Les responsabilités de la publication d’un mauvais site : la faute à qui ?

Suite de l’article Triste Tri-dimension pour Trinity (de Cartier) #2

Le prestataire qui a fait la 3D ?

Ca m’étonnerait que ce soit de la faute du prestataire. Un prestataire 3D a normalement des tarifs qui correspondent à son expertise et aux nombres de jours qu’il va passer sur le film (à le composer et à faire le rendu). Un peu comme un photographe professionnel ou une boite de production de films publicitaires.

Donc si le prestataire est sélectionné, c’est que sa gamme de qualité correspond à ce qu’attend la marque/l’agence. Sa responsabilité est donc à écarter.

L’agence web ?

Une agence web ne fait pas de films 3D, ce n’est pas son travail. Alors soit elle a sous-traitée (et dans ce cas, lisez « la responsabilité de l’agence de pub »), soit elle a juste inséré le film une fois celui-ci terminé (et dans ce cas, elle n’y est pour rien).

L’agence de pub ?

On peut distinguer 2 cas : les publicitaires responsables et les publicitaires traditionnels.

Publicité responsable

Tous ces publicitaires qui bossent en agence se posent un jour ou l’autre la question sur leur responsabilité sur les campagnes de publicités réalisées. Faut-il ou pas dire au client qu’il est en train de faire une enôooooorme bêtise et qu’on refuse de l’accompagner ?

Dire non à un client, ça veut dire perdre de l’argent voir même perdre le client (et la certitude de se faire étriper par votre boss), mais en revanche, réaliser une campagne de merde (ou sortir un site web de bouse) risque de vous déconsidérer dans toute la profession.

Quoiqu’il en soit vous avez été forcé par votre client, donc vous n’êtes pas responsable (je ne rigole pas, ça se passe souvent comme ça – lisez les commentaires sur la dernière campagne Maaf).

beigbeder_logo_cartierPublicité traditionnelle

Là, la question ne se pose pas car le client a toujours raison. Et de toutes façons, votre travail n’est pas de contster, mais de marger au maximum sur ce client.

Donc margez ! Promettez lui des films en 3D que vous ferez réaliser en Corée, et un site réalisé par des Hongrois dans une cave. L’outsourcing, y’a que ça de vrai, hein ? Et puis le client ne se plaindra jamais car il n’y connait rien à Internet, à la 3D, à twitter et tous ces trucs de jeunes.

Donc, vous n’êtes responsable de rien. Enfin, si, mais pas plus que pour les autres campagnes (print, tv, etc.) que vous lui refourguez. Et vous pouvez continuer à faire brûler de l’encens devant votre totem de Beigbeder, version année 80.

L’annonceur ?

Ben oui, désolé Cartier. Mais c’est de ta faute si ton site est pas terrible et si ta vidéo est laide. Car tu es une société. Et dans une société, le responsable n’est pas le webmaster stagiaire qui a géré le projet (ou même l’agence de publicité), mais au contraire la direction qui est censée prendre des décisions responsables.

Donc jetons la pierre au directeur de la com/marketing (ça dépend des boites). C’est normalement lui qui a choisit l’agence de pub, c’est également lui qui a choisit le budget, et c’est définitivement lui qui a validé le film et le site.

Sa méconnaissance du sujet « digital » n’est pas une excuse. Il n’y connait rien en photo, et pourtant il s’appuie sur des spécialistes; alors pourquoi ne pas faire de même sur de la 3D ou du site web ? Parce que c’est un truc de jeunes ? Parce que c’est un truc de taupes ? Parce que dans 6 mois il sera chez un autre annonceur et qu’il en a rien à faire de l’image de la marque qu’il va laisser sur la toile ?

Une fois de plus, le digital bouleverse le monde de la publicité

Et ça se voit quand on regarde les interactions entre ces deux mondes que sont la pub et le digital :

  1. une méconnaissance totale des enjeux et des perspectives du digital de la part des agences, mais aussi des annonceurs, mal/sous-informés par des revues de professionnels de la publicité (et donc dépassés par un territoire qui n’est pas le leur).
  2. une structuration des agences de publicité qui date de l’âge de pierre. A l’heure du digital, fonctionner comme pour un projet print ou film TV est aberrant. Fonctionnement par metier ou projet ? La plupart des agences ne se posent pas la question : séparons allégrement création et commercial, comme on le fait depuis 120 ans.
  3. une dépendance béate des annonceurs envers les agences. Les annonceurs sont trop dépendants des agences (juridiquement, mentalement et confortablement). Oui, c’est confortable, sauf que quand les agences ne sont pas à la hauteur, la marque non plus.
  4. un recul évident des agences de publicité à digitaliser les campagnes. Ce serait tuer la poule aux oeufs d’or. Vous vous rendez compte ? Passer un budget quasi-validé à 200 ou 300 Ke en 2 semaines de propales à des projets de plusieurs mois à 60 Ke ? Plus de marges démentielles, la fin de la pub ! de quoi brûler son totem de Beigbeder ?!

Des solutions ?

4 solutions aux 4 écueils ci-dessus :

  1. De la véritable formation et immersion dans le digital. En passant par des indépendants qui n’essaieront pas de vous vendre absolument une technologie ou une campagne. A quoi ça sert de passer par les formations proposés par les vieux de la publicité ? Ils vont encore essayer de vous vendre du placement média. Non, cherchez des petites structures innovantes qui vous feront ça pas cher et avec passion (j’en connais, contactez moi en MP ;)
  2. takeawaythinking
    Une remise en cause des organisations projets/métiers des agences de pub. C’est le cas pour BDDP  qui vient de sortir TakeAwayThinking qui innove vraiment dans ce domaine. Mais de nouvelles agences se profilent à l’horizon (ça aussi je vous en parle plus tard) très créatives et originales (voir l’opé d’enlevement de blogueurs du Collectif ENDB)
  3. Les marques doivent bouger les fesses de leurs directeurs marketing/communication pour les obliger à se tenir au courant de ce qu’il se passe. Vous trouvez ça normal de ne pas savoir ce qu’il se passe sur Internet en 2008 en dehors de la lecture de Stratégies et CBNews ?
  4. Changez d’agence de pub ! Testez en d’autres. Des toutes petites agences innovantes. Bref, panachez vos investissements !

Je pense que j’ai rien oublié. Et vous ? Vous voyez d’autres solutions pour que les annonceurs proposent des campagnes/sites/experiences interessantes ?

Author: Cyroul

Explorateur des internets et créateur de sites web depuis depuis 1995, enseignant, créateur de jeux, bidouilleur et illustrateur. J'écris principalement sur les transformations sociales et culturelles dues aux nouvelles technologies, et également sur la façon dont la science-fiction voit notre futur.

11 thoughts on “Les responsabilités de la publication d’un mauvais site : la faute à qui ?

  1. et qu’il faut un peu de recul pour bien l’appréhender. On peut donc comprendre que les Responsables annonceurs un peu âgés ou ceux qui viennent de s’y mettre fassent encore des erreurs de débutants.

  2. @Cyroul Je n’ai pas autant d’expérience pro donc peut-être suis-je encore bercé de douces illusions. Je ne remets pas en doute ton constat personnel des 80%, mais ça n’empêche pas d’avoir la Gnak et l’envie de toujours pousser le client dans ses retranchements. Qui plus est, c’est salvateur, car on trouve beaucoup d’Agences qui exécutent, beaucoup moins qui ont une vraie force de recommandation. On compare souvent les relations Agences-Clients a des relations de couple. Si tu te contentes de ce que tout le monde peut apporter, on finira par te quitter. Si tu montres ta passion, tu créeras un climat plus difficile à reproduire et tu te protégeras plus efficacement.

    Mais cela oppose deux états d’esprits différents : d’un côté, promouvoir la force de l’argent et mettre éventuellement des idées. De l’autre, promouvoir la force des idées en croisant les doigts pour que ça rapporte de l’argent.

    Et pour ton point sur la crise, cela mériterait presque un article, mais tout le monde n’a pas la possibilité de marger (contrôle des services achats sur justifs fournisseurs) et la crise devrait plutôt amener les Agences à mieux faire leur boulot pour éviter de se faire éjecter.

    Enfin, je comprends ton énervement VS les annonceurs qui ne sont pas à la page. Mais je mettrais ça dans le même panier que « Les vieux députés votent la loi HADOPI alors qu’ils ne connaissent rien à Internet ». Quand on est vraiment dedans, on se dit « Mais POURQUOI est-ce qu’ils survolent le sujet ? ». Mais ce n’est pas leur boulot. Ils ont une appréciation globale du sujet, ils ne peuvent pas être experts. Pour cela, ils s’entourent de pros dont c’est le métier, de conseillers… Ce n’est pas optimal, mais ça peut être aussi constructif. S’il fallait être du Web pour parler de Web, journaliste pour écrire sur les journalistes ou X autres exemples, tu n’aurais plus ce point de vue extérieur et naïf qui fait parfois du bien dans la construction d’un projet.

    Je te répondrai que le net reste jeune, assez générationnel,

  3. Je retiens une chose, le critère de sélection de l’annonceur n’a pas été celui de la qualité, mais seulement le prix pour obtenir ce qui lui a semblé être d’une qualité tout juste acceptable. L’agence n’a certainement pas recherché un prestataire de qualité, mais un prestataire qui entrait dans le prix que souhaitait mettre l’annonceur. Au total, personne n’est gagnant, ni l’annonceur, ni l’agence.
    C’est sur que l’on se retrouve devant une sorte de bannière animée, pas un vrai film !
    Les sites les plus remarqués, les plus impactants sont dotés de très belles prods, très sophistiquées, très soignées.
    Je trouve incroyable que Cartier ai accepté un film d’une telle médiocrité pour un produit aussi emblématique de la marque …
    Mais est ce que le grand public qui surf sur ce site pourra saisir cette finesse de qualité de production ?

  4. @publigeekaire
    Je tiens tout de même à signaler qu’il s’agit d’un article caricatural. La vérité est évidement moins tranchée. Néanmoins je vais reprendre quelques points de ton argumentation que je trouve remarquable.
    -> tu dis : « quand tu paies une Agence Web ou une Agence de Pub, tu viens chercher de l’expertise et du conseil. »
    C’est 80% faux. 80% des briefs que j’ai reçu depuis 10 ans ont été : « faites moi un site web/ réseau social de marque / opération avec des blogueurs / campagne de pub / campagne bannière / ou achat de keywords ». Les 20 % restants ont été : « dites moi comment je peux m’implanter sur Internet ? » (et encore, ces briefs là étaient pour des prestations de « conseil » pures, pas pour de la publicité).
    -> ensuite « si la chaine des intervenants avait bien fait son boulot ». Mais c’est la crise mon bon monsieur. Et c’est ce que vont te dire la plupart des patrons de boite pas trop sérieux. Que ça soit chez les agences de pub, les prestas ou même les annonceurs. Car la crise signifie pour la plupart de belles excuses pour marger à fond. Après tout va dépendre de l’honneteté du dirigeant de ces boites. Et là…
    -> par contre, je te rejoins sur « les Agences Web ont autant de moutons noirs que les Agences de Publicité traditionnelle », mais là, mon propos est de faire réagir les annonceurs en leur disant que c’est à eux (c’est eux qui paient) de s’informer. Et dans le cas contraire, c’est pas étonnant si ils se font avoir.

    Après 15 ans de clients, j’en ai pas eu tant que ça qui ont été à la hauteur de leur rôle de décideurs. Les meilleurs campagnes que j’ai pu faire ont été avec ceux-là, quoi qu’aient été mes conditions de travail à cette époque. Donc « bon annonceur » (+bon partenaire) = « bonne campagne ».

    Définitivement pour moi la condition principale de la qualité sur Internet, c’est l’intelligence et la connaissance du sujet de l’annonceur. Je pense qu’on arrivera pas à m’ôter cette certitude.

  5. Ton analyse du milieu de la publicité me semble moyennement objective. Ne confondons pas les gens passionnés par leur métier qui essaient de sortir des choses pertinentes (belles & en accord avec la problématique) et ceux qui cherchent à faire à tout prix de l’argent et qui n’hésitent pas à donner n’importe quelle soupe au client pourvu qu’ils soient contents. Car de ce côté là, les Agences Web ont autant de moutons noirs que les Agences de Publicité traditionnelle.

    Et ta façon d’écarter les différentes responsabilités me fait sourire. Et si on voyait ça comme ça : ils ont tous profité de la méconnaissance du client pour faire un produit moyen en accord avec la demande, sans chercher à la dépasser. Cartier a un site pourri ? Restons en cohérence et faisons un minisite Event à son image. Vous voulez du luxe à la Française ? On va vous ressortir la même vieille chanson cliché.

    Selon moi, quand tu paies une Agence Web ou une Agence de Pub, tu viens chercher de l’expertise et du conseil. Tu viens chercher quelqu’un qui te dit « Non, ce n’est pas pertinent » parce que tu sais que tu es à la rue. Là où tu dis que l’Annonceur est responsable, je dis pas totalement. Tous les interlocuteurs, s’ils avaient bien fait leur taf, auraient dû pousser plus loin la recommandation pour provoquer une prise de conscience chez le client. Au lieu de ça, on sent qu’ils ont voulu faire un projet facile, sûrement bien payé, pour un résultat que je qualifierai par une expression connue en Pub : « ça a le mérite d’exister ». Mais sans plus.

  6. Je te rejoins complètement sur la sclérose qui touche le marché lorsqu’il s’agit de se remettre en question. Et le web est définitivement le parent pauvre de cette sclérose ! Mais pour nuancer cette belle attaque frontale envers le « Off », je placerais quand même un : « Le web ne fait que subir ce que les marketing services subissent depuis qu’ils existent… »

  7. @LaPravda très bonne idée le top 10 des sites de luxe les plus moches. 3 excellents exemples en tout cas, qui pique les yeux à l’époque de la HD et des possibilités de la vidéo et de l’outil 3D.

  8. haaa que c’est bon ce post en plusieurs épisodes :)
    tu dis des choses très justes. le rapport Quali / Moyens est lamentable, car au total, comme me disait ma grand-mère (une femme simple, qui tenait une ferme …), « de la mauvaise qualité, on la paye toujours trop cher … »

  9. Qu’il est bon ce post!
    Tres bonne analyse, qui fonctionne aussi bien avec le site de Boucheron (qui en plus de piquer les yeux propose du e-commerce sur des colliers à 25000€, et ca c’est du Nutella: merci Gucci Group) http://www.boucheron.com

    Pas mal de marques de luxe ont des sites très 1998, c’est assez symptomatique, tu pourrais même en faire un petit post, genre top5: je propose deja http://www.audemarspiguet.com et http://www.jaeger-lecoultre.com >>violents!

  10. tant que les annonceurs ne recruteront pas des experts du digital, ca ne risque pas de progresser… (et ca n’en prend toujours pas le chemin…)

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