La reco digitale pour les nuls

Même si il m’arrive toujours de travailler pour des agences, je me retrouve de plus en plus souvent du côté des annonceurs pour l’aider à choisir le meilleur prestataire et surtout de lui éviter de faire appel à un truand moyen lors d’un appel d’offre digital.

Car j’ai rarement vu autant d’agences  truander leurs clients sans aucun scrupule : des petits auto-entrepreneurs CEO d’eux même jusqu’aux grosses agences de pub qui ne reculeront devant rien pour vous prouver qu’ils sont les meilleurs pour vous vendre des choses dont  vous n’avez pas besoin.

Je vous propose donc ce mois-ci le b.a.-ba  de l’écriture d’une recommandation digitale :

  • pour aider les annonceurs à mieux réfléchir lors de la sélection de leur agence
  • pour aider les agences inexpérimentées à mieux faire leur boulot
  • pour les étudiants qui m’ont déjà posé la question

Alors évidement, il s’agit d’un modèle de base. Les meilleures agences iront nettement plus loin, elles changeront l’ordre des parties, détailleront et rajouterons même d’autres parties pour, certaines fois atteindre l’état de grâce de la recommandation parfaite. C’est toujours des équipes expérimentées et motivées qui y arrivent.

Si ce n’est pas le cas chez vous, forcez-vous à suivre ce simple canevas. L’important c’est qu’il y ai au moins ça pour prouver à l’annonceur que vous avez bossé. Bonne reco !

1- Le contexte 

context2C’est un peu la base. Montrer que vous avez compris d’une part la marque de votre client, mais aussi sa problématique.

Trop de « recommandations stratégiques » commencent encore par la présentation de l’agence. Mais le client n’en a (normalement) rien à battre de l’agence. Il est là pour vérifier si vous avez bien compris son problème et si vous êtes capable de le résoudre.

Cette partie devrait donc comporter 2 sous-parties :

  1. le contexte : facile le contexte ? Non. C’est là que le planneur stratégique et le planner digital peuvent bosser main dans la main (si ils sont deux). Car le contexte est double. Il y a d’une part celui de la marque, de l’entreprise et son modèle économique. Et d’autre part il y a celui de l’environnement Internet. Les nouvelles problématiques de comportements et d’usages. Etre capable de raconter un contexte crédible sans taper sur des études bullshit trouvées à la va vite sur de mauvais blogs, c’est déjà une preuve de qualité. Et puis, il faut sortir des informations utiles. Les slides inventés du genre « 80% des français connectés en 3G utilisent leur mobile disent utiliser facebook« , on n’en pas grand chose à faire.
  2. la problématique : celle-ci doit être un résumé quasi mot pour mot de ce que vous avez lu/compris dans le cahier des charges. Mais attention cette problématique doit bien s’intégrer derrière le contexte. Le client doit trouver ça fluide et naturel. Demandez à votre planner de vous écrire ça correctement, c’est son job.

2- les enjeux 

theres-your-problemJe l’aime bien cette partie. C’est en effet le moment où l’on vérifie que la lecture de l’appel d’offre a été attentive et si les échanges de questions/réponses au client ont été bien pris en compte.

C’est pour moi le moment culminant de l’Appel d’Offre. Certes, on l’a introduit avec la sous-partie « problématique », mais là on va encore plus loin en donnant les enjeux incontournables pour la marque. C’est à dire tout simplement les raisons pour lesquels l’agence est là. Ou plutôt les raisons exactes qui ont été comprises et reformulées par l’agence.

Si vous êtes incapable de les mettre sur papier, c’est que votre planner stratégique, ou votre stratège digital n’a pas bien fait son travail (ou qu’il n’a pas été écouté, mais c’est un autre problème). Dans ce cas, votre recommandation part avec une balle dans le pied. Vous allez apporter une réponse à un problème que vous n’avez pas su définir.

Certes, vous pouvez utiliser cette stratégie, mais dans ces cas là, les seules agences qui peuvent gagner sont les agences hyper-créatives aux commerciaux ultra efficaces. Et elles ne gagnent en réalité que devant des jury d’annonceur hyper-juniors en digital, qui vont gober l’effet Wahoo au premier degré (souvent, ils le regrettent des années après).

3- Votre solution

creativity-demotivational-poster-1225392109Vous avez listé les enjeux, maintenant dévoilez votre (vos) solution(s). Là, chacun a sa propre formule pour épater le client. Pour ma part, je préfère les démonstrations rationnelles (d’abord une vue d’ensemble puis on détaille les éléments du dispositif), mais d’autres approches marchent très bien également. Chacun la sienne. 

L’important dans cette partie c’est d’être en accord avec les enjeux vus précédemment. Si après la présentation ou la lecture de votre solution, le client se dit que vous répondez à tous les enjeux, vous avez gagné…. le côté rationnel.

Car il reste le côté émotionnel à ne pas oublier. Là, c’est votre directeur de création qui se doit de prendre le lead. C’est lui qui, en parfait accord avec votre planner digital (ils sont censés pagayer dans le même sens), va amener un sentiment, une émotion très particulière qui va irriguer la reco et imprégner votre solution.

Cette émotion sera celle que le client ressentira à nouveau quand il relira votre recommandation plus tard, et c’est celle qu’il voudra que ses client/consommateurs ressentent également quand ils auront affaire à sa marque. Un truc inoubliable. Et rarement rationnel. Au boulot le directeur de création, tu es payé (grassement) pour ça.

4- La mesure des résultats

Facebook-3Absente à 90% des recommandations des agences soit disant « spécialisées », la partie mesure des résultats est pourtant l’un des points indispensables à aborder.

Vous ne pouvez pas imaginer le nombre d’arnaques que j’ai pu lire ces 3 dernières années par le biais de mes clients. J’ai même vu récemment des sites médias faire des recommandation d’affichage publicitaire sans fournir aucun moyen de vérification de leurs (toujours fabuleuses) statistiques de fréquentation pour leurs clients. Vous imaginez ? Le même genre de recommandations foireuses qu’en 1998 à l’époque de la bulle.

Alors forcément, dans ce néant d’intelligence, l’agence juste un peu filoute peut faire son effet avec de jolis termes comme « mesure de l’engagement » ou encore « calcul du ROI de l’opération« . Sauf que la plupart du temps, c’est aussi du n’importe quoi. Je vous engage à relire Facebook + Ads = Nothing pour comprendre de quoi je veux parler.

Chez Curiouser (ma boite), on engage nos clients (annonceurs) à poser les bonnes questions sur les mesures. Quoi mesurer ? Pourquoi mesurer ça ? Et est-ce cohérent avec les fameux enjeux ? Tout le reste est du bonus, ou de la poudre aux yeux. Il parait que ça améliore drastiquement la sélection d’agences de qualité par nos clients.

Mais heureusement pour les autres agences, il y a encore plein d’annonceurs fortunés et un peu cons qui aiment les dashboards colorés avec des nombres de clics, des nombres de hashtags et des taux d’engagement.  De grands enfants… Tant qu’ils ont de l’argent à gâcher.

5- L’aspect technique

tech-supportLà on aborde la partie « comment ça marche » de la reco. A ce moment précis, les 2/3 du jury s’endorment et le petit mec bizarre qui disait rien depuis le début commence à poser des questions avec sa voix de fausset. Oui, c’est bien lui l’expert technique (souvent le gars embauché il y a 15 ans comme webmaster et qui gère maintenant des gros serveurs en ayant fait une formation de 2 semaines payée par Microsoft sur .net).

Forcément, votre recommandation technique doit être parfaite. Mais hélas le petit mec bizarre n’a jamais été capable de répondre à vos questions techniques préalables – peut-être un peu trop techniques pour lui mais il ne l’avouera jamais. Mais dans ce cas, pas de panique. Montrez lui que vous l’avez compris :

Essayez de lui faire faire le moins de boulot possible: créez des systèmes facilement exportables, utilisez un max d’outils non-propriétaires (ne vous branchez pas sur son .net sous peine d’exploser votre budget dev). Et fin du fin, ajoutez un budget plus ou moins gros d' »adaptation au système » qui vous permet  d’anticiper les problèmes de comptabilité avec le système du client. Avec ça, vous êtes tranquille et le petit mec bizarre aussi. Il vient de prouver à sa direction qu’il parlait technique tout en étant assuré qu’il ne s’occupera de rien.

6- La fin

in-the-end-old-truth-best-demotivational-postersC’est le moment de se dire au revoir. On passe en revue les classiques : l’équipe, le budget, le planning, etc.

Pensez à finir votre recommandation avec un « pourquoi nous choisir« , ça permet de conforter l’annonceur dans son choix avec quelques arguments simples. Ce dernier slide est fondamental. Laissez une trace indélébile, si possible, dans la mémoire de votre future client.

Et puis, la recommandation terminée, allez boire un verre avec toute l’équipe, vous l’avez mérité. Même si la reco ne passe pas, vous avez tout donné. Félicitez-vous, aimez-vous, buvez de la bière. Ceci est impératif !

En conclusion 

Forcément, il y a plein de raison pour qu’un annonceur ne vous choisisse pas dans le cadre d’un appel d’offre:

  • La première raison, c’est que votre recommandation n’est pas la meilleure. Là, vous n’avez pas grand chose à faire, en dehors de vous perfectionner encore et encore (ou alors de baisser vos tarifs en virant le directeur associé aux honoraires abusifs qui n’a servit à rien dans la reco).
  • La deuxième raison, c’est que l’annonceur est un fils de pute qui vous a utilisé pour:
    1. soit faire un benchmark des opérations possibles avec leurs budgets moyens, histoire de préparer son plan d’action pour l’année prochaine. Cet appel d’offre n’aura donc aucun gagnant. Une pratique lamentable que j’ai vu pratiquer à de nombreuses occasions (à quand la liste noire des annonceurs ?).
    2. soit justifier l’appel d’offre qui a déjà été offert à un ami de l’annonceur. Une technique très très souvent utilisée dans les appels d’offre publics où les décideurs n’en ont strictement rien à faire du résultat de leur sélection et où le copinage règne. Vous avez vu, je ne cite personne (merci Macron). Mais j’ai des noms. Fils de pute va.

Et il existe encore moults raisons de perdre. Mais nous le savons tous, car sans ça, où serait le fun de la compétition ? 

Dan Heisman, un champion d’échec renommé disait « N’ayez pas peur de perdre, craignez plutôt de jouer une partie sans en apprendre quoi que ce soit. » Il aurait pu se lancer dans l’écriture de recos vous ne croyez pas ?

Cyroul

Explorateur des internets et créateur de sites web depuis depuis 1995, enseignant, créateur de jeux, bidouilleur et illustrateur. J'écris principalement sur les transformations sociales et culturelles dues aux nouvelles technologies, et également sur la façon dont la science-fiction voit notre futur.

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Une réflexion sur « La reco digitale pour les nuls »

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