Tout le monde veut Momo la creepy pasta

C’est les vacances pour les forces vives de la France qui travaille et qui ne paie pas forcément d’impôts (pensez aux écoliers, aux étudiants, aux députés, etc.). Et pendant les vacances, l’esprit vagabonde hors des contrées grises et moroses du quotidien pour exalter les cellules de son imagination. Certainement l’effet du manque de CO2.

C’est donc le moment idéal de sortir de sa zone de confort et de se faire peur. Et quoi de mieux qu’une bonne Creepy Pasta de chez les Internets ? Et c’est ainsi que depuis quelques jours, l’effrayante Momo envahie les vidéos des youtubeurs vendus (appelons les des péripatétubeurs) et déferle sur les médias opportunistes (appelons les des médiaputes).

Aussi, en grand amateur du cinéma de genre horrifique et des mythologies alternatives, il était impensable que je ne me saisisse pas de ce sujet pour le disséquer. Pourvu que Momo ne m’en veuille pas.

Momo c’est quoi ?

MoMo est un répondeur automatique téléphone et What’s App accessibles par différents numéros de téléphone. Sa profilpic laisse penser que Momo est une femme affublée d’une déformation physique très impressionnant voire effrayante. On dirait d’ailleurs un Yokai Japonais (ou plutôt un Yūrei – un fantôme de femme à cheveux longs) que l’on retrouve dans des films très flippant comme Ring ou Dark Water de Hideo Nakata.

En réalité, la photo de Momo est celle d‘une sculpture d’un démon chinois réalisée en 2016 par la société d’effets spéciaux japonaise Link Factory. Vous pouvez d’ailleurs allez voir l’évènement d’où est tiré la photo de Momo ici.

Mais Momo est effrayante, cela ne fait aucun doute. Recadrée pour lui donner un air plus humain (et donc plus Uncanny Valley), la photo de Momo va commencer à se propager sur les internets, et les légendes vont s’y greffer. Reddit, Youtube, 4chan, des tas de contenus vont alimenter la légende urbaine de cette nouvelle Creepy Pasta.

Mais c’est le 25 juillet 2018 (il y a 3 semaines) que les choses vont s’accélérer via l’enquête autour du suicide d’une gamine Argentine de 12 ans. Les policiers ayant trouvé sur son What’s App, des injonctions venus du « Momo Challenge ». Cette information croustillante a forcément immédiatement été reprise par FoxNews (les mediasputes du haut) faisant la pub du « Momo suicide Challenge » et le comparant au Blue Whale Challenge, une autre belle saloperie d’internet (50 jours pour faire des conneries avant de vous suicider, tout un programme). Et la légende de Momo se propage, lentement et sûrement…

Évolution de l’intérêt pour la recherche « Momo », à l’international sur les 90 derniers jours

Ca marche comment Momo ?

Simple, avec Momo, il suffit de contacter un numéro de tel par what’s App. A partir de ce moment des messages vont se mettre à tomber sur votre compte. Aussi bien des questions que des menaces, photos ou vidéos effrayantes. Et les défis vont se mettre à tomber. Se réveiller la nuit par exemple. Rigolo. Et puis les défis deviennent de plus en plus dangereux (et cons). Sauter du balcon par exemple. Et puis, il faudra se filmer pour prouver qu’on l’a fait.

Et le système se referme. Si le participant ne veut plus accomplir un défi, alors Momo passera en mode domination sévère (menaces, envoie de contenus violents, etc.).

Mais pourquoi Momo a un tel succès ?

Toutes les prostitués à clics vont tenter de convaincre leur public de la croustillance (joli mot, bravo Cyroul) du sujet. Ainsi les médiaputes évoqueront le suicide de l’adolescente, le malaise de s jeunes, le danger des Internets. Les péripatétubes vont se filmer en train de faire le Momo challenge. Et évidemment, il se passera des choses étranges et effrayantes quand ils appeleront le numéro. Nous permettant d’étaler leurs exceptionnels talents d’acteurs juvéniles (si jeunes et déjà si carriéristes). La peur + l’horreur = les likes + les shares. Bon, après, rien ne les empêchera de refaire une vidéo pour raconter que tout cela était évidemment une blague. Mais en attendant, la notoriété de Momo grandit, et son aura sulfureuse aussi…

De belles gueules de péripatétubeurs

Mais pourquoi appeler Momo alors ?

Vous connaissez le principe du « dare » ? Vous savez ce truc qui fait führer, pardon, fureur chez les ados : Truth or Dare ? Action ou vérité ? Osera, osera pas ? Alors les ados (et adultes en mal d’épanouissement) vont tester leurs limites, vont jouer à tromper la mort et le danger. Et c’est si bon de tromper la mort assis sur son derrière en appelant un numéro de téléphone en riant.

L’attitude (très réaliste) de toutes les victimes de films d’horreur : « Ah ah, rions pendant qu’on regarde la cassette vidéo maudite, qu’on va dormir dans l’auberge hantée, qu’on lit le livre maudit des morts, qu’on va dîner dans le village des bouseux, etc ». Et ensuite, c’est le drame…

Tiens, d’ailleurs, juste pour te faire éprouver ton taux de connerie adolescente cher lecteur, voilà quelques différents numéros d’accès à Momo:

+81345102539 / 573135292569 / +81345102539  / +5226681734379

Alors dis moi, cher lecteur, résisteras-tu à tester Momo ? As-tu eu envie de la tester ? Pourquoi et comment as-tu résisté à la tester ? Et dans le cas où tu as testé Momo, n’oublies pas de me dire à quel point tu t’es bien fait insulter comme un gros con, ça m’intéresse aussi.

Mais c’est vraiment dangereux Momo ?

Certains pointent du doigt les dangers d’un phénomène comme Momo pour les enfants ou les personnes fragiles.

Ben oui, évidemment c’est dangereux ! Comme quand les gamins (et adulescents débiles) se mettent à bouffer de la lessive avec le Tide Pod challenge. Oui bien sûr, c’est très dangereux la bêtise (ou l’innocence). Mais est-ce de la faute d’internet ? Ou est-ce plutôt parce que vos gamins ont de la merde dans le cerveau à force de regarder des youtubeurs débiles ? Et si ils regardent des youtubeurs débiles, n’est ce pas parce que leurs parents regardent aussi des trucs débiles (Hanouna, Ruquier, ou d’autres péripatéteurs de la télévision) ?

Le vrai premier danger est donc peut-être la nullité de l’éducation numérique des enfants, des ados (et des adultes). Car dans un environnement sain, qui se suiciderait à cause de Momo ? Et même avant ça, qui prendrait plaisir à se faire insulter sur What’s app ? Mais nous ne vivons pas dans un environnement sain (Hanouna serait privé de TV). Il nous faut donc trouver des solutions pour permettre à nos gamins de s’amuser avec Interner, sans tomber dans ces néo-légendes urbaines.

L’autre danger, conséquence du premier, c’est la sensation d’impunité du numérique. Pour le gamin non éduqué, What’s app crée un éloignement avec le danger. « Il ne peut rien m’arriver, je suis sur mon mobile, j’appelle avec une app que tout le monde utilise ».  La personne non avertie débranche son sens commun. Tout va bien se passer sur les internets, #frenchtech, #achatsecuriseenligne #rgpd #vieprivee. Le gouvernement nous protège… Et bien non, rien n’est plus faux, le gouvernement ne protège rien ! C’est à nous d’aiguiser de plus en plus notre sens radar de détection des arnaques sur le web car personne ne le fera pour nous.

Pire, nous arrivons à une phase de conjonction entre l’automatisation et les techniques de PNL. La PNL, c’est le hack du cerveau. Maintenant imaginez que le prochain métier à la mode soit celui de « Brain Hacker ». Celui qui saura lier des techniques de persuasion mentale à la force de l’automatisation. Celui qui saura faire des clones du Momo Challenge pour vous faire acheter du parfum, des fringues ou une émission de télé. Car ces brain hackers ont déjà leurs clients : publicité, hommes politiques, startups en phase d’acquisition de trafic seront les premiers à acheter leurs services. Il existe déjà aujourd’hui des dark patterns et nudges, résultats de ces brain hackers. Gageons qu’ils ne s’arrêteront pas en si bon chemin. Imaginez ces techniques utilisant l’interface d’un d’un chatterbot auto-apprenant, couplé à la puissance d’un base de données d’informations personnelles ? Vous avez là l’arme ultime pour déstabiliser (ou vendre à) un adolescent fragile, un adulte fragile, une classe de population fragile, un pays fragile.

Mais finalement Momo ça va faire peur longtemps ?

Ouf, non heureusement.

Car Internet est là aussi pour désacraliser (avec humour, lâcheté ou concupiscence). Gageons que Momo en fera les frais dans les prochains jours. En voilà déjà quelques exemples.

 

 

 

 

 

 

 

Momo par StellarKnight

Author: Cyroul

Explorateur des internets et créateur de sites web depuis depuis 1995, enseignant, créateur de jeux, bidouilleur et illustrateur. J'écris principalement sur les transformations sociales et culturelles dues aux nouvelles technologies, et également sur la façon dont la science-fiction voit notre futur.

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