Agences, annonceurs, culture digitale, influence et social web (1/2)

Une nouvelle interview d’un étudiant du CELSA que vous connaissez peut-être puisqu’il s’agit de Clément (de QuietGlover). Son mémoire de master va évoquer la notion d’influence et de l’utilisation de cette influence par les marques. Il a donc posé des questions à divers professionnels du secteur, et aussi à moi (je me demande ce que je fais là).

Hélas pour son mémoire, je me suis lâché dans cette interview. Les agences s’en prennent un peu, les annonceurs beaucoup. Alors je vous la livre (en 2 parties), en espérant que vous apprécierez cette vision de la publicité, reflet d’un monde qui change (ou qui devrait changer). Et si vous n’êtes pas d’accord, les commentaires sont à votre disposition.

Que pensez-vous du degré de pénétration de la culture digitale chez les marques ?

Il est intéressant de remarquer la notion phallique inhérente à cette question

LA marque est féminine. LE digital est masculin (en plus d’être un doigt). En filant la métaphore, on pourrait donc conclure qu’il est inéluctable que la rencontre entre les deux se fasse soit dans le plaisir soit dans la douleur.

Métaphore Freudienne certes, mais finalement pas aussi éloignée de la réalité qu’il n’en parait. Car, en laissant tomber Freud, on s’aperçoit que c’est exactement le cas: certaines marques, acceptant (et embrassant) le nouveau paradigme de la communication digitale ont explosées (littéralement, j’ai dit qu’on laissait tomber Freud) en lançant de nouveaux services ou plateformes sur le digital.

D’autres au contraire se sont retrouvées débordées, dépassées et en danger par le contact indésirable avec cette chose étrange et répugnante qu’on appelle Internet. Ce fut pour ces marques un véritable viol en se retrouvant du jour au lendemain face à des consommateurs qui ont eu le pouvoir de les critiquer.

Nous nous retrouvons à l’ère de la sélection naturelle

D’un côté des marques habituées à un mode de fonctionnement quasi-centenaire (campagne de com = agence + média) qui ont énormément de mal à changer de l’intérieur pour s’adapter à la révolution digitale. De l’autre, des marques plus souples qui ont été capables de s’adapter (voir d’anticiper pour certaines) cette révolution. La taille importe peu dans ce processus. De petites marques ont souffert autant que des grandes. Et de grandes marques se sont adaptées beaucoup plus vites que d’autres censées être plus adaptables.

En plus, l’évolution continue. Et certaines marques arrivées tard sur ce territoire digital ont réussies à changer rapidement et sont déjà en train, grâce à leur puissance naturelle, de retrouver des habitudes de com digitales.

Mais Internet étant un lieu de changements perpétuels, on ne peut dire si ces nouvelles habitudes seront payantes à long terme ou si il ne s’agit que d’un sursaut désespéré avant le prochain bouleversement digital.

Pour vous, qu’est-ce que l’influence sur Internet ?

Qu’est ce que l’influence IRL (in real life) ?

Une définition nous donne 1/ Action exercée sur quelque chose ou quelqu’un. 2/ Autorité, crédit, ascendant.
Dans ce cas, que devrait être l’influence sur Internet ? 1/ une action exercée par une marque sur le territoire digital 2/ de l’autorité de la marque (ou d’un des pseudopodes) sur ce territoire.
Et effectivement « l’influence » d’un marque sur Internet est exactement ça : à la fois un travail de présence et d’action sur le territoire digital, mais aussi sur les gens qui le fréquente. C’est ce double travail qui rend les choses complexes mais telement intéressantes.

Mais en tous les cas, l’influence n’est certainement pas le nombre de fans sur votre fanpage Facebook !

Ce n’est pas non plus l’achat massif de blogueurs pour diffuser une publicité. L’influence commence par une belle stratégie SEO, continue par une stratégie SMO pour s’épanouir par une belle stratégie de storytelling digital. Et là le mot magique est dit : stratégie. Sans stratégie, l’influence n’est qu’achat média (ou chance créative). Alors que la stratégie digitale permet d’avoir une influence presque mesurable, sur laquelle se reposer pour chaque campagne.
L’influence peut donc être un concept fumeux ou un véritable atout pour une campagne.

Vous parlez souvent de territoires digitaux, qu’est-ce que cela veut-il dire, et quels sont-ils ?

Vous pouvez lire le développement de cette idée de territoires et de frontières digitales sur Owni. Pour résumer, le digital est composés de territoires, c’est-à-dire des espaces à la géographie mouvante, basée sur des spécificités naturelles ou technologiques, des appartenances culturelles ou linguistiques (cf. Wikipédia). Et comme tout ensemble de territoires, il va falloir l’explorer, apprendre à parler avec ses habitants, coloniser certains lieux et en éviter d’autres.

Et pour réaliser tout ça, il va falloir s’adapter et développer les futures (ou déjà actuelles) compétences (et spécialisations) du communicant digital de demain.

Pensez-vous que certaines marques ont plus de chances de connaitre le succès sur le Web social ? Quels seraient les critères les définissant ?

La règle constante et inéluctable du web social est : « si ta marque a du succès IRL, elle aura du succès en ligne ».

Il est donc tellement plus facile de faire briller une marque déjà connue et appréciée du public dans la vraie vie, que de faire apprécier une marque que personne ne connait. Les enjeux, les moyens, et les possibilités ne sont dans ce cas pas du tout les mêmes. Et c’est ce qu’oublient bien des annonceurs qui décident de créer leur fanpage et ne comprennent pas pourquoi Pringles a 4 millions de fans alors que eux ont du mal à dépasser les 100 personnes sans spammer à grande échelle.

Le vrai critère de succès du web social n’existe donc pas car il est relatif. Il n’est qu’une conséquence d’une bonne communication IRL (in real life). N’en déplaise à ces marketeux (souvent les mêmes qui pensaient qu’Internet ne marchera jamais) qui se disent que l’avenir de la com n’est plus que dans Internet et les réseaux sociaux. Car la communication intègre tous les territoires où se trouvent les cibles de la marque. Vendre de la com’ 360° ou mix-média, n’est que vendre du pléonasme.

Le succès « social » d’une marque sera donc un succès mérité grâce à sa communication en général et pas forcément online

Ou alors il s’agira d’un succès purement artificiel (une manipulation Social Media Management pour faire grimper vos fans). Mais qu’on ne me parle pas de stratégie, là il s’agit dans ce cas de spam à l’ancienne.

Attention néanmoins, car plus grand est le succès (ici la reconnaissance d’une marque) plus grand sont les dangers potentiels. « With great power comes great responsibility » disait un grand philosophe masqué. En effet, un vrai fan ne laissera pas passer les erreurs d’une marque sans réagir. Nestlé l’a appris à ses dépend.

Quelles sont selon vous les erreurs faites par les marques désireuses d’investir le Web social ?

La seule et unique erreur est de prendre les gens pour des panneaux publicitaires. Tout le reste est acceptable, à partir du moment où la marque tente de véritablement parler à ses consommateurs.

Hélas le buzzword à la mode de « Social Média » est symptomatique de l’absence de volonté de certaines marques de changer leur modèle classique. La publicité classique (celle où on ne réfléchit pas) correspond à un message créatif diffusé sur des emplacements médias.

Pour beaucoup d’annonceurs tranquilles (c-a-d qui ont des directeurs de la com qui n’ont jamais changé de travail depuis 20 ans et qui ne se sont jamais remis en cause), cette publicité leur convient tout à fait. Pas de surprises, pas de changements. Et il suffit de papoter pendant 3 semaines autour de la créa pour avoir l’impression d’avoir fait son travail, et s’endormir heureux le soir.
Alors pourquoi changer ? Facebook, Twitter, Internet et tout ça, ça marche pareil. Il suffit de continuer à s’asticoter sur la créa, et cette fois, de publier cette créa sur un site web, ou une appli/fanpage Facebook, et hop, on aura le même résultat.  Et si ça ne marche pas, ça sera la faute de l’agence, ou alors d’Internet. D’ailleurs ça ne marche pas les campagnes sur Internet, c’est bien connu… Et puis, quand Internet s’arrêtera et sera remplacé par de la TV en 3D, on pourra recommencer à marger avec de la vraie pub, hein, parce que là c’est pas la joie….

Author: Cyroul

Explorateur des internets et créateur de sites web depuis depuis 1995, enseignant, créateur de jeux, bidouilleur et illustrateur. J'écris principalement sur les transformations sociales et culturelles dues aux nouvelles technologies, et également sur la façon dont la science-fiction voit notre futur.

10 thoughts on “Agences, annonceurs, culture digitale, influence et social web (1/2)

  1. Intéressant mais il faut beaucoup plus d’exemples de marques illustrant vos affirmations (sinon ça reste du paradigme et du paradigme seul ne sert qu’à s’astiquer la nouille)

    1. Tu as peut-être raison, je devrais être plus pragmatique et moins théorique. Mais souvent le manque de temps me force à considérer que mes lecteurs sont avertis et capables de se renseigner par eux-même.

      Et puis, pour les études sérieuses et référencées, ils peuvent toujours commander ça chez Curiouser ;)

    2. je trouve cela précieux, quand on connait beaucoup d’exemples, d’avoir de temps en temps une réflexion de fond.Avant de manger les nouilles, il convient de les essorer. Pour l’assaisonnement il y a d’autres blogs.

      De plus l’article est plein de liens, il suffit de cliquer c’est magique

      1. Pour ce qui est des liens, je les trouve très peu visible. Je me suis rendu compte seulement en page deux qu’il y en avait… le soulignage est une mise en avant visuelle plutôt explicite dans ce cas :)
        Mais bon article, que je vais bookmarquer et relire.

  2. le DigitalMan on dirait Alain Juppé c’est voulu ? ;) Sinon Bravo mais bon ça ça n’a aucune originalité… ;)

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