L’Infographicus Foirus. Démasqué, Disséqué, empaillé.

Depuis 2 ans, on voit les infographies (infographics) se multiplier sur Internet. Faciles à bloguer, à microbloguer même, elles vont nous abreuver de datas, de statistiques, de chiffres bien mis en forme. Et la plupart du temps, personne ne vérifie les données. Alors l’infographie circule et est reprise par les blogs pressés (de faire du trafic).
Mais heureusement Clément (alias Quietglover) veille. Et cette fois, l’infographicus foirus sera démasquée pour sa plus grande honte. Les datas libres et justes le remercient, et nous aussi.

Des infographics partout donc. Très bien. J’avais déjà une dent contre la recrudescence que peut connaitre la discipline ces derniers mois, et le récent coup de l’infographic si justement nommée « The Shocking Numbers Behind Cellphone Usage » n’a qu’encouragé ma position.

Ainsi j’ouvre un soir mon reader constitué de sources fiables et reconnues, et entre deux posts sur le doux monde du mobile –  dans lequel je travaille – je tombe sur un chiffre qui me fait sauter au plafond. D’après un magnifique spécimen d’infographicus foirus relayé par les honnêtes gens de The Next Web, les américains ne recevraient pas moins de 200 trillions de SMS par jour sur leur téléphone mobile. Il n’y a pas besoin de travailler dans le milieu pour se poser des questions quant à ce chiffre. Faisons un très rapide calcul.

Donc, The Next Web, Chris Brogan, PSFK et beaucoup d’autres relaient des informations absolument improbables, sans même les vérifier. Tout ceci parce que c’est beau et facile à consommer… Ce que je préfère par dessus tout, c’est que certains vont même jusqu’à réutiliser le chiffre, pour bien s’enfoncer. Ils ne pourront pas dire qu’ils ont mal vu.

From the two hundred trillion (!) text messages received daily in America, to the dominant mobile operating system, Online IT Degree presents a useful infographic that explains some of the numbers behind current mobile phone usage.” – PSFK

Comme vous pouvez le constater, des gens bénéficiant d’une autorité non négligeable relaient par moment n’importe quoi. Soyons tolérant, cela arrive à tout le monde de se tromper. Mais quand c’est justement tout le monde à la fois – et non des moindres – ça la fout mal niveau crédibilité.

Pour revenir à l’objet de cette fronde, le travail ridicule – signé par un site américain proposant des diplômes en ligne – se trouve être quasi-complément faux. Concevons gentiment que la tâche n’est pas simple, car les chiffres du mobile sont peu nombreux, bougent vite et diffèrent fortement en fonction des sources. Tout ceci n’est cependant pas une raison pour rendre une copie aussi mauvaise.

Voici ma correction, suivie des sources utilisées :

[Ajout du 19/07/2013: le provider de l’infographie originelle m’a demandé de mettre un lien vers leur site, « Regarding Copyright Infographic ». Je m’execute : source]

Sources :

Maintenant que l’on a bien rigolé, il s’agit de relativiser un peu. Mon but n’est ni d’avoir raison ni de détruire le business de l’infographic, car la data visualisation bien réalisée, c’est cool pendant la pause dej’. Par contre, je trouve que la discipline s’est trop vite pervertie du fait de son succès, permettant notamment à des commanditaires assez malins de s’offrir une forte visibilité sur des blogs de référence ainsi qu’une campagne de SEO à bas coût. Dans certains cas, le compromis forme vs contenu est trouvé, mais dans beaucoup d’autres, excusez moi, c’est de la merde en couleurs.

Il est quand même incroyable de voir à quel point de belles formes et textures peuvent occulter – aux yeux de personnes supposées expérimentées – du contenu faux, non daté, non vérifié, non sourcé, signé par un acteur inconnu de l’industrie concernée. Cependant, que celui qui n’a jamais retweeté un infographic s’avance, et me troll en premier. Il faut en effet admettre que surfer sur le phénomène est toujours un bon moyen d’intéresser la galerie et de récupérer une partie du gâteau. Ce n’est pas moi qui vous dirai le contraire, car c’est exactement ce que je suis en train de faire.

Clément (@quietglover)

Author: Clement

21 thoughts on “L’Infographicus Foirus. Démasqué, Disséqué, empaillé.

  1. Je les avais pas toutes remarquées … merci pour ce retour :)
    Il faut vraiment faire attention à ce qu’on lit !

  2. Petite reparque d’ordre linguistique. Si tu veux parler de données en anglais, ne dis pas « datas », mais « data » (pluriel latin de « datum »), c’est comme « information » ou « people », on ne les mets pas au pluriel.

    1. Promis, demain je relis mes propres commentaires avant de les poster ;-)

      > reparque
      -> remarque

      > on ne les mets
      -> on ne les met

  3. Il va falloir aussi bientôt écrire un article sur les stats Twitter fantaisistes :
    A 13h22 nous avons :
    – Tweetmeme qui nous donne 103 mentions de cet article
    – Twitter.com qui nous donne 132 mentions
    – Et wikio qui nous en donne 6

    Tout ça me laisse songeur.

    1. Ca c’est du au joyeux bazar entre le décompte de retwitt VIA wikio, les retweets via Twitter directement, les retweet de liens complets, les retweet de liens raccourcis divers, etc…
      Tracer le nombre correct de retweet est un véritable enfer ;)

  4. J’update l’article en soulignant que ce n’est pas The Next Web qui a relayé l’infographic, mais The Next Web MOBILE. C’est d’autant plus dur…

  5. Je constate qu’il y a en ce moment une vague de contestations, ici des fails infographiques, ailleurs sur les chiffres du business des jeux en ligne et autres fakes du même genre : c’est plutôt bon ! Merci !

  6. Bien joué ;-) Je l’avais publié et avait eu de nombreux retours sur ces fameux chiffres tirés par les cheveux. Comme quoi la rapidité de publication ne doit pas occulter la possible inutilité des chiffres. J’aime bien le format infographie, pratique pour faire passer des infos de manière ludique, mais effectivement il ne faut pas que la forme prenne le dessus sur le fond… Et éviter l’overdose, bien sur.

  7. D’accord sur le principe, les infographie sont parfois fausses. Mais cependant, as-tu noté que le trillion en anglais (USA) signifie en fait quintillon?

    1. Oui c’est noté, j’avoue que je ne suis pas avare en ce qui concerne les anglicismes. J’ai vu le comment (un nouvel anglicisme) de Guillaume à ce sujet et je ne savais pas que trillion n’était pas français.

      Bon, je n’ai pas le temps de faire des recherches tout de suite sur l’usage français de trillion mais j’ai l’impression que c’est assez flou.

  8. La plupart des données qui circulent sur le web sont assez douteuses. Mais bien joué quand même. A force, je ne suis même plus surpris de voir des chiffres aussi fous.
    (au passage trillion est un anglicisme)

  9. Bel exercice mais sérieusement personne ne les utilise ces infographies car on passe plus de temps à vérifier les données qu’à les compiler nous-même non ?

    1. Je ne sais pas ce que les gens font de ces données. Mais le fait qu’elles ne soient « que » partagées et non utilisées par la suite n’enlève rien au problème. Se tromper c’est possible, relayer n’importe quoi – qui plus est sans updater son post, comme c’est le cas sur PSFK – c’est juste intolérable.

      J’ai terminé mes études dans une école plutôt renommée, dans laquelle on m’a montré des videos du même genre, sans mettre en doute les données car c’était bien foutu. Je suis a peu pres certain que ces infographics douteuses sont utilisées car elles sont relayées par des sources qui engagent leur autorité et minimisent la nécessité de vérifier ce qu’elles relaient. Pourquoi remettre douter d’un article de The Next Web?

      je n’ai pas trop le temps de mieux argumenter, comme on dit par chez moi, I hope it makes sense :)

      1. A quoi servent des données statistiques, de manière générale ? Posez-vous la question sérieusement avant de palabrer sur les mérites ou les travers des infographies ! :-)
        « A faire des infographies », me direz-vous. Bien sûr que non.

        Les données statistiques, dont on fait parfois des infographies, servent non pas à être vérifiées, mais à prendre des décisions. Oui « c’est tout » ; mais c’est énorme !

        Si je veux vendre des boissons gazeuses mais que j’ai peu de surface de vente, je vais m’interroger sur l’opportunité de vendre soit Coca soit Pepsi. Si mes fournisseurs ne me proposent pas des tarifs très différents selon une marque plutôt qu’une autre, comment vais-je me décider ? Eh bien avec des données statistiques de sondages tels que « achetez-vous plus fréquemment du Coca ou du Pepsi ? ».
        Si les données que je lis sont fausses alors je risque de prendre la mauvaise décision.

        Ce qui émerge des commentaires de ce post est qu’il y a un besoin fort de sourcer l’information d’une part, et d’autre part, de ne pas s’éloigner des chiffres originaux pour « les faire parler » (souvent en clamant que les chiffres parlent d’eux-mêmes :-).

        Il ne reste plus qu’à lancer un mouvement qui prône un sourcing explicite et systématique, et une rigueur quant à l’exploitation des données brutes. :-D

Répondre à Cyril Rimbaud Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.