Une constatation s’impose : les annonceurs sont frileux quand on leur parle de réseaux sociaux. Frileux est un euphémisme. Et même si certains veulent absolument faire du « media social » sans savoir pourquoi, les autres sont pétrifiés d’avance par cette idée folle du marketing conversationnel.
Quels sont les leviers de cette réticence ? Quelles sont les racines de cette répugnance à ouvrir sa marque sur les réseaux sociaux ? Voilà 5 raisons sur lesquelles je vous conseille de vous pencher, que vous soyez spécialiste du sujet, ou annonceur.
1/ L’annonceur a peur de perdre le contrôle de sa marque
Ce que pense l’annonceur: les réseaux sociaux sont dangereux. Que les gens y racontent tout et n’importe quoi et qu’il peut vite se retrouver dans la situation de Nestlé avec KitKat. Alors autant ne pas prendre de risque : restons loin des foules et surtout de cette liberté de parole qui pourrait entacher la patine immaculée de la marque.
La réponse du (bon) marketeur digital: la marque, c’est ce qu’on dit et qu’on pense d’elle. Hors les réseaux sociaux sont des endroits où les gens parlent (de tout dont des marques), que la marque soit présente ou absente sur ces réseaux.
Cet vérité (et état d’esprit) était déjà valable il y a 3 ans quand il fallait investir les territoires digitaux, et ça l’est encore plus aujourd’hui pour investir les territoires sociaux.
Nous ne sommes plus dans la communication des années 90 (et avant). Tant mieux pour les consommateurs. Tant pis pour les marques qui ne l’ont pas compris.
2/ L’annonceur n’ira pas là où il ne comprend rien
Là, on tombe dans les problèmes d’ego du directeur marketing, du directeur de la com, ou pire du « directeur de l’Internet » de l’annonceur. Comment un annonceur peut-il avouer qu’il ne comprends pas ce qui se passe sur Internet sans perdre la face devant ses subordonnés ou pire sa hiérarchie ?
Anecdote perso : J’ai le souvenir d’une présentation faite il y a 2 ans pour une marque de cosmétique de luxe. Nous y expliquions l’avantage d’une marque à investir le casual gaming sur les réseaux sociaux (et notamment Facebook) où s’ébattaient les femmes de 30 à 40 ans. A l’issu de la présentation, la « responsable du média Internet » (sic), une femme d’une quarantaine d’années nous a déclaré qu’elle n’avait pas le temps de jouer, elle, et que tout ça c’était donc des idioties. (Comprenons-la : elle vendait de l’achat d’espace depuis 10 ans, et elle n’allait certainement pas changer de métier maintenant). Tant pis pour sa marque qui essaie aujourd’hui de rattraper son retard face à ses concurrents (et tant pis pour cette dame qui a, à priori, vendu ses compétences ailleurs).
La réponse du (bon) marketeur digital: Rassurons les annonceurs tout de suite : personne ne comprends les réseaux sociaux. Il n’y a pas de recettes ! Et ceux qui vous disent le contraire essaient de vous vendre quelque chose. Citons William Blake :
The true method of knowledge is experiment.
3/ L’annonceur n’achètera pas ce qu’il ne peut mesurer
Ce que pense l’annonceur: Alors pourquoi ne pas faire ce fameux social media dont tout le monde parle ? Ca ne coute pas si cher par rapport à un site web ou à une campagne bannière. Seulement, comment mesurer l’efficacité de cette campagne sociale ? Impossible ou alors bien trop compliqué.
Il est tellement simple de mesurer un nombre de visiteurs sur un site, un nombre de vidéos vues, ou un un nombre de clic sur une bannière. L’agence en charge de la campagne va réaliser un beau tableau, ou mieux, un schéma qui montrera les consommateurs potentiels venus en nombre voir cette campagne. Des chiffres faciles à obtenir, simples à comprendre, à présenter à ses boss. Pourquoi en obtenir d’autres ?
Le contexte actuel : Les agences sont bien obligées de faire des compromis : une campagne sociale contre un nombre suffisant de fans ou de followers, et tout le monde est content. On voit définitivement trop de ces campagnes dont l’objectif est le nombre de fans. Sans s’en rendre compte, les agences qui en vendent sont en train de tuer la poule aux oeufs d’or. Car oui, si les fanpages facebook sont non qualifiées, elles ne servent à rien. Et dans ce cas, plus personne n’en achètera.
La réponse du (bon) marketeur digital: L’alternative serait de réfléchir à un recrutement qualifié de ses prospects et consommateurs, de les engager dans une stratégie sur du long terme, et pour finir de mesurer leurs avis sur la marque. Et c’est l’outil qui manque toujours aux annonceurs pour l’instant : cette mesure qualitative des campagnes sociales. Il existe des alternatives, mais aucune n’est facile (il faut réfléchir à ses objectifs), ni gratuite (les outils automatiques qui calculent votre e-reputation n’existent pas), ni certaine (heureusement plus personne n’inventera un GRP Internet, au risque de se couvrir de ridicule).
Bref, voilà un frein qu’il faut encore lever pour aider les marques à se digitaliser.
4/ La marque a peur que ses employés parlent trop fort
Ce que pense l’annonceur à propos de la liberté de parole de ses employés sur les réseaux sociaux. Dans une entreprise, il y a toujours des mécontents. Imaginez que ces mécontents prennent la parole, et parlent plus fort que la publicité ou communication de la marque. Cela risque de ruiner son image, donc autant éviter les réseaux sociaux.
La réponse du (bon) marketeur digital: Cet argument est dans la lignée du premier, c-a-d ne regardons pas ce qui pourrait nous faire du mal. Mais si la marque a peur que ses salariés discutent sur les réseaux où elle est présente (et suivre la conversation et intervenir), pourquoi n’a-t-elle pas peur que ces mêmes employés discutent sur un autre réseau, peut-être plus large, et sur lequel elle ne peut rien faire ?
5/ L’annonceur a peur de perdre de l’argent
La réponse du (bon) marketeur digital: il n’y en a pas ! Cet argument est tout à fait recevable. Et dans le cas où l’un des 4 autres arguments est soulevé, ce dernier finira forcément par faire pencher la balance du côté « on fait pas ».
Je peux comprendre l’annonceur. Face à lui, il va retrouver le discours, trop souvent efficace du commercial d’agence de communication. Et on lui a déjà fait le coup, rappelez-vous Second Life, le coup du buzz vidéo qui devait inonder l’Internet mondial, et dernièrement on a même essayé de lui vendre du Chatroulette et de la curation. Donc le commercial, il connait. Et il sait que ça va lui couter de l’argent. Alors quitte à choisir, il préfère les opérations blogueurs, car au moins on y boit du champagne
C’est à l’annonceur de définir ses priorités budgétaires. Mais c’est aussi à lui de penser sa marque comme un investissement sur du long terme. Et de comparer les investissements en pub digital aux investissements dans la publicité traditionnelle.
Mais … De toutes façons toutes les marques iront sur les réseaux sociaux
C’est normal d’avoir peur. Mais faut-il vivre dans la peur ? Et tenter de ne pas regarder ce qui se passe en essayant de faire durer le statut-quo le plus longtemps possible ? Ou faut-il décider de bouger sa marque pour aller de l’avant, vers de nouvelles idées ?
Votre marque a une identité digitale. Cette identité est constituée de toutes les conversations et contenus qu’un consommateur ou prospect va rencontrer sur Intenret. C’est à l’annonceur (et aux agences qui l’accompagnent) de voir si il veut que sa marque soit considérée comme avant-gardiste ou traditionnaliste. Mais cette décision doit se faire en toute conscience, et non pas précipitamment, dans la mecompréhension des enjeux, et souvent guidé par la trouille.
A vous de voir.
Inspiré par Losing Control and More: 5 Fears Of Social Media
Avec Google, Facebook, Tripadvisor, … une nouvelle forme de colonialisme est née. ET on tombe tous dedans ! A quand un contre-pouvoir ?
Oui ils ont peur mais ils doivent maintenant dépasser cette peur et voir la vraie opportunité de contacter directement les clients.
Vachement bien m’sieur !
Le point 3 est très intéressant, car il soulève un paradoxe: plus on avance dans une utilisation avancée d’Internet, média qui a été choisi par de nombreuses marques par la simplicité du reporting, plus il faut retourner en arrière sur ce sujet.
Les seuls moyens de mesurer l’impact final d’un engagement sur les médias sociaux est de revenir à des sondages de mesure d’image de marque, ou à des comparaisons des courbes de vente avec les actions mises en place. Bref, c’est complexe, et je comprends que les annonceurs aient du mal à admettre ce « retour en arrière ».
Pourtant, les marques n’ont pas le choix…
En fait, plus on arrête de considérer Internet comme un simple média, mais plutôt comme une multitude de points de contacts (médias), plus on est obligé de revenir à des fondamentaux marketing.
Et oui, les recettes marketing n’existent pas sur Internet. Et ceux qui vous disent le contraire vous vendent du 10000 followers à 1400 euros (plus cher c’est de l’arnaque).