En cette période de grandes interrogations sociales liées au travail et à la façon de le faire (ou d’en faire le moins possible), j’ai décidé de continuer l’article sur les Emploi et robotique, les robots ont bon dos. Ca ne résoudra pas le problème actuel mais permettra peut-être de regarder le futur au lieu de s’accrocher à un passé révolu.
[souvenirs]En 1992, durant mes premières études, je me suis confronté à deux types de robots.
D’une part, ceux qu’il fallait construire à partir de langage de bas niveau (l’horreur de la programmation en assembleur sur des ZX8020). D’autre part ceux à qui il fallait apprendre à travailler en leur expliquant quoi faire, comme par exemple les CNC (machines à Commande Numérique).
Je me disais à l’époque qu’on était bien loin de l’imaginaire d’Asimov, où le robot permettait aux hommes de vivre sans travailler, et qu’au contraire, il y avait beaucoup de travail à faire pour que ces robots existent.[/souvenirs]
Des emplois qui se créent et qui devraient largement remplacer les emplois perdus
24 ans après, ça n’a jamais été aussi vrai. Pas de robots sans boulot. Et l’on retrouve aujourd’hui ces deux formes de métiers qui vont se développer avec la robotisation de la société :
- D’abord il faut fabriquer le robot. Les compétences sont multiples : programmation en bas niveau, fabrication de composants électroniques et chimiques spécifiques, programmation en IA, électronique, mécanique, etc. Sans compter les matières premières nécessaires, et donc tous les métiers qui en découlent (logistique, transport, stockage, exploitation, …).
- Ensuite il va falloir entraîner et programmer ce robot. On va avoir besoin d’experts métiers. Il faudra des compétences pointues de spécialistes capables de les transmettre à ces robots. Car la robotisation réussie d’un métier ou d’une fonction ne se fera que grâce à des personnes connaissant ce métier sur le bout des doigts. Oui, un jour on pourra faire des robots cuisinier, mais ils ne pourront être efficaces sans l’aide de véritables cuisiniers pour leur transmettre leur savoir. Sans compter cette fonction particulière (qui n’existe pas aujourd’hui) qui fera en sorte de récupérer le savoir de quelqu’un pour le transmettre au robot (une sorte de concepteur-ergo de la robotique).
- Et enfin, il faudra vendre le robot. On retrouve là tous métiers de la vente et du commerce mais également les métiers du design, de la création, etc. Ils vont se régaler.
Alors oui, les robots vont faire disparaitre certains métiers, mais encore plus de métiers devraient bénéficier de l’arrivée de ces nouvelles technologies. Ainsi Wired cite l’exemple de l’automatisation des valets de parking à l’aéroport de Dusseldorf qui a créé des emplois, notamment dans la réparation des robots eux-même. Et même si la robotique industrielle perd du terrain, et qu’aujourd’hui la robotique de service prend le relais, la masse de nouveaux métiers qu’elle va créer n’est pas encore estimable.
Le maitre mot de cette robotisation est donc transformation de l’emploi. Il va y avoir un déplacement des compétence, des créations de postes, et donc des formations à inventer.
Et pour cela, il faut anticiper, il faut se préparer. Saurons-nous le faire en France ? Rien n’est moins sûr. En tous les cas les différents gouvernements de la France ne s’y risquent pas et n’anticipent pas grand chose.
La France laisse partir ses bijoux de famille à l’étranger…
Car même si les politiques se bousculent aujourd’hui pour avoir l’air con devant un robot (un politique aura toujours l’air con devant un robot), on ne peut que regretter qu’aucun politique ne se soit véritablement investi dans l’industrie des produits et services du 21e siècle, que ce soit la robotique ou les services internet.
Attention, quand je dis « investi durablement », c’est autre chose que par le biais de communiqués de presse sur « l’innovation française cocorico » ou via un shooting photo « regardez comme je suis beau avec Nao« . Non je parle d’investissement sérieux dans ce secteur.
Ainsi c’est avec une grande tristesse que j’ai vu Aldebaran Robotics (le constructeur de Nao et Pepper) se faire racheter par des japonais. C’est avec la même consternation que j’ai vu CaptainTrain racheté par Trainline. Car, en France il semble plus facile de prêter de l’argent à des banques en faillite qu’à des entreprises qui écrivent le futur. Non, mais vous vous rendez compte du joyau qu’on a laissé filer ? Les politiques ont bon ton de promouvoir l’innovation franc-japonaise, cette innovation était à NOUS et on l’a laissé partir sans rien faire.
Alors je ne sais pas si c’est une bonne idée de tout péter contre la « loi travail », en revanche je sais qu’il va falloir nous préparer à concevoir, construire et vendre des robots. Et là, en dehors de la poudre aux yeux de quelques claquettes RP politicarde, je ne vois pas grand chose d’organisé au niveau national pour la promotion des futurs métiers de la robotique.
D’un coup, je comprend mieux les médias français à fustiger les robots (Les robots vont-ils vous mettre au chômage? L’Express – Robots au travail : 3 millions d’emplois menacés en France d’ici 2025 La voix du Nord – Robots et nouvelles technologies feront perdre 5 millions d’emplois d’ici à 2020 Le Figaro, etc…). C’est comme au foot ou avec les taxis, quand on perdra, ce ne sera pas de la faute des français, ce seront les autres qui ont triché ou alors qui étaient définitivement trop forts pour nous (voir récemment, le « terrible danger » de l’équipe de foot d’Islande). Alors commençons tout de suite par diaboliser les robots car ce sera forcément de leur faute si les français sont au chômage dans 20 ans.
Non mais il serait temps de prendre un peu de hauteur sur ce genre de sujets vous ne croyez pas ?
(à suivre)