Les dark patterns (1) > Le « tu-t’arrêteras-plus-jamais-de-payer »

Préambule : les gens qui utilisent des darks patterns sont des tricheurs et des voleurs. Je ne les aime pas et je les qualifie dans cet article de noms très grossiers. L’article sera donc beaucoup plus vulgaire que d’habitude, je m’en excuse d’avance.

 

darkpattern2Chez tous les gouvernements, l’enthousiasme béat pour tout ce qui a de près ou de loin nom de startup a toujours dépassé le paroxysme de leur bêtise numérique habituelle. Ainsi notre Fleur Pellerin nationale, à la suite de notre NKM nationaliste, faisait des claquettes en balançant ce mot magique de startup à la presse non spécialisée, avide de mots ricains à la consonance conne et sonnante.

Seulement toutes les startups ne se ressemblent pas et l’on peut assez abruptement les séparer en deux groupes :

  • d’un côté les admirables qui essayent de changer le monde (ou au moins l’internet) en créant des choses (services et produits) qui n’existaient pas avant,
  • de l’autre, les fils de putes (pardon Mesdames) qui ne pensent qu’à se faire du blé sur le dos des internautes crédules. Cette seconde catégorie (les fameux fils de pute) utilisent un max de pratiques douteuses (qui vont du financement au recrutement), dont les fameuses Dark Patterns.

Dark Patterns ?

darkpatternLes dark patterns sont originellement utilisées en UX et en ergonomie pour décrire des moyens d’influencer l’internaute sans qu’il s’en rende compte. Mais on peut sans soucis étendre ces dark patterns au business model de certaines startups. Ceux qui les utilise partant du principe que l’internaute n’a qu’à être intelligent, et si il ne l’est pas, tant pis pour lui. La morale une affaire de business, n’est-ce pas. 

hélas ces nouvelles pratiques deviennent une norme. Il est donc fondamentales de d’apprendre à identifier ces dark patterns, afin de savonner la planche de ces enculés (pardon Messieurs) qui les utilisent.

Commençons donc par l’une des manipulations les plus connues qui fait du mal à votre portefeuille sans même vous en rendre compte. Le suppositoire inversé ou encore le :

Tu-t’arrêteras-plus-jamais-de-payer

Le fonctionnement de cette dark pattern de startup est très simple. Il se base sur le processus naturel de développement d’une startup internet (acquisition – activation – rétention – revenus). Du point de vue investisseur c’est génial. Du point de vue utilisateur, c’est autre chose. Voyez vous-même avec un exemple vécu.

Etape 1 : l’acquisition et l’activation

Vous repérez un service web gratuit qui propose des services supplémentaires contre paiement d’un abonnement. C’est assez classique comme modèle économique. On appelle ça le freemium.  Le tarif est abordable (5 € / mois), et le site vous promet que vous pouvez l’arrêter quand vous voulez, alors vous achetez ce freemium.

Vous l’utilisez ce service quelques temps, et puis vous l’oubliez. Car c’est souvent la norme pour ces mini-services dont vous n’avez pas l’usage tous les jours.

Etape 2 : la rétention et les revenus

Quelques mois après vous regardez vos comptes. « Tiens, c’est quoi ce truc à 5 € qui tombe tous les mois ? » Ah oui, vous retournez sur le site et là, sur la page de votre compte. Tout est bien joli (le flat design fait tellement moderne), sauf que vous ne trouvez pas le bouton « cancel subscription ».

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Après 20 minutes de recherche sur le site, vous décidez de l’abandonner pour aller poser la question à votre ami Google. Et là, vous apprenez qu’effectivement, pour annuler votre abonnement, il faut envoyer un mail au support. 1 clic pour s’abonner, une recherche + un mail  pour vous désabonner.

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Et pire que ça. Il s’avère que l’ami Nick n’est pas très réactif. Il faut le comprendre, il est très occupé (« we weren’t ignoring you it has just been very busy« ).

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Et à priori beaucoup de personne se retrouvent dans la même situation malgré le texte sibyllin prévenant que « if you cancel your plan midway through a billing cycle, we will not provide a refund for the remainder« . Enfin le problème c’est surtout de pouvoir se désinscrire.

creately5Bon, dans ces cas là, il ne faut pas trop s’embarrasser. Si vous avez une banque sympa qui vous désactive gratuitement les prélèvements automatique, faite le. Sinon heu.. payez votre banque pour qu’elle arrête qu’on vous vole votre argent (oui, je sais c’est aberrant – mais ce sont les banques qui en premier ont inventé les dark patterns).

Des opportunités pour lutter contre ces pratiques foireuses


Des startups qui utilisent ces méthodes, il y en a beaucoup,
 que ce soit aux States ou en France (et bientôt en Chine). Ici je vous ai pris l’exemple de Creately (qui finalement s’est résolu après l’envoi d’un mail), mais j’aurais également pu citer les truands de Ning par exemple, un excellent service de création de réseau social (époque pré-Facebook) qui s’est mis à multiplier les fonctionnalités pour empêcher de se désinscrire.

tapiMais outre l’agacement et la perte de temps, les risques dus à ces pratiques sont grands :

  • La perte de confiance dans le numérique et son économie. Quand un utilisateur subit ça il n’a plus envie de s’abonner à des services en ligne. Un peu comme quand vous vous rendez compte que vous vous êtes fait truandé par France Loisirs pendant des années. Le réveil est douloureux. Du coup, vous ne voulez plus acheter de livres ou de la musique sur Internet. Dommage.
  • La paupérisation des cibles à risque. Evidemment, ceux qui vont se faire avoir par ce genre de pratiques sont les éléments les plus faibles, ceux qui gèrent mal leur argent, qui ne parlent pas anglais (la FAQ vous ne la trouverez pas en français, alors que le service, si). Bref, c’est encore les pauvres et les imbéciles qui trinquent.

Et face à ça, nos gouvernements ne font rien. Alors qu’ils passent leur temps à communiquer sur « l’importance du numérique », du « futur de l’innovation digitale » et autre « enjeux stratégiques sur internet », ils ne font absolument rien pour sécuriser les petites transactions, les petits achats des petites gens. Or, ce sont ces petites transactions qui sont les plus importantes sur Internet (relisez la Longue Traîne).

Alors que pourraient faire ces gouvernements ?

lol-operateur-300x300On pourrait imaginer par exemple un label « bonnes pratiques commerciales » attribué par un organisme indépendant (certainement pas « Internet Signalement » donc) qui jugerait de la qualité du site du point de vue transactionnel. On pourrait également imaginer que ces sites aux mauvaises pratiques commerciales n’obtiennent pas les nombreuses subventions que leur accorde aveuglement l’état (de OSEO au CIC). Ou les gouvernements pourraient  également nettoyer les mauvaises pratiques offline avant de s’attaquer au online. Je pense évidement aux fournisseurs d’accès là.

Mais non… Nos gouvernantspréfèrent affirmer leur méconnaissance du secteur en créant un gap entre leur discours politiques remplis de jolis chiffres et de buzzwords médiatiques et les véritables usages (et mésusages) des internautes.

Alors, vous le savez maintenant les ptits gars. La magnifique épopée du FarWest digital a terminé sa phase de colonisation. Les arnaqueurs de tous poils font maintenant la loi et ça pue nettement plus qu’avant.