The Lady nous apprend le prix de la démocratie

Vous avez forcément vu une vidéo ou lu un article évoquant les manifestants de #occupyDefense ou #occupyWallStreet (cf. ). Ce mouvement est intéressant car d’où on l’observe, on peut avoir des sentiments différents. D’un côté on peut sourire à l’image de ces ces manifestants bobos qui piaillent à la première bosse (alors qu’ils sont là pour ça; on a petit zizi comme président non ?), de l’autre craindre et haïr ces policiers totalitaires en armure et boucliers qui tapent comme des robots là où on leur dit de taper. Mais qu’ils vous fassent grincer les dents ou sourire, les images de ce mouvement doivent vous faire peur. Car elles montrent un passé ou un futur toujours présent dans nos souvenirs : celui du totalitarisme.

Car oui, il y a à peine 70 ans (hop, point Godwin), nous n’aurions pas pu manifester sans se retrouver au trou ou mort. C’est peu 70 ans. Et nous savons bien que malgré cette nouvelle dose de liberté issue de notre démocratie républicaine retrouvée se tapit encore le spectre hideux du totalitarisme. Cette épée de Damoclès qui nous pend au dessus de la tête et qu’on frôle en permanence, que ce soit au premier tour d’une élection ou encore lors d’une manif violemment réprimée (preuve permanente avec nos libertés Internet qui fondent comme beurre au soleil). Alors il faut se battre pour garder ces libertés. Et c’est bien quand c’est le cinéma qui nous le rappelle.

Aung San Suu Kyi, the Lady

La Birmanie (ou Myanmar) , est un pays magnifique où le pouvoir est détenue par une junte, une dictature militaire. Une birmane occidentalisée, Aung San Suu Kyi a donné une partie de sa vie pour tenter d’aider son peuple à trouver la liberté. En effet, cette femme incroyable, surnommée « Daw » (« The Lady ») par son peuple a passé la dernière moitié de sa vie (qui n’est pas terminée) enfermée chez elle par le gouvernement Birman.

Réalisé par Luc Besson, le film The Lady est sorti sur nos écrans mercredi. Ce film reprend l’histoire politique d’Aung San Suu Kyi mais aussi son contexte familial. Il raconte d’une part l’épopée incroyable de cette mère de famille rentrée à Rangoon et décidant de lutter pour la démocratie dans son pays, mais également le combat permanent de son mari, resté à Londres avec leurs enfants, pour sa reconnaissance et ses droits (elle aura eu le prix Nobel de la paix en 1991).

Les acteurs sont plus qu’excellents. Michelle Yeaoh (Tigre et Dragon, Mémoire d’une Geisha, etc.) et David Thewlis (Harry Potter, The Big Lebowski etc.) semblent indissociables de leurs personnages. Un très bon niveau. On y croit, même dans les moments lents.

Car les moments lents sont lents. Du Luc Besson quoi. Des scènes d’actions très bien réalisées, mais des scènes intimistes, que je trouve émotionnellement ratées. Malgré l’immense talent des acteurs, Besson a du mal à nous faire ressentir des émotions subtiles. C’est particulièrement flagrant dans la deuxième partie du film où il met en perspective les 18 années d’isolement de Suu avec le quotidien de son mari (il doit apprendre à faire la cuisine à ses gosses, etc.). 18 ans c’est long, même dans le film. C’est bien la seule critique que je pourrais apporter à ce très beau film et cette si belle histoire.

Et le marketing digital dans tout ça ?

La promotion du film passe par une opération blogueur (ça coute pas cher d’inviter des blogueurs aux projos et ça peut rapporter des points de vue intéressants) et d’un très beau site UseYourFreedom.com qui vous permet de participer à une très belle mosaïque de la paix (petite photo en webcam et hop vous voilà dans la mosaïque).

Très joli, mais qui sert à rien…

Mais mince  (je voulais dire bordel mais c’est vulgaire), nous sommes en 2012 !! Et là ce très joli site en flash, ça fait partie des dispositif qu’on proposait déjà en 2007 sur internet. Bon, ok, à l’époque le marketing digital cinéma faisait des pages sur skyblog, mais c’est pas une raison pour avoir toujours 5 ans de retard sur les opés actuelles. Ahh, j’aime trop le cinéma pour ça.

Vous imaginez ce qu’on pourrait faire comme promotion avec un peu d’argent et un film aussi engagé ? Au lieu de gentiment afficher sa photo sur un site qui sera fermé dans 8 mois (le flash ça vieillit mal comme techno), on aurait pu faire une vraie opération qui va dans le sens de Aung San Suu Kyi, dans le sens de l’histoire. On aurait pu par exemple créer un wikileaks de la Birmanie, une liste des comptes en suisse des généraux birmans, une cartographie des marques qui appuient le régime de la junte, etc.

On aurait pu faire du marketing utile. C’est à dire à la fois du marketing qui fait parler de lui, qui emmène les gens voir le film, mais aussi du marketing qui permet de vivre la vie du film. Du véritable marketing experientiel qui entrainerait les internautes curieux à véritablement s’engager pour la cause de The Lady (au lieu de mettre une photo, trop révolutionnaire!).

Mais forcément, un marketing aussi engagé nécessite d’avoir des convictions. C’est pourtant marqué sur le dossier de presse que Besson a été bouleversé par l’histoire de Suu, etc. Mais dans les faits, la promotion du film est équivalente à n’importe quelle promotion de film.

Quel dommage…

Dis-moi contre quoi tu luttes et je te dirai qui tu es

Il y a quelques années (je crois que c’était autour de 2007), je me suis aperçu que ce qui m’attristait encore plus que l’élection d’un petit tyran, c’était ceux qui l’avaient élu, ceux qui avaient sacrifié leur liberté pour de la sécurité (ou de la tranquilité). Quelle horreur… Sacrifier sa liberté et hypothéquer la liberté de ses enfants pour continuer à profiter de son crédit à la consommation, son jeanpierrepernaut quotidien et des mensonges de ceux qui ont 4 voitures à la maison et vous disent pourtant de vous serrer la ceinture. Nous avons pourtant la chance inestimable de vivre dans une démocratie.

Et pendant qu’en France, on réduit nous-même nos libertés pour plus de confort(misme), il existe des pays où la liberté n’existe pas. Je pense notamment aux Fidji, à la Guinée équatoriale, en Égypte, la Corée du Nord et à la Birmanie, 5 dictatures militaires (les puristes diront que la Corée n’en est pas une, mais qu’ils y aillent pour voir).

L’état de la démocratie dans le monde n’est pas terrible (en France, on est d’ailleurs pas très clair). Il ne tient qu’à nous, joyeux occidentaux riches (ne discutez pas, le cinéma vaut plus qu’un resto), d’essayer de la faire progresser dans le monde. Et ça ne peut se juger que sur nos actes, des paroles, il y’en a plein les discours présidentiels.

Je remercie donc tous les manifestants (les 1%, les #occupydefense, #occupywallstreet, #occupylosangeles, etc.) d’avoir manifesté. De s’être bougé les fesses pour un idéal d’égalité, de démocratie. Ils ont essayé, et ils essaient encore. Ils peuvent être fiers d’eux. Merci.

Author: Cyroul

Explorateur des internets et créateur de sites web depuis depuis 1995, enseignant, créateur de jeux, bidouilleur et illustrateur. J'écris principalement sur les transformations sociales et culturelles dues aux nouvelles technologies, et également sur la façon dont la science-fiction voit notre futur.

2 thoughts on “The Lady nous apprend le prix de la démocratie

  1. Pour avoir été interrogé sur la compet (et ne pas l’avoir remporté donc), ce point de vue  militant non « expert » est un vrai parti pris de la prod et de la promo. 
    En gros, pour traiter le sujet, soit tu réalises un docu engagé et argumenté (regardez happy World ! 
    http://www.happy-world.com/fr ) soit tu tournes un film plus biopic, visant le grand public en espérant que créer de l’affect pour le personnage permettra de soutenir la cause. C’est un engagement un peu à l’américaine (rappelle toi Julia Roberts et Brad Pitt qui répondait au téléphone pour prendre les dons pour la Nouvelle Orléans).Donc oui, l’engagement aurait pu aller plus loin et pousser des espaces existants d’informations, Human Right Watch est d’ailleurs présent sur le site du film et le site promo. Mais je ne crois pas qu’il faille dénigrer le projet pour autant, le but c’est vraiment d’aller chercher de la couverture au max, et dans cet axe, le dispositif me semble valable.Je suis peut être un peu naïf :)

  2. Superbe article, merci pour votre point de vue marketeux, cinéphile et humaniste. J’ai entendu une interview de Luc Besson sur France Inter, dans laquelle il justifiait sa prise de partie dans la façon de traiter l’histoire d’Aung San Suu Kyi : Il a décidé d’axer d’avantage son film sur l’histoire d’amour que sur l’engagement politique de cette femme merveilleuse, prétextant qu’il n’avait rien à apprendre aux gens sur le sujet politque et que internet était là pour ça… Dommage qu’un homme, qui bénéficie d’une certaine audience acquise, de (très) beaux budgets, n’ait pas eu envie de se « mouiller » un peu plus pour le message de liberté pour lequel Aung San Suu Kyi se bat. Une histoire d’amour touche un plus grand public qu’un message politique => + de $$$  à la clef?  Certes, il a « été bouleversé » par   cette personnalité : bon petit leurre de sincérité promotionnel à balancer aux jounalistes, non ?  

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