Coup de coeur : En mer de Drew Weing

NDC: Non vous n’êtes pas sur blogmavie.com mais j’avais vraiment très envie de vous faire partager cette BD. Vous retrouverez du marketing digital dans les prochains articles.

La Bande dessiné est un art. Ceux qui vous disent le contraire n’en ont pas lu (et ceux qui vous disent que c’est un marché n’en ont pas lu non plus). Hergé, Franquin, Eisner, Bisley, Moëbius et beaucoup d’autre ont hissé l’art du Mickey à des hauteurs incroyables (et pourtant toujours pas de musée de la BD à Paris, tssss !). Mais hélas la BD est aussi un marché. Et depuis la moitié des années 80, des fortunes se créent en vendant très cher des bouses qui ne valent rien, et au contraire en bradant de petits bijoux de narration visuelle pour se faire encore plus d’argent.

Dans ce fatras de productions d’un niveau plus qu’inégal, il est difficile de s’y retrouver et encore plus difficile de trouver la perle rare. J’ai eu la chance la semaine dernière de la trouver dans une petite librairie de la ville d’Ivry où s’empilaient pêle mêle des ouvrages sur le communisme, les femmes, les voyages, … Joli capharnaüm dans lequel je suis tombé en arrête devant un petit bouquin à la couverture bleu, un voilier dessiné en couverture. Le tirte : En Mer. L’auteur : Drew Weing. Un récit qui nous parle de poésie, de marin, de pirate, d’expériences, de livres, de vieillesse, de vie quoi.

Des dessins sublimes…

L’art séquentiel est une discipline à part entière, littéraire et graphique qui traite de l’agencement d’images et de mots pour raconter une histoire ou adapter une idée. (In. Will Eisner, Les clés de la Bande Dessinée). Cet art n’est pas facile et j’admire ceux qui y excellent.

Et les dessins de Drew Weing sont sublimes. Non, pas du dessin brouillon hyper-maitrisé à la Crumb ou du croquis rapide imprégné d’humour et de talent à la Boulet ou à la Trondheim, pas non plus de la ligne claire à la Hergé. Et pourtant un peu de tout ça. Du faux brouillon, de la fausse illustration facile pour enfant.

On se rapproche beaucoup des dessins de Frank Le Gall sur Théodore Poussin : du dessin chargé d’émotion, chaque case pouvant se laisser regarder pendant de longues minutes. On y sent une maitrise absolue de la technique plume en noir et blanc. Que ce soit pour les personnages caricaturés, les lieux chargés d’impressions ou les bateaux, magnifiquement présents. J’en suis resté sans voix (et pourtant vous savez à quel point j’aime critiquer).

L’invitation au voyage et à la réflexion

La mer est un sujet complexe, et beaucoup se sont ramassés sur ce sujet en essayant de le traiter en BD. Pour un François Bourgeon (Les passagers du vent), combien de caravelles biscornues, de galions au nombre de voiles surgonflé. Sans compter les histoires niaises de pirates caricaturaux venus des Caraïbes de Disney ou de marins qui tiennent plus de Popeye que de Corto Maltese. Donc peu de réussites sur l’eau en BD. Peut-être la faute à ces réussites justement (Corto Maltese et Théodore Poussin entre autres) qui ont tellement façonné l’imaginaire marin dans la tête des lecteurs qu’il devient difficile d’y implanter une nouvelle interprétation.

Drew Weing réussit ce tour de force en nous racontant une histoire, véritable roman illustré, digne croisement entre The Sea-Wolf de Jack London et le Long John Silver de Björn Larsson. Ou plutôt si il fallait vraiment lui trouver un équivalent, ce serait Le Capitaine et les Rêves du même Björn Larsson (que je conseille fortement à tous les amoureux de la mer).

Homme libre, toujours tu chériras la mer

Baudelaire

Car le voyage maritime se déroule aussi à l’intérieur. La mer donne, la mer prend. C’est une évidence, mais qui ne peut être pleinement vécue qu’en voyageant sur un bateau. Et pas le bateau à moteur qui ressemble juste à une voiture plus confortable, non, avec un bateau à voile, dépendant du vent, des éléments. Un bateau où l’on peut mourir et où la discipline est indispensable pour éviter que cela arrive. Un bateau où l’on travaille pour survivre, et où les moments calmes sont autant de plaisirs à chérir. Uniquement sur un bateau à voile peut-on véritablement comprendre que l’on ne sait rien de la vie.

Que nous ne sommes rien, si nous ne vivons rien. Que la moindre baleine aperçue un matin brumeux à la proue vaut tous les spectacles du monde. Ce sentiment est complexe, et si on l’éprouve le temps d’une navigation, d’un voyage, il est rare de réussir à garder cet état d’esprit quand on revient à nos occupations quotidiennes : enfants, projets, clients, administration, etc. qui peuvent aussi ressembler aux barreaux plus ou moins dorés d’une cage que l’on se construit soit-même. Serait-il bien sérieux de mourir ainsi, le cul sur sa chaise à cotiser pour une retraite que l’on ne verra peut-être jamais à force de manger du Mcdo irradié ?

La puissance de cette BD réside dans sa faculté à vous faire replonge dans ces réflexions sur la vie, habituellement réservées à vos moment de détente sur le pont d’un voilier (autant dire que ça m’arrive une fois tous les 10 ans). En Mer de Drew Weing trouve donc une place de choix das le rayon marine de ma bibliothèque à côté du Merrien (Le dictionnaire de la mer) autre œuvre poétique.

Tabarly disait : Naviguer est une activité qui ne convient pas aux imposteurs. Dans bien des professions, on peut faire illusion et bluffer en toute impunité. En bateau, on sait ou on ne sait pas.

Et là, je me rend compte que je ne sais plus faire de nœud de vache. Il faut que je prenne des vacances… En mer si possible.

(a lire aussi une bonne critique sur ActuaBD).

Author: Cyroul

Explorateur des internets et créateur de sites web depuis depuis 1995, enseignant, créateur de jeux, bidouilleur et illustrateur. J'écris principalement sur les transformations sociales et culturelles dues aux nouvelles technologies, et également sur la façon dont la science-fiction voit notre futur.

4 thoughts on “Coup de coeur : En mer de Drew Weing

  1. T’as pas lu Bone ?! Tu sais que c’est un trou non négligeable dans ta culture comics au moins (à lire en N&B par contre, donc se rabattre sur la VO, vu que en VF, ça a été colorisé) ? Et oui, Crimson, jusque-là j’aime assez, le dessin y étant en effet pour beaucoup (ça change de ce qui se fait dans le genre).

  2. Hehe. Je ne sais pas, j’ai pas lu Bone.
    Et tu vas bien t’amuser avec Crimson. Humerto Ramos s’éclate au dessin et ça se voit. Encore meilleur que DV8.

  3. Le dessin a quelque chose du trait de Jeff Smith je trouve, du moins dans les cases que j’ai pu voir. Damned, je reviens à peine de ma librairie BD, après y avoir laissé mes plus avec les 4 TPB de Crimson. Si j’avais lu ça plus tôt, j’aurai ajouté la bête à ma liste d’achat

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