Changement Substack → Kessel

Après mûres réflexions, j’ai décidé de ne plus diffuser ma newsletter NovFut (nouvelles du futur) sur Substack. J’ai en effet appris que la plateforme hébergeait et (surtout) monétisait quelques newsletters au contenu orienté extreme-droite, voire carrément pro-nazi.

La démocratie, le nazi et le paradoxe de la tolérance

Fin 2023, des écrivains connus, habitués de la plateforme, ont publié une lettre ouverte aux fondateurs de Substack pour leur demander pourquoi ils se faisaient de l’argent sur des newsletters au contenu nazi.

L’un des patrons, Hamish Mc Kenzie, s’est alors fendu d’une réponse très “Silicon Vallee” qui raconte en bref que la liberté d’expression est fondamentale, et que ce sera encore pire si l’on commence à interdire les opinions extrêmes.

J’avoue avoir beaucoup réfléchi à cet argument parce qu’il n’est pas faux. Il est vrai qu’une attitude démocratique oblige à écouter toutes les voix (démocratie : faire participer tous les citoyens aux décisions publiques). Mais en même temps, doit-on autoriser des voix qui veulent détruire la démocratie ? Pour ma part, par exemple, je n’ai jamais compris pourquoi on autorisait Le Pen, qui veut détruire l’Europe, à être députée européenne ? Comme si on demandait à un rat affamé de garder la récolte de blé.

Il semblerait qu’on appelle ça, le paradoxe de la tolérance.
Dans son ouvrage The Open society and its enemies, le philosophe Karl Popper a ainsi décrit l’idée que « pour maintenir une société tolérante, la société doit être intolérante à l’intolérance » et a attribué ce paradoxe à la défense par Platon du « despotisme bienveillant« .

Ce paradoxe a fait réfléchir des générations de gens très intelligents qui se sont écharpés sans jamais avoir trouvé de solution. La preuve, nous avons toujours des Le Pen et Zemour à la télé.

L’hypocrisie ordinaire de la Silicon Vallée

On pourrait alors se dire que Substack est un modèle de conversation démocratique, seulement, Hamish a oublié de nous dire que la plateforme n’a aucun problème à censurer certains types de contenus (notamment porno). Il existe donc déjà une censure arbitraire, subjective, réalisée sur la plateforme.

Par ailleurs, Substack qui a levé des millions de $, est valorisé aujourd’hui entre 500 millions and 1 milliard de $. Il ne censure donc pas par conviction, mais pour ne pas déplaire à un maximum d’abonnés (payant).

Et effectivement, sa déclaration n’ayant pas calmé beaucoup de plumes qui sont partis de la plateforme. Aussi, montrant de la suite dans les idées (c’est ironique), Substack a fermé une centaine de newsletters nazis, en le faisant bien savoir grâce à une campagne de communiqués de presse. Ne rêvez pas, il n’a supprimé que les newsletters gratuites, il ne faudrait pas tuer la poule aux œufs d’or même si elle est habillée par Hugo Boss).

Il a même crié sur tous les toits qu’il rajoutait un bouton “signaler” pour permettre aux lecteurs d’avertir en cas de newsletter malsaine. Non mais vous imaginez des anti-nazis s’abonnant aux newsletters payantes des nazis afin de pouvoir les signaler avec le bouton magique ? De la pure hypocrisie libérale ordinaire.

Rendez-vous sur Kessel

Alors même si c’est long et fastidieux de changer de plateforme, c’est tout de même mieux que de rester dans un endroit où ça pue le cuir, la virilité et la connerie (c’est comme ça que l’extrême droite sent).
Ainsi donc, les prochains NovFut seront envoyées via la plateforme Kessel. Ne vous étonnez pas.

Kessel est une plateforme aux fonctionnalités quasi-similaires à Substack qui bénéficie en plus d’un nom très Science-Fiction. Rappelez-vous, on apprend dans l’épisode IV de Star Wars, que Kessel est une planète minière (d’épices) située sur la route hyperspatiale que Han Solo aurait fait en 12 parsecs avec le Faucon.

La carte de la route de Kessel. Indispensable pour échapper à l’Empire et aux nazis

Ca ne m’empêchera pas de continuer à lire les souvent excellentes newsletters de Substack. Car cette plateforme reste encore une source formidable d’informations et d’opinions souvent gratuites.

Une goutte d’eau dans un océan de faux culs

Bon, évidemment, ma décision est ridicule face au 35 million de souscripteurs actifs chez Substack (dont 2 millions payants).
Seulement, faut-il faire comme si c’était normal dans une démocratie de laisser des médias laisser des manipulateurs jouer avec les pulsions primitives de nos contemporains pour gagner du pouvoir, de l’audience ou tout simplement de l’argent ? Les laisser élargir la fenêtre d’Overton jusqu’à ce que l’humanité perde les quelques valeurs morales que 12 000 ans d’humanité ont tenté difficilement de nous apporter ? Bref, de faire comme si notre civilisation ne rimait à rien ?

Non, je ne trouve ça pas normal de gâcher le cadeau démocratique dans lequel nous vivons en laissant véhiculer des valeurs libérales complètement incompatibles avec la démocratie.
Car confirmer des racistes dans leurs opinions ne fait pas avancer la démocratie. Et ceux qui disent le contraire essaient de vous vendre quelque chose. Hein Hamish ?!

Aussi c’est notre responsabilité personnelle et individuelle de promouvoir et défendre un mode de vie basé sur la culture, l’art, le savoir et la recherche (et aussi le jeu, important ça le jeu) en fuyant ceux qui se font de l’argent sur l’abrutissement et le malheur. Ne plus utiliser des plateformes gagnant de l’argent grâce à l’apologie de la barbarie est déjà un premier pas. Pas forcément le plus visuel, mais c’est comme ça qu’on peut conserver son estime de soi.

Cyroul

PS : ça m’a donné envie de vous parler de Science-Fiction et de totalitarisme dans un prochain numéro de NovFut. Je le rajoute dans ma pile.

Références :

Author: Cyroul

Explorateur des internets et créateur de sites web depuis depuis 1995, enseignant, créateur de jeux, bidouilleur et illustrateur. J'écris principalement sur les transformations sociales et culturelles dues aux nouvelles technologies, et également sur la façon dont la science-fiction voit notre futur.

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