Piggy Bank Adventure: Disney aide vos enfants à économiser (sic)

On peut aimer ou critiquer Disney, mais on ne peut dénier la capacité de cette marque à contrôler leur image. L’étude des pratiques de communication de ces dinosaures de la pub à gros budgets nous donne souvent une idée de l’état d’avancée en marketing digital de ces gros annonceurs à moults niveaux hiérarchiques et direction de la communication.

Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir que Disney venait de lancer Piggy Bank Adventure, une copie du jeu Get the glass, réalisé en 2007. 3 ans après, Disney se met donc aux advergames beaux et sérieux. Allez hop, petite critique express.

Historique

Vous vous rappelez Get the Glass ? Ce jeu créé par les suédois de North Kingdôm nous permettait de rentrer dans la peau d’une famille de sympathiques brigands, les Adachi, qui devaient résoudre des problèmes liés à la non consommation de lait. Le but de cette campagne américaine étant de promouvoir le lait (dans la continuité de la campagne Got Milk).

Le résultat de la campagne a valu une foule de récompenses amplement méritées pour les NorthKingdom (FWA 2007, de l’or à Cannes, London International Awards, One Show Interactive, New York Festivals, Webby Awards, etc…). Pourquoi méritées ? A cause de l’originalité de la campagne, sa prise de risque marketing, son gameplay irrésistible et son design sublime. Personne n’avait encore fait ça.

Walt Disney Parks and Resorts Online et T.Rowe-Price (des fonds d’investissements internationaux) ont donc décidé de créer un jeu marrant pour apprendre la finance aux enfants. Et ils ont choisis les meilleurs, enfin les plus récompensés pour faire…

Une copie quasi-conforme

Le premier constat qui s’impose en jouant à ce jeu, c’est la complète similarité avec « Get the glass ». Même concept de départ : un jeu de plateau constitué de cases sur qui déclencheront des cartes-évènements qui le favoriseront ou non dans la réussite de ses objectifs. Les personnages avanceront grâce à un dé qu’il faudra lancer avec la souris à chaque tour. Simple, extrêmement jouable avec la souris, et sans obligation de cliquer comme un malade ou un pro de FPS (c’est souvent les mêmes).

Dans Piggy Bank, le joueur est là pour acheter l’objet de ses rêves en économisant son argent et en le plaçant de façon judicieuse dans des tirelires cochons. Des mini-jeux à la fin de chaque parcours lui permettront de gagner encore plus d’argent, sauf si il se fait piquer ses truffes (oui, c’est plus joli que dollars) par le méchant loup de l’inflation.

On retrouve la patte du studio de création Suédois qui a réalisé une maquette splendide qu’on aimerait prendre le temps de visiter.

Je vous conseille d’ailleurs d’aller voir les étapes de la fabrication de ce jeu pour constater le soucis du détail et l’immense créativité de cette agence.

Bref, tout pourrait être pour le mieux. Sauf que ce jeu déçoit rapidement pour différentes raisons.

Une copie low-tech et low-design

La première fois que j’ai joué à Get the glass, j’ai du rester 30 minutes sur le jeu, ce qui est beaucoup pour un advergame. La deuxième partie, j’y suis resté plus d’une heure. Avec Piggy Bank Adventure, vous aurez du courage si vous tenez plus de 10 minutes.

Déjà c’est lent !

Mais lent… J’y ai joué un début après-midi (hors créneau horaire américain), et ça ramait douloureusement. Ce qui est vraiment dommage pour un jeu si beau. La faute aux serveurs de Disney sur lesquels est hébergé le jeu ?

Du design fourre tout

Get the glass était étonnant, car à l’époque du tout 3D ou 2D, il réussissait à mélanger les techniques tout en gardant une exceptionnelle cohérence graphique. C’était effectivement exceptionnel, car ils n’ont pas réitérer cet exploit. Là, le mélange Dessins + prises de vue réelles + 3D, ne passe pas. En plus, le orange « j’ai gagné à la loterie avec bingocrédit » n’aide pas.

Le résultat semble incohérent, comme si plusieurs équipes avaient bossé sur le projet. Et d’après NorthKingdom, c’est effectivement le cas : « we set out to develop the game together with the creative team at Walt Disney Parks and Resorts Online. » Pas facile de travailler avec client qui se veut créatif…

Des personnages sans intérêt

Au début de l’histoire, il faut choisir son personnage. Seulement, ces personnages n’ont aucune histoire (au contraire de Get The Glass). Alors quoi, je les choisis juste parce qu’ils me ressemblent ? Mince…

Des mini-jeux inintéressants au possible

Chaque fin de parcours nous amène à un mini-jeu d’arcade où il va falloir récolter des truffes en évitant le loup. On retrouve un jeu de plateforme, un jeu à la pac-man et un jeu de placement au fonctionnement aléatoire. L’idée était bonne. Casser le rythme du jeu et multiplier les moyens de capter l’attention du jeune visiteur. Mais une fois de plus, la sauce ne prend pas. Lenteur du jeu, petits bugs (le pathfinding du pacman est une horreur), et une fois encore des divergences de design. Dommage.


Pour un propos dérangeant

Que disney et une boite d’investissement américaine apprennent à ma gamine comment se servir de son argent, cela me dérange beaucoup. Dans les questions (j’ai joué avec elle jusqu’au dernier niveau), on ne trouve pas trace d’investissement durable ou de notion d’investissement humain. Ah si, une question « une petite fille se casse la figure et pleure, que fais tu ? » dont la bonne réponse est « tu attends et tu la réconfortes jusqu’à ce que sa mère arrive et elle te file du blé« … Dans ce jeu, on n’est pas gentil par principe ou valeur, mais pour du pognon.

Là dessus, il est vrai que l’aspect pédago-finance est bien réussi. Notamment sur le choix des investissements. Il faut choisir entre 3 tirelires plus ou moins valorisantes pour votre argent. C’est assez malin et intelligent. Sauf qu’il n’y a pas de notion d’humanité des « fonds d’investissement » dans ces choix.

Et non, j’ai l’impression que morale et finance ne se mélange définitivement pas dans ce jeu. Ceci dit, je serais un bien mauvais parent si je laissais Internet et Disney éduquer ma gamine…

En conclusion: un jeu moyen, mais qui annonce des lendemains ad-ludiques

En dehors de l’aspect moral dérangeant, et de la qualité inférieur au jeu de 2007, j’ai été frappé par la volonté de Disney de créer et promouvoir une expérience ludique sur sa propre plateforme. Cela faisait longtemps que ça ne s’était pas produit.

En 2006-2007, le monde publicitaire digital commençait à expérimenter autre chose que la bannière sur Internet. Les advergames sont vite devenus à la mode car ils avaient l’avantage de combiner création de trafic et message publicitaire. Puis la crise arriva, et on arrêta de jouer sur Internet pour faire uniquement du trafic (ou du nombre de fans via des jeux facebook nazes). Ce fut bien triste : de nombreuses boîtes de qualité, dont c’était le modèle économique ont mis la clé sous la porte.

Mais si Disney se remet à faire ce genre de jeu (budget conséquent, ambitions créatives), alors peut-être que cette mauvaise période est en train de s’éloigner. Peut-être que les gros annonceurs vont se remettre à investir dans des expériences interactives de bonne qualité (sur Facebook ou ailleurs). Et peut-être qu’ils vont lire la récente annonce des résultats de Zynga et comprendre que le ludique, c’est un métier de professionnel, pas de marketeux, ni de communicants. On y croit hein ?

Cyroul

Explorateur des internets et créateur de sites web depuis depuis 1995, enseignant, créateur de jeux, bidouilleur et illustrateur. J'écris principalement sur les transformations sociales et culturelles dues aux nouvelles technologies, et également sur la façon dont la science-fiction voit notre futur.

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Une réflexion sur « Piggy Bank Adventure: Disney aide vos enfants à économiser (sic) »

  1. « Un malade ou un pro du FPS (c’est souvent les mêmes) » .. oO ho le cliché.. :p (j’espère que c’était ironique)

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