Le Temps Internet et le Temps Marketing sont ils incompatibles ?

Cela fait maintenant quelques années que je critique le manque d’adaptation des agences de communication face au digital. Ce serait idiot de continuer avec les mêmes arguments (méconnaissance d’Internet, inexpérience sur ce sujet, aucune capacité d’anticipation, etc.) car les agences ont évoluées.

Oui, oui, j’avoue. Depuis 2 ans, les agences ont, soit racheté des boites spécialisées (des pure players-web agencies), soit internalisé des compétences digitales. Elles ont également presque toutes embauché un planner stratégique spécialisé dans « l’Internet » (oui c’est bien l’ex-stagiaire), ou un planner digital ou un web strategist. Au pire, elles ont recyclé leurs vieux planners stratégiques comme spécialiste du digital (« quoi ? ils ont tous un compte Facebook, donc c’est des pros du truc là, le social media non ? »).

Fortes de ces nouvelles compétences, les agences proposent donc toutes aujourd’hui de la « stratégie digitale » (qu’elles vendent ou offrent gracieusement à leur client).

Mais est-ce suffisant pour clamer haut et fort une digitalisation du métier ? Je ne le pense pas. Tout simplement parce que le temps publicitaire et le temps marketing sont différents. Petite démonstration (courte, j’essaie).

Le temps marketing, un temps structurel

La création d’un projet marketing qu’il soit print, radio, tv, et même web obéit à des contraintes structurelles fortes au sein d’une agence.

Règle n°1 : un projet doit rapporter de la marge

N’en déplaise au glamour Cannois de la publicité, celle-ci est une industrie et par là-même se doit d’être rentable. Hors, envoyer ses créatifs à Cannes, se payer des locaux sur les Champs Elysées, et payer des voitures de fonction à ses super-commerciaux-associés, tout cela a un prix.

Donc la publicité doit gagner de l’argent. Et pour gagner de l’argent, on utilise la notion de « marge« . La marge c’est la différence entre ce que paie le client (l’annonceur) et ce que ça coute réellement pour l’agence (on parle dans ce cas de « marge brute »). Grâce à cette marge brute, on pourra payer les salaires de ceux qui interviennent sur le projet (créatifs, chefs de projets, commerciaux, …), mais aussi ceux qui font tourner la boite (administratifs, logistique, … ).

Et plus une agence veut gagner de l’argent, plus elle va chercher à faire de la marge. Alors, elle va (consciemment ou pas) proposer au client des processus projets longs, faisant intervenir un maximum de personnes. Oui, vous savez maintenant pourquoi vous retrouvez à des réunions de préparation d’un site web de campagne avec le directeur associé de la boite qui n’y comprend rien. Il est vendu pour ça, pour faire de la marge.

Les agences ont donc besoin de processus projet longs et complexes, faisant intervenir de très nombreuses compétences afin d’être rentables. C’est une obligation, on n’y coupera pas.

Règle n°2 : le client est roi. Roi, pas R.O.I.ste

La pire des leçons que l’on peut apprendre au sein d’une (mauvaise) agence est « le client est roi« . Car hélas, l’agence est tellement dépendante (financièrement et statutairement) de certains de ses clients annonceurs, qu’elle est capable de s’aplatir (et de forcer ses salariés à s’aplatir) devant des clients qui ne sont ni plus malins, ni plus expérimentés qu’elle, bien au contraire.

Car je ne le redirai jamais assez, la qualité d’une campagne dépend de l’annonceur, et pas de l’agence. L’agence fait son travail d’intermédiaire, mais c’est toujours le client qui décide et qui a le dernier mot. Et quand le client n’y connait rien en digital (c’est très souvent le cas, sinon il ne ferait pas appel à une agence), il va choisir ce qui lui parle le plus, c’est à dire un mini-site ou Facebook, éventuellement Twitter, une campagne de liens sponsos et de la bannière si il a du budget. Bref, tout sauf du stratégique, du tactique o du créatif.

Quand on rajoute à ça l’impossibilité de parler de ROI (retour sur investissement) devant des clients ex-publicitaires vielle école (qui ne comprennent tout simplement pas cette notion), l’agence se retrouve à faire des « stratégies digitales » copier/coller pour un client qui ne demandera jamais plus. Bref, des campagnes sans stratégies.

Et pendant ce temps, le digital n’attends pas

Voilà une infographie sympa réalisée par les designers chinois de Go-Globe, qui résume ce qui se passe en moyenne pendant 60 secondes sur Internet.

Elle est très explicite, donc je ne rajouterai pas grand chose. A part : what a life !

En conclusion, le process publicitaire n’est pas fait pour la publicité digitale

Quand l’annonceur travaille avec une agence de publicité, il récupère une stratégie digitale longue et lourde à développer (il faut bien payer l’agence), sans correspondre véritablement à ses véritables besoins car n’ayant aucune notion de ROI, il n’en exigera pas (en dehors du traditionnel « page vues » obsolète). En conclusion, il va récupérer une campagne de merde, alors même que tous les acteurs en place ne font que leur travail et essaient de le faire bien.

 

Et pendant ce temps là, Internet aura déjà changé, les consommateurs internet seront peut-être déjà passé à autre chose, de nouvelles tendances seront apparues et ses concurrents auront peut-être lancé des services innovants. Mais une chose est certaine : il aura manqué des opportunités.

Mais alors que faire ?

Une bonne question qui est déjà posée par certaines agences intelligentes.

Pour l’instant, on voit deux réponses émerger :

  • Changer les process internes de l’agence pour enlever les inutiles et au contraire intégrer des ressources forces de proposition. Une révolution dans une agence (vous vous rendez compte, pour le pauvre directeur associé qui a passé sa carrière à essayer d’être boss à la place de son boss et qui se voit refuser l’accès à des réunion stratégiques tout simplement parce qu’il n’est pas compétent ?). Mais aussi une révolution chez l’annonceur qui devra changer ses habitudes (ce que seules certaines marques ont compris pour l’instant) et intégrer la notion de « validation rapide ». Oui, c’est un rêve, mais certaines agences travaillent déjà sur ces idées.
  • Créer une structure légère au sein de l’agence, une structure dédiée à du conseil stratégique sur Internet, capable elle aussi d’être force de proposition et d’évangéliser digitalement le client. Avec un P&L dédié, cette structure plutôt autonome, coutera donc moins cher à l’agence, et pourra donc bénéficier de plus de rigueur et d’audace sur ses prestations.

On ne sait pas encore si ces 2 modèles sont durables. mais ce qui est certain c’est que les agences qui les expérimentent sont en train de prendre de l’avance sur les autres.

Ce serait intéressant de savoir lesquelles. Alors n’hésitez pas à remplir les commentaires et nous dire si votre agence est dirigé vers le futur ou vers le passé de la com Internet.

Author: Cyroul

Explorateur des internets et créateur de sites web depuis depuis 1995, enseignant, créateur de jeux, bidouilleur et illustrateur. J'écris principalement sur les transformations sociales et culturelles dues aux nouvelles technologies, et également sur la façon dont la science-fiction voit notre futur.

5 thoughts on “Le Temps Internet et le Temps Marketing sont ils incompatibles ?

  1. l’idée même de « validation rapide » par le client, il y a de quoi faire bander tous les web-marketeux, là, bons ou mauvais d’ailleurs…

    Combien de campagnes mal timées ou foutues en l’air parce que le client met 1 mois à valider une propale demandée à la bourre et qui prévoyait le début des opérations assez rapidement ?

    1. C’est vrai que le client a une immense responsabilité. Mais c’est aux agences de s’adapter pour le forcer (ou plutôt l’inciter) à accélérer ses process.

      Et au pire, si le client n’y arrive pas tout seul, il sera bien obligé de le faire quand il verra ses concurrents se développer plus vite que lui. 

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