Extension du domaine de la lutte : L’ère du hacking total

Minuit, hier soir. J’allais me coucher quand un petit RT de Gaetan m’a attiré l’oeil : « @LulzSec: Tango down – cia.gov – for the lulz.« . Effectivement, le site de la CIA ne répondait plus. Immédiatement les gens qui s’intéressent aux questions de sécurité informatique (hacking, cyberwar et toutes ces choses qui n’ont, pensez-vous, rien à voir avec le marketing, mais vous avez bien tort) se sont mis à donner leur point de vue. Il fallait faire le tri et prendre un peu de hauteur par rapport à cet évènement extraordinaire.
C’est chose faite avec cet article de Nicolas Moreau aka Nico_Dude qui bosse actuellement en agence et qui, pourtant, s’intéresse au hacking et aux mèmes. Comme quoi, ce n’est pas incompatible. Place au Nico.

Une évolution des rapports de force

Décidément les pirates de Lulzsecurity sont un caillou dans la chaussure de beaucoup. Après avoir semé le désordre et la panique sur une multitude de sites (entre autres ceux de Sony, de PBS, du sénat américain…) en faisant leaker pas mal de leurs infos au passage, les joyeux matelots-pirates-trublions du Lulz ont décidé de s’en prendre ni plus ni moins au site de la CIA (dont l’accès a été restauré). Simple DDoS ou Hack plus complexes, les investigations le diront, mais là n’est pas l’intérêt.

En effet, le rapport de force déséquilibré, le combat de David contre Goliath a toujours été présent en toile de fond dans divers haut faits de hacking.
Cette notion de déséquilibre a contribué à leur popularité et à leur visibilité auprès d’un public d’amateurs et de connaisseurs, soufflés par les prouesses techniques d’individus aux moyens limités (oui, les proverbiaux 3 types dans un garage, ceux là). Tout ceci, quelques soient leurs motivations, qu’elles relèvent du défi technique (quasi sportif), de l’activisme politique ou bien de la pure crapulerie.

Ces faits d’armes avaient habitué les quelques spectateurs attentifs du web à des combats opposant activistes et têtes brûlées en tous genres à des organisations, des entreprises, des états, des corporations, des administrations diverses et variées… Bref, des structures organisées ayant pignon sur rue, capables au mieux de vous offrir un job après avoir poursuivi vos potes en justice…au pire de simuler votre suicide dans un bois.

Ces luttes ont contribué à forger la mythologie des Hackers et hacktivistes. Des débuts glorieux de Captain Crunch et de son sifflet, jusqu’à Assange menant son infowar en passant par la fuite en avant perpétuelle d’un certain Kevin Mitnick.  Un schéma d’opposition classique de Frank Abagnale à George Hotz.

Là où les choses évoluent et deviennent intéressantes sont quand les hackers luttent entre eux. Si ces oppositions n’ont rien de très neuves, par exemple chez les channers, dans les milieux plus ou moins mafieux et entre gouvernements et groupuscules nationalistes, elles étaient rarement portées à la connaissance du public par comptes Twitter interposés.

Provocation – coup de pression

Quand des parties en présences se parlent et se menace en instantané, l’opposition prend un tournant spectaculaire et savoureux. Une tension déjà révélée depuis quelques semaines entre le @th3j35t3r et les joyeux drilles du groupe Lulzsec.


Le joker en question s’était déjà illustré plusieurs mois auparavant pour avoir provoqué des dénis de services concernant des sites liés à des mouvances islamistes radicales. Le pirate se présentant comme un ancien militaire patriote s’est aussi illustré lors de l’insurrection de Lybie en se livrant à des tentatives de déstabilisation du régime de Khadafi. Son crédo est simple : s’attaquer à toute menace possible tournée vers les états unis ou des entreprises appartenant à son tissu économique. Le pirate patritote avait déjà condamné et raillé les actions d’Anonymous les traitant de gosses, de script kiddies prétentieux et inexpérimentés.

A la formation de Lulzec début mai, le loup solitaire avait déjà été excédé par le ton débonnaire des croisiéristes, et, suprême provocation : leur usage de son vocable issu de westpoint –Tango Down – (Target Down) afin d’annoncer les attaques menée avec succès.


Durant tout le mois de juin, les protagonistes juraient qu’ils allaient en découdre. Jusqu’à cette attaque contre le site de la CIA hier qui, pour th3j35t3r, était l’offense de trop.


Comment va réagir le Joker, spécialisé dans la révélation de l’identité de ses détracteurs ?
Personne ne le sait encore mais sa réponse s’annonce musclée.

Au-delà de l’épiphénomène d’hier soir, des leçons à tirer de cette affaire sont plus importantes. Tout d’abord, le Web est bien devenu un champ de bataille comportant ses points chauds, ses armées et leurs bastions pour ceux qui en doutaient encore. La seconde étant un brouillage des frontières, une atomisation de divers groupes ou entités, sortant des combats tranchés habituels du type entreprises/gouvernement contre pirates  légitimistes/conservateurs contre Anonymous etc… De nouveaux groupes aux motivations plurielles et changeantes apparaissent, fragmentant et multipliant les lignes de front possibles de cette infowar perpétuelle.
Un état de fait, qui, espérons le contraindra les entreprises, organisations gouvernementales à s’adapter en bien (donc sans lois liberticides et avec transparence) aux us et coutumes de ces petites tribus d’internet. Des petites tribus soumises à cette économie de l’attention, où la mise en scène de l’affrontement compte autant que l’issue du combat.

Alors sortez le pop corn, si internet n’explose pas avant.

Author: Cyroul

Explorateur des internets et créateur de sites web depuis depuis 1995, enseignant, créateur de jeux, bidouilleur et illustrateur. J'écris principalement sur les transformations sociales et culturelles dues aux nouvelles technologies, et également sur la façon dont la science-fiction voit notre futur.

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