques. Car que se passera t’il le jour où une bande de militaires russes viendra “égorger” nos filles dans nos campagnes plutôt qu’en Ukraine ? Peut-être qu’on ressortira le “sang impur” de nos greniers.
Mais heureusement il y a peut-être d’autres solutions.
Solution 3 : la solution Ozymandias
Cette solution tire son nom du personnage d’Ozymandias dans Watchmen, le comic-book absolument fabuleux de Alan Moore et Dave Gibbons (Watchmen, 1986).
Ozymandias (Adrien Veidt) est l’homme le plus intelligent de la planète. Il sait calculer avec précision le futur, et donc préparer des stratégies en conséquence. Fort de ses capacités, il prédit qu’un conflit nucléaire va déchirer la planète dans les prochaines années. Mais étant un super-héros, il décide d’agir.
Son plan pour sauver l’humanité : rassembler l’humanité face à un danger commun extra-terrestre. Il crée donc une créature étrange et la téléporte sur New-York, occasionnant des milliers de morts. Malgré l’intervention des autres super-héros, son plan fonctionne : l’humanité s’unit enfin dans une paix mondiale.
On peut considérer Ozymandias soit comme le méchant de l’histoire soit comme le seul héros. Car, pendant que les autres super-héros arrêtent les voleurs de banque ou travaillent pour le gouvernement américain, lui sauve l’humanité (en sacrifiant quelques milliers de personnes au passage). Alors héros ou non ?
Dans le très bon Shin Godzilla (Hideaki Anno, 2016), le professeur Goro Maki a caché volontairement ses notes sur Godzilla pour que le monde soit obligé de s’unir pour l’arrêter. Le cas contraire, Godzilla détruira l’humanité en commençant par le Japon.
Et ça fonctionne (dans le film) !
On a plus de doutes quand Ernst Stavro Blofeld explique dans Diamonds are forever (1971) qu’il utilise une super-arme uniquement pour obliger les pays capitalistes et communistes à avancer dans le process de désarmement nucléaire. Allez, Blofeld, tu as tout de même tenté de déclencher la 3e guerre mondiale durant les 6 premiers films.
A noter : d’autres super-méchants de James Bond vont utiliser les mêmes arguments par la suite (Hugo Drax et Karl Stromberg), montrant que les scénaristes de James Bond savent recycler leur matière première.
La meilleure application – à rebours – de ce procédé est finalement celle de Lord Havelock Vetinari le patricien (primus inter pares) d’Ankh-Morpork (dans la série des Disques Monde de Terry Pratchett – quoi, vous n’avez pas encore tout lu ?).
Celui-ci sait que que tous les chefs des nombreuses guildes de Ankh-Morpork veulent sa tête. Seulement il sait aussi que la seule chose qui les retient de s’unir contre lui, c’est d’imaginer le pire des ennemis : un Ankh-Morpork sans Vetinari.
Cette fois l’ennemi commun devient un ennemi indispensable pour la paix et la prospérité.
Solution 4 – Débarrasser la population de ses pulsions
En y pensant, on pourrait se dire que le problème n’est pas l’humanité mais son absence de rationalité et surtout ses émotions fortes. Finalement, il suffirait de supprimer les émotions de l’humanité pour la protéger d’elle-même. Une application, un peu extrême certes, de la fameuse loi Zero de la robotique d’Isaac Asimov.
Dans The World’s End (encore un film de la trilogie Cornetto d’Edgar Wright, 2013), le Réseau est une entité extra-terrestre, qui, pour aider l’humanité, a remplacé 99% de Newton Haven par des avatars, une ville paumée en Angleterre. Garry (Simon Pegg) va devoir rappeler au Réseau le mauvais rendement de la méthode (il ne reste plus que 2 habitants humains à Newton Haven) pour que celui-ci abandonne l’invasion.
Les cybermen (dans Dr Who) sont des robots également animés d’excellentes intentions quand ils décident d’envahir la terre car ils ne sont là que pour supprimer la peur, la haine et les classes sociales dans la société. Bref, transformer l’humanité en cybermanité. Je vois pas pourquoi le Dr Who essaie de les en empêcher.
Les Borgs sont un autre collectif d’intelligence artificielle rencontré dans Star Trek: The Next Generation. Ce collectif est une conscience de ruche cybernétique, qui assimile des races entières pour s’améliorer en récupérant ce qu’il y a de mieux en elles, et éventuellement en supprimant celles qui les éloignent de leur objectif d’amélioration ultime.
Il considère que c’est tout bénéfice pour les races assimilées qui y gagnent pérennité et puissance. Quand à la liberté de penser, elle ne sert à rien quand on a un objectif aussi noble (tiens, ce serait pas le programme du FN ça ?).
La plupart des séries de Star Trek sont d’ailleurs remplies d’exemples de robots totalitaires. Dans « I, Mudd » (TOS, S2 E8), un groupe d’androïdes décident de conquérir la galaxie pour imposer la paix à tout le monde par la force. Dans dans « What Are Little Girls Made Of« (TOS, S1, E7), Korby, un androïde, décide de remplacer tous les humains par d‘autres androïdes pour éliminer toutes les émotions négatives (l’avarice, la jalousie, la haine). Un épisode délicieux écrit par Robert Bloch, avec une petite mention des Grands Anciens (Old Ones) de Lovecraft à un moment.
Dans une autre série spatiale, Farscape (Rockne S. O’Bannon, 1999), les Nebari sont dirigés par « The Establishment » qui propose aux gens de se sacrifier pour le bien commun. Ceux qui refusent se voient modifiés en esclaves heureux (et béats) de l’ordre. Et évidemment, leur objectif est de transformer la galaxie de la même façon. La lobotomie ou l’obéissance. La Chine de 2030 ça monsieur.
Dans tous les cas, supprimer les émotions signifie supprimer ce qui fait de nous des humains. Autant dire que l’on a pas trop envie d’abandonner cela. Alors comment faire pour sauver l’humanité ?
5 – Contrôler la population (par la force)
“Le problème ma bonne dame, c’est qu’y’a plus d’autorité. Ce qui leur faudrait à ces jeunes voyous, c’est une poigne de fer pour leur apprendre à obéir. A l’époque du Général, ça filait droit tiens.” Et oui, pourquoi ne pas écouter Madame Michu ? C’est vrai ça, diriger/contrôler la population permettrait certainement de sauver la planète et l’humanité en passant.
A la fin du formidable film de Robert Wise, Le Jour où la Terre s’arrêta (1951), le robot Klaatu délivre un message expliquant qu’une race extra-terrestre l’a construit pour préserver la paix. Et que si l’humanité menace d’étendre sa violence, la Terre sera réduite à un tas de cendres. Le choix de l’humanité est donc simple : se joindre aux extra-terrestre et vivre en paix ou continuer sur sa voie actuelle et s’exposer à la destruction. Un courageux film de science fiction qui prône la paix et l’entente entre les peuples, deux ans avant le début du Maccarthysme, autre forme d’autorité, aveugle et destructrice.
Dans la série Deep Space Nine (Star Trek encore), les fondateurs du Dominion veulent amener l’ordre dans la galaxie en la contrôlant intégralement à travers guerres et manipulations. Bon, il faut avouer que les fondateurs (une espèce de métamorphe dont est issu Odo) a été rejetés et exclus de la galaxie. Arrivés sur la planète Omarion Nebula, ils ont créé deux races et ont décidé de conquérir la galaxie pour ne plus jamais être inquiété. La haine amène la haine.
Il est intéressant de constater que les comics-books ont beaucoup travaillé cette idée d’une « autocratie vertueuse ».
Ainsi le Dr Doom (Fatalis), l’archi-ennemi des 4 fantastiques, chercherait en conquérant la terre, à la transformer en une utopie. Car en tant que despote écrasant la libre pensée, il a aussi le bien être de son peuple à cœur (tant que celui-ci lui obéit).
La séparation entre « bon » et « méchant » devient dans ce cas relative. Une idée à laquelle beaucoup de comics alternatifs de super héros des années 2000 vont oser poser.
Dans la BD Invincible (Robert Kirkman, Cory Walker, 2002) <attention spoiler>, le robot Robot (Kirkman ne s’est pas foulé pour le nom) décide que le meilleur moyen d’établir la paix et la prospérité sur la terre est de tuer à l’avance tout ceux qui pourraient s’opposer à lui, ce qui inclut ses amis super héros. Le coup d’État réussi de Robot permet de supprimer les guerres et le crime dans le monde. En conséquence, les super-héros survivants se rangent de son côté et même le héros (invincible) dit qu’il a fait du bien à la planète. Mince… On a donc un méchant criminel qui sauve la planète en détruisant les libertés individuelles.
Même idée avec l’Escadron Suprême (ou Supreme Power, je ne sais plus, je mélange les deux), où les super-héros décident d’utiliser leurs pouvoirs pour créer une utopie, et tant pis pour les droits civils et les libertés individuelles. L’escadron suprême est tout à fait disposé à redonner des droits à la population, mais, comme le dit Nighthawk à Hyperion, tout le système dépend de gens aussi moraux que l’escadron pour que ça marche.
C’est exactement l’idée de l’extraordinaire Warren Ellis et le fabuleux Bryan Hitch au dessin avec The Authority (1999). Imaginons un instant que ceux qui détiennent le pouvoir soient des gens bien intentionnés, des gens bien, qui favorisent l’humanité avant l’argent, la différence avant l’uniformité, la liberté avant la norme sociale, la sexualité sans norme, etc.
C’est l’idée de The authority où une bande de super héros décide de prendre les choses en main et de devenir de VRAIS héros (au contraire des Superman et Capitaine America, qui lèchent les bottes du gouvernement).
Résultat, après avoir arrêté quelques guerres, ils deviennent l’ennemi à abattre de tous les 1% (et de leurs gouvernements achetés). Pas grave, The Authority sont des héros et ils vont continuer sur la voix de l’émancipation de l’humanité.
Mais souvent, ils se posent la question de qui garde les gardiens ? Car l’autorité, certainement quand elle est exercée pour le bien commun, mais non quand elle est utilisée pour son profit. Et la frontière entre les deux est mince.
JRR Tolkien aurait écrit dans une lettre que Gandalf, si il avait été Seigneur de l’Anneau, aurait été bien pire que Sauron. Car imbu de sa vertu, il aurait gouverné pour le bien et le bénéfice de ses sujets selon ses propres critères, les forçant à faire le bien. En faisant cela il aurait rendu le bien détestable et l’aurait fait paraitre mauvais. Alors qu’avec Sauron, la séparation entre bien et mal était très claire.
Aussi si la possibilité d’une autocratie « bonne » reste peut-être utopique, alors comment faire pour sauver l’humanité ?
6- Nettoyer notre système économique
Et si on s’attaquait à l’assainissement de notre système économique ?
Une solution rarement évoquée dans la science fiction et qui mériterait un NovFut pour elle toute seule. Mais comme je dois conclure ce numéro forcément trop long, je vous propose de nous intéresser à l’ouvrage le plus intéressant sur le sujet : New York 2140 de Kim Stanley Robinson.
Ce roman raconte un Manhattan coupé en deux par la montée des eaux, où d’un côté les riches intouchables vivent dans des immeubles au pieds secs et de l’autre des réfugies climatiques et des pauvres qui vivent dans les ruines trempées dont personne ne veut.
Face à l’imminence d’une nouvelle crise sociale déclenchée par des traders immobiliers pourris (pléonasme ?), les protagonistes de l’histoire trouvent une solution complexe, mais efficace qui se déroule en plusieurs temps :
- Arrêter de payer les banques, de rembourser ses prêts, de payer ses crédits. Car le problème vient qu’au cours du 20e siècle les banques ont muté d’une utilité publique (aider développer le tissu économique) à des centres de profits pour les banquiers. Il faut donc arrêter de les alimenter.
- Arrêter de payer les banques va évidemment déclencher une crise monétaire. Les actionnaires (des banques) vont courir pour récupérer leur argent. Et les banques vont être obligées de fermer leurs paiement. A ce moment, les banques, ruinées vont pleurer dans les giron des états pour qu’ils les renflouent. On a vu ça en 80, 90, 2008 : quand les banques vont mal, nos impôts les renflouent (la réciproque n’est pas vrai).
- C’est là où ça devient de la science-fiction. Les héros arrivent (en utilisant le chantage) à faire en sorte que l’état ne finance les banques qu’en échange de leur nationalisation. Les banques, après avoir beaucoup rechignées acceptent.
- Les banques travaillent maintenant pour le peuple. Un cercle vertueux commence : des prêts vertueux, des investissements qui servent la société, dans la culture et l’éducation. La société américaine va mieux.
- Le gouvernement se met également à travailler pour le peuple grâce à l’une des protagoniste, travailleuse sociale incorruptible qui devient députée. La fenêtre d’Overton se décale vers la gauche. Les rentiers sont taxés (la taxe Piketty). Ceux qui fuient dans les paradis fiscaux le sont plus encore encore.
- Et les autres pays du monde, épatés par l’exemple américain, font de même. Le monde va mieux.
En quelques étapes clés, Robinson nous montre ainsi comment on pourrait créer une économie idéale : ôter la finance des mains de quelques privilégiés (les 1%), pour l’utiliser comme un outil de développement de la société.
Cette thèse, très travaillée, incorpore les idées de Thomas Piketty sur la reproduction des inégalités. Je vous conseille en passant l’adaptation en BD de son ouvrage Capital et idéologie (par Claire Alet et Benjamin Adam, 2022) que j’ai offert à toute ma famille.
On pourrait se demander pourquoi nos différents partis politiques n’ont jamais proposé cette solution (la privatisation des banques). Peut-être parce, la réalité rejoignant la fiction, ils font parti de ces fameux 1% et n’ont aucun intérêt à ce que le monde change. Je vous laisse ça là (et lisez le livre).
Quelle solution choisir pour sauver l’humanité ?
Vers la fin de Moby Dick (Herman Melville, 1851), Starbuck rentre dans la cabine du capitaine Achab endormi en se posant la question de lui tirer une balle dans la tête ou non. Il pressent en effet qu’Achab, bouffi d’orgueil et de vengeance, entraine le Pequod vers un désastre.
Nous sommes dans cette situation. Des hommes remplis d’orgueil et de suffisance conduisent inéluctablement l’humanité à sa mort. Et nous les regardons faire pendant que les catastrophes climatiques deviennent courantes, les espèces animales sauvages disparaissent au profit d’animaux de compagnie à moitié débiles, les migrations forcées s’accélèrent, et les conflits se multiplient et le techno-chômage se répand peu à peu.
Alors comment réagir ?
Les premières possibilités proposées par la SF (à base de destruction ou contrôle autoritaire de l’humanité) sont difficilement recommandables. Je n’ai pas envie que mes enfants soient privés de leurs libertés fondamentales ou pire encore.
La solution Ozymandias (se créer un ennemi commun) est tentante. Mais hélas, elle n’a aucune chance de fonctionner sans un véritable traumatisme mondial. Car l’humanité a déjà un ennemi commun : le réchauffement climatique. Et force est de constater que certains profitent de ces désastres pour spéculer. Tant que ces gens existent, sont formés dans des universités prestigieuses qui leur apprennent à voir le profits immédiat, ça ne marchera pas.
Alors peut-être faudrait-il changer les pulsions de la population, la débarrasser de son addiction à la dopamine et son besoin de « toujours plus » ? Pourquoi pas, car ces pulsions négatives ne sont que des habitudes de consommation qui ont été lentement mais surement infusées dans la société au cours des 60 dernières années. Il est donc tout à fait possible de s’en débarrasser. Mais il faudrait déjà pour cela réguler la publicité dans les espaces publics ou interdire carrément des rendez-vous de la consommation comme le black friday. Et c’est exactement le contraire qui est fait aujourd’hui.
La seule solution qui reste est celle de Kim Stanley Robinson : mettre le capitalisme & la finance au service des gens, de l’espèce humaine au lieu de quelques privilégiés. Une solution qui refléterait bien les ambitions de transformation positive d’une humanité du 21e siècle et qui est déjà proposée par des chercheurs sérieux (je parle de Thomas Piketty).
Seulement pour être appliquée cette solution idéale nécessite une véritable prise de conscience de notre situation qui soit :
1- globale : car il est impossible de changer un système tout seul dans son coin
2- positive : et c’est là le vrai défi. Car les réflexes immédiats qui suivent une prise de conscience de la situation sont négatifs (déni, colère, désespoir, etc.).
Il nous faut donc de nouveaux récits pour changer le monde (cf NovFut #19 Raconter des histoires de science-fiction pour réinventer la société NovFut). Créer de nouvelles histoires, de nouveaux héros qui ne défendent pas l’hyper-consommation ou la quête permanente de pognon, mais au contraire des valeurs oubliées comme la durabilité, la solidité, la sincérité.
Mais où trouver ces récits, comment les raconter, comment réunir des gens autour de ces récits ?
Faut chercher. Cette semaine par exemple, j’ai participé à l’expérience The Week que j’ai trouvée très réussie. Elle permet, en regardant 3 vidéos, de parler plus facilement des problèmes de notre société avec ses pairs. Je vous conseille de tester le principe qui fonctionne très bien, et qui permet de sortir plus facilement de son eco-anxiété-morosité (et c’est gratuit !).
Ces nouveaux récits arrivent ainsi doucement à force de convictions personnelles et surtout d’une envie de les raconter.
Ainsi quand Alan Moore et JH WiIliams III ont sorti la BD Promethea (de 1998 à 2005), le mouvement #Meeto n’existait pas. A l’époque d’ailleurs, les super héroïnes ultra-féministes dans l’industrie des comics-book n’existaient pas non plus.
Depuis la sortie de Promethea, les héroïnes fortes et indépendantes sont innombrables dans les comics. Même Disney en a mis dans ses dessins-animés, c’est dire. #Metoo n’a été que le dernier élément déclencheur embarquant ceux déjà préparés à l’être grâce à ces récits imaginaires.
Hélas, aujourd’hui ces récits imaginaires positifs rentrent en compétition avec d’autres récits destinés à laisser libre cours aux pulsions négatives : le récit de l’ultra-consommation (achetez encore plus de choses à jeter grâce au black friday), le récit des gentils contre les méchants (le narratif de base des Trump, Lepen, Nétanyahou, etc), le récit de la connerie populaire (Hanouna), le récit de l’Intelligence artificielle qui va sauver le monde (notre président et ses ministres l’aiment bien celui-là), et d’autres encore.
Starbuck ne tirera pas dans la tête du capitaine Achab. Ses raisons sont multiples : conflit avec ses valeurs morales, trahison de la hiérarchie maritime, peur des conséquences (c’est le seul dans l’équipage à anticiper la suite) et aussi résignation devant une fatalité inexorable. La conséquence pour l’équipage du Pequod, c’est sa destruction complète.
Ne soyons pas des Starbuck. Ne nous soumettons pas à cette fatalité tragique. Agissons.
Cyroul
PS : En passant, n’hésitez pas à (re)lire le NovFut sur l’écoterrorisme (#13), il ne vieillit pas.
Novfut #30 est (déjà) terminé. Un numéro un peu violent peut-être, mais il est important de temps en temps d’aligner ses convictions personnelles. J’espère en tous les cas que vous l’avez apprécié. Et en attendant le prochain, n’hésitez pas à vous abonner, ou à abonner vos proches. Vous êtes toujours plus nombreux à lire NovFut, c’est très très réconfortant. A bientôt !