Ne peut-on vivre que de virtuel ?

Cette question (à laquelle je n’ai pas la prétention d’apporter une réponse), sera je pense, au centre des débats des prochaines années. En attendant ce futur débat, il est déjà intéressant de se demander ce qui motive un joueur de monde virtuel à passer autant de temps dans une construction visuelle, sonore et émotionnelle, faite d’électrons.

Quel intérêt trouver à parcourir Second Life ou Kaneva ? Pourquoi passer autant de nuits sur WOW ? Quel idée de décorer sa chambre sur Gaia ? Quels processus mentaux vont permettre à un être humain de passer plus de la moitié de sa vie, les yeux rivés sur son écran à vivre une autre vie par procuration ?

Afin d’essayer de répondre à cette question je suis parti de la base, c’est-à-dire de la théorie de la pyramide des besoins d’Abrahma Maslow élaborée dans les années 40. Cette théorie est évidement critiquable, mais elle a le mérite de poser une base de travail stable. Selon Maslow, l’homme recherche à satisfaire 5 types de besoins hiérarchisés. Il commencera par les besoins les plus importants (les besoins physiologiques, et les besoins de sécurité), avant d’essayer de satisfaire des besoins plus immatériels (les besoins de reconnaissance et d’appartenance sociale, les besoins d’estime et enfin, les besoins d’auto-réalisation).

A partir de cette hiérarchie simple, j’ai cherché à voir où les mondes virtuels pouvaient intervenir. Ca a donné le schéma ci-dessous.

Pyramide Maslow virtuelle

Il s’avère, selon moi (mais je suis ouvert à toute critique) que les mondes virtuels peuvent subvenir aux 3 derniers besoins de l’être humain : besoins de reconnaissance et d’appartenance sociale, besoins d’estime et besoins d’auto-réalisation.

Attention, je ne parle pas du tout de « qualité » de réponse à ces besoins. Ce critère de qualité (ma vie réelle est meilleure que ta vie virtuelle) est, je pense, assez difficile à mesurer : allez me dire quel statut social est le plus valorisant ? Chef d’atelier chez Uzinor, professeur de mathématiques de collège ou bien nain barbare niveau 54 sur WOW, ou encore Top modèle sur SL ?

Evidement ce niveau social dépend de votre environnement. Le chef d’atelier chez Uzinor a un statut social plus valorisant que ses ouvriers et ceux-ci l’écoutent à la machine à café. Le professeur de mathématiques, en tant que fonctionnaire de l’état, peut être conscient et fier de sa mission pédagogique. Néanmoins, devant la plupart des jeunes, il n’est qu’une contrainte rébarbative dans leur vie. Le nain barbare niveau 54 sera le guide de beaucoup de jeunes aventuriers sur WOW, mais il sera juste la massue providentielle accompagné par un magicien niveau 70. Quant à la top modèle, elle n’est finalement qu’un avatar bien habillée. Mais quand elle se retrouve en couverture d’un magazine, elle devient une star.

En conclusion, il faudrait maintenant réfléchir aux différentes façons de réaliser ces 3 catégories de besoins dans les différents univers virtuels. Par exemple comment obtenir un statut social sur SL (besoin d’appartenance) ou sortir du lot sur WOW (besoin de reconnaissance) ?
Il faudrait également voir comment les univers peuvent jouer sur ces différents besoins pour s’intégrer dans le cheminement personnel de leurs résidents ou joueurs. Et évidement, comment les marques peuvent elles-aussi tirer profit de ces comportements.

Pour finir, quelques billets qui évoquent la même problématique (mais traitée de manière différente) :
La pyramide de Maslow de l’avatar (sur le blog de Daneel Ariantho)
Metaxis (du même Daneel Ariantho) qui évoque encore les avatars et leur relation avec le réel.
What is it about Second Life that people *need*? Une excellente question de Phasing Grace
C’est la maturité, stupide ! Maslow s’invite à la table du 2.0 Une étude des besoins adaptée à Internet par Stéphane Guerry.
La version IT de la pyramide de Maslow par David Chaum, tout à fait applicable à un monde virtuel.

Cyroul

Explorateur des internets et créateur de sites web depuis depuis 1995, enseignant, créateur de jeux, bidouilleur et illustrateur. J'écris principalement sur les transformations sociales et culturelles dues aux nouvelles technologies, et également sur la façon dont la science-fiction voit notre futur.

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3 réflexions sur « Ne peut-on vivre que de virtuel ? »

  1. les jeux video c’est cool ,c’est pas matrix non plus , la vie réel aussi est virtuel puisque c’est une interpretation de notre cerveau,on le dit désosiabilisant mais pas autant que le livre ,son aspect négatif réside dans le fait qu’il entretient une dépendance illusoire au dépassement de soi ,illusoire car une fois l’ordinateur éteint elle ne nous a rien apporté ,alors qu’un une activité varié ,est plus enrichissante pour l’esprit ,jeux video sport livre voila un menu équilibré.

    1. Bien d’accord, mais il faut comprendre que cet article ne parle pas forcément de jeux vidéos, mais plutôt de mondes virtuel au sens large.
      Ce qui enrichit nettement la réflexion.

  2. Ceci dit, physiologie et sécurité sont les deux premiers points recherchés par une majorité de résidents. Physiologie : recherche de vêtements, et d’objets de toute sorte pour remplir son inventaire. Sécurité : recherche d’une maison, d’un home à soi (avec parfois des systèmes de sécurité pour protéger son accès, sans parler de la proposition d’Europe Assistance aux résidents), et dans certains cas de systèmes de protection pour ne pas être poussé, téléporté contre sa volonté, ou de HUD pour mieux maîtriser son environnement (avatar scan et autres).

    Mais dans les deux cas, c’est bien l’avatar qui a ces besoins, plus que son propriétaire. Ensuite (en remontant la pyramide), c’est effectivement le propriétaire qui reprend complètement les rênes, et cherche à travers son avatar son accomplissement personnel.

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