De ces politiciens qui massacrent l’internet français

Gros agacement depuis hier. Qui s’est amplifié après un thread twitter particulièrement agressif d’une bande d’hystériques voulant annihiler mon tweet de dimanche soir :

Ohh, je sais que toi le lecteur, tu te réjouis de mes coups de gueule agacés. Cela te permet de dire « Oh quel hater ce Cyroul tout de même ! » et de retourner brasser ton quotidien avec un enthousiasme renouvelé d’avoir lu tout haut ce que tu penses tout bas.

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Et tu me laisses, gentil lecteur, avec des questions sans réponses, des interrogations jetées à la face du monde, et avec des doutes qu’aucun parti politique ou journaliste grand public ne peut lever. Je n’aurais pas autre chose à faire de mes journées que j’en aurais des ulcères.

Seulement, cette semaine, ce sont 3 nouvelles qui m’ont explosées à la figure. Ces 3 news ayant 2 dénominateurs communs : des politiciens Français et Internet. Le mélange des deux n’est pas beau à voir. La preuve :

Fleur, t’est vraiment un pot ! 

Tout d’abord, Fleur Pellerin, ministre de mes fesses, qui telle une Nathalie Kosciusko-Morizet  à l’approche des élections, se met à passer des vrais sujets digitaux à des sujets « people » pour journalistes en mal de papier (et ils sont nombreux en ce moment).

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En ce début de semaine ces journalistes ont donc pu se réjouir, car Fleur Pellerin a décidé de s’attaquer au douloureux et vital problème du machisme dans l’informatique.

Mais pourquoi pas… Le sexisme est un sujet de société. Et l’on peut effectivement voir une majorité nettement masculine au sein des grosses DSI des gigantesques sociétés  françaises (banques, assurances, ministères, etc.) et ce pour des raisons assez historiques d’orientation pédagogique, d’éducation, de société, etc.

Or, si il y a bien une majorité d’informaticiens dans ces entreprises poussiéreuses, sachez que dans la nouvelle économie, les sociétés de patrons femmes pullulentOui, il s’agit d’une vision personnelle, mais dans la pépinière dans laquelle j’ai mes locaux, il règne une très belle parité. Sauf chez Curiouser (ma boite dont je partage la gouvernance avec – devinez quoi – une femme) où l’on compte 4 femmes (dont une développeuse de jeux vidéo) pour 1 homme. Car l’informatique n’est pas sexuée. La société l’est, ne nous trompons pas de débat.

Aussi cette « ministre de l’innovation et de l’économie numérique« ,au lieu d’aider des PME innovante à se développer dans un contexte administratif pourri, ou au lieu de développer l’accès à Internet en France (ce qui gênerait les lobbies),  fait des claquettes en condamnant des réflexes passéistes de boites préhistoriques. C’est clair que ça va faire plaisir aux sondages, aux lectrices féministes et aux médias qui s’ennuient. Mais je ne vois vraiment pas le rapport avec l’innovation qui aurait bien besoin d’être aidée.

Cette attitude nous laissera néanmoins une certitude : la parité entre politicien et politicienne est totale ! Ils ont en effet le même combat, celui du bullshit publicitaire pour des masses influençables.

L’Assemblée Nationale ou la sodomie à grande échelle

C’est malin un député. C’est malin car, outre ses privilèges qu’il grappille sur le dos de ceux qui paient leurs impôts, il se permet en plus de se faire payer des extras à l’assemblée pour voter des lois qu’il ne comprend pas. Le lobbying est tellement plus rentable que le vrai travail.

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Un salaire brut mensuel de 16 269,49 € pour jouer au Scrabble. Bravo Thomas Thévenoud et Jérôme Guedj !

Profitant que la france regardait ailleurs, l’Assemblée a donc adopté en première lecture le projet de Loi de Programmation Militaire 201-2019. Vous en aurez le détail chez NuméramaPCInpact, ZDNET ou Les Échos, mais sachez pour résumé que ce projet de loi nous emmène encore plus loin qu’Hadopi dans la surveillance de vos activités online.

C’est pourtant un projet de loi qui a réussi à passer mardi 3 décembre, par 292 voix pour et 251 voix contre pendant que Fleur Pellerin (la fameuse ministre du numérique) pointe du doigt l’intolérable manque d’informaticiennes en France. Voter une loi contre votre vie privée sur Internet en imitant le cri de la poule, y’a bien que des députés français pour réussir ça.

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Jérôme Cahuzac en plein travail. Dur dur d’être député.

Et la CNIL dans tout ça ?

Comment peut on encore respecter cette institution (j’ai pourtant été un fervent défenseur de son activité depuis la fin des années 90), quand elle se fait ignorer complètement par ces politiciens ? Pourquoi les entrepreneurs et chefs d’entreprise devraient se coltiner des déclarations interminables à remplir quand les politiciens n’en ont rien à foutre ? L’exemplarité vient du haut, pas du bas les gars.

Allez, pour vous tenir au courant des prochains développements ou organiser d’autres actions contre cette loi abominable, inscrivez-vous par par l’interface web ou par mail à la liste de discussion (merci à jcfrog pour les infos). 

Sénateurs, ça rime avec amateurs

Oui vous l’avez compris, ces politiciens n’ont rien compris à Internet. Sauf que certains d’entre eux ont compris que vous aviez compris. Alors ils ont décidé d’agir…  Et pour agir, ils ont décidé de créer une mission commune d’information « Nouveau rôle et nouvelle stratégie pour l’Union européenne dans la gouvernance mondiale de l’Internet« .

Quand vous ne connaissez pas un sujet, vous, vous vous documentez humblement. Le sénateur, lui, quand il ne connait pas un sujet, il t’explique comment ce sujet  impacte le monde et comment tu dois t’en servir. C’est fort un sénateur.

Et ça bosse. Le premier compte rendu de la mission nous montre à quel point ça bosse. Des tas de rapports ont déjà été pondus sur la problématique des données, sur la fiscalité du numérique, sur la neutralité de l’Internet, sur l’industrie des jeux vidéo et même sur la cyberdéfense.  Pour être certains, les sénateurs ont alors décidé d’inviter Vinton Cerf (oui le commercial de Google). Ils ont aussi invité Patrice Flichy. 

Alors même si j’ai une certaine admiration pour ces deux personnages (nous avions invité Patrice Flichy dans les Digital + Humanities de 2010 pour nous parler des amateurs sur Internet), j’ai l’impression de voir des gens totalement largués essayer de comprendre un sujet immensément vaste au prisme de quelques rencontres aléatoires.

Un peu comme si je devais comprendre toute l’économie de la Formule 1 en interviewant un vendeur de billets et un peintre en carrosserie.

Conclusion : la transparence politique ou rien

Cela prêterait à rire (si si je suis bon public) si ce n’était fort triste et ce pour trois raisons :

  1. Ces hommes et femmes politiques jouent avec MES impôts. Et les vôtres.
  2. Ces hommes et femmes politiques ne bossent que pour leur pomme. Ils se font mousser auprès de populations cibles (Fleur Pellerin). Ils se récupérent des petits à côté (les députés), ou ils en profitent pour faire campagne en essayant de comprendre un sujet qui manifestement les dépasse (les sénateurs). Et tout ça avec mon pognon, vous l’aurez compris.
  3. Ces politiciens n’aident pas la France. Pendant que dans le monde entier, des visionnaires essaient de comprendre et d’anticiper des transformations sociales, économiques et technologiques, les politiciens français, eux, continuent à jouer de la politique (du pipeau). Mais bordel, même les Suisses acceptent le Bitcoin comme une monnaie officielle et nous, en France, on votre une loi pour permettre à des entreprises de lire vos emails peinards pendant qu’une bande de sénateurs va s’humilier en expliquant aux pays du monde comment gouverner Internet.

Les politiques n’ont pas compris qu’on était sur Internet là, pas dans un dîner mondain, pas dans une conférence de presse, pas dans un vieux média traditionnel (« dans 5 ans tout le monde aura oublié »). Non, on est sur Internet. Et il faut prendre des décisions rapides, efficaces et qui vont dans le bon sens pour favoriser l’innovation à la française.

Alors on peut rêver (j’aime rêver) d’un moment où on pourrait vérifier la qualité du travail d’un politicien. Un moment où on verrait véritablement combien il gagne. Un moment où l’Open Data politique serait la norme. Même Gilles Babinet (l’ancien président du CNN) rêve à ce moment

Mais là il n’y a plus personne. Plus de Fleur Pellerin, plus de députés ou de sénateurs. Plus de partis politiques pour monter au créneau et défendre ce beau rêve de la transparence politicienne. 

Ah, si ! Il y a bien un parti qui milite pour cette transparence : le parti pirate.

Fucking pirates, encore eux…

PS: et le même parti milite aussi pour une parité sexuelle absolue. Sauf que eux, ils y croient.