La lumière s’éteint déjà, Vivatech est terminé.
Ahh, Vivatech, qu’est ce que c’était rigolo. Ce déferlement d’images inoubliables, ce mélange subtile d’innocence et de mauvaise foi, cet étalage de bonnes résolutions jurées dans l’instant. Et tout ça pourquoi ? De la communication, de l’image, de la fausse notoriété (la vraie notoriété c’est pour Maurice Levy, Publicis, et les Echos), et beaucoup de gaspillage. Je parle évidemment des grands groupes – grosses marques, car pour le coup, les petites boites peuvent véritablement assurer et trouver leur place dans ce genre d’évènements. Mais pour les grands groupes c’est tout de même la grosse honte.
Les confs des chiromanciens peuvent faire sourire ou rêver
Mais je connais le destin de cette innovation bullshitée
Elle finira en post-its et en boards recyclés.
Elle n’a plus aucune chance, c’était la Vivatech séance. Et la réalité sur l’écran est tombée.
Car c’est bien beau de payer pour une somme mirobolante un corner à Vivatech, mais pour y mettre quoi ? Alors les grands groupes vont partir à la chasse aux startups. Pour ceux qui en ont incubé ou intrapreneurié (un néologisme offert pour 2 néologismes achetés) c’est facile. Pour les autres, il suffira d’aller à la pêche aux startups pour recruter celles qui ont le plus beau potentiel RP en l’invitant sur son stand (à ce propos, revoyez cette délicieuse vidéo Vis ma vie de Startup datée de 2016 mais toujours d’actualité).
Résultat : tous les grands groupes se cachent derrière des petites sociétés externes qui n’ont rien à voir avec leur cœur de métier ou leurs problématiques internes. Un véritable écran de fumée d’innovation pour ne surtout rien changer chez soi. Vivatech est alors l’argument pour ces boites de communiquer autour de l’innovation et du changement sans jamais avoir besoin de changer ses process ou son organisation ni montrer les preuves de ces innovations/changements. Bref, un évènement de communication sans rien derrière.
Alors, dans cet esprit juste et libre qui me caractérise et qui rend jaloux tous les marketeux que je connais, voilà en cadeau – offert – gratuit – quelques idées d’innovations qui devraient permettre à ces différents directeurs de l’innovation, CDO et autres responsables du changement de ces grandes entreprises de créer de la vraie valeur ajoutée au sein de leur propres métiers et activités.
N’insistez pas, c’est gratuit. Merci qui ? Merci-roul !
Et si la RATP innovait vraiment ?
Beau corner pour la RATP : Open innovation, Urban mobility, et 32 start-ups sur son corner (#ratplovestartup). Mais plutôt que de payer des centaines de milliers d’euros à Publicis je propose à la RATP 5 innovations que je n’ai toujours pas vues dans le métro.
- Idée 1 : un parcours spécial pour les poussettes et personnes à mobilité réduite. Parce que pour l’instant c’est les voyageurs qui portent les poussettes et aident les vieux dans les escaliers. Alors moi ça ne me dérange pas, j’ai été scout. Hélas la tendance sociale (non, c’est pas les millenials de la gen Y, plutôt leurs parents) est plutôt du côté chacun pour sa gueule. Autant vous dire que la solidarité dans le métro va pas durer. Alors à quand l’accessibilité dans le métro ? (et je ne parle pas d’un itinéraire sur Maps- parce que pousser sa poussette en regardant son smartphone, ça le fait pas)
- Idée 2 : un détecteur à con permettant d’automatiquement remonter les sièges des cons quand le wagon est bondé. Parce que les très nombreuses campagnes de communication sur le sujet n’ont certainement fonctionné que dans la sphère publicitaire. La version 5 de ce détecteur à con permettra d’éjecter le con pour laisser la place à une femme enceinte ou à une personne âgée. J’ai hâte de voir ça.
- Idée 3 : un autre détecteur à autre con permettant de projeter automatiquement une trace de peinture indélébile sur ceux qui portent des sacs à dos quand le wagon est bondé.
- Idée 4 : un système d’alerte dans chaque rame permettant de produire une alarme violente et d’alerter immédiatement les flics quand une personne se fait agresser. Car non, personne n’a envie de se faire agresser dans le métro même pour préserver sa vie privée.
- Idée 5 : un panneau qui indique aux touristes-usagers où acheter leurs billets quand ils sont coincés en bas de la mauvaise entrée. Une innovation pas chère qui m’évitera de perdre du temps à essayer d’expliquer à des japonais qu’ils doivent ressortir de la station de métro pour re-rentrer par un autre escalier. Enfin je fais tout ça pour que les Japonais aient une bonne image du français en rentrant chez eux. Pas sûr qu’ils aient une bonne image du métro.
Et si Orange innovait vraiment ?
Joli corner également pour Orange qui accueillait plein de start-up avec son Lab « Ambiant and Connectivity ». Alors je n’ai pas envie de donner des idées à Orange qui serait vraiment capable de me les piquer. Mais en voilà tout de même une qui me tient particulièrement à cœur.
- Idée : le changement intégral de la structure managériale d’Orange pour exploser les silos et responsabiliser les collaborateurs en valorisant leurs expertises. Ce changement provoquera la suppression de nombreuses couches de cadres middle management inutiles. Ce changement permettra in fine à réduire le nombre de suicides chez France Telecom (car sachez que quand on parle de suicides, on ne cite pas Orange qui est la marque commerciale – vous n’avez pas envie d’acheter votre abonnement télé à une société au bord du suicide).
Et si La Poste innovait vraiment ?
Je suis en permanence outré par le potentiel non exploité de La Poste et ses mauvais choix en terme d’innovation (lisez Innovation partout, innovation nulle part). Et pourtant La Poste a un potentiel incroyable en terme d’expertises, de ressources humaines et aussi d’actifs à valeur ajouté. Mais que de gâchis depuis 20 ans. Allez, tiens La Poste, quelques idées qui vont t’aider.
- Idée 1 : une simple page web vous renseignant sur les horaires où venir chercher votre colis sans faire la queue pendant une heure. C’est pas dur à faire ça, La Poste. Il te faut juste récupérer des datas de fréquentation de tes bureaux de poste, de les mettre dans une base et de faire un petit programme (oui, si ça te fait plaisir, tu peux appeler ça de l’IA), et de faire une page web pour les afficher. Trop dur pour toi ?
- Idée 2 : une page web vous renseignant sur la disponibilité exacte de votre colis, avec la possibilité de le bloquer à La Poste, histoire de ne pas apprendre (après une heure de queue) que votre colis a dépassé la date limite et est reparti chez l’envoyeur. Car vois-tu La Poste, au 21e siècle plus personne ne veut poser un RTT pour récupérer un colis.
- Idée 3 : un système d’envoi de colis simplifié qui n’oblige pas à 1 – identifier quelle enveloppe choisir (celle à 20€ ou celle à 17€ ?) 2- aller au guichet pour payer l’enveloppe et le timbre 3- aller à la borne automatique pour payer le timbre parce que l’agent du guichet vous l’a dit 4- faire de la monnaie à une autre borne parceque la borne automatique de timbre ne prend pas la carte bleue 5- refaire la queue à la borne de timbre 6- prendre un timbre sans se tromper dans les acronymes Laposte 7- refaire la queue au guichet pour donner enfin votre enveloppe timbrée. Oui, ça a l’air idiot, mais c’est pourtant le scénario qu’effectue des centaines de personnes dans tes bureaux tous les jours. Et oui, tu peux effectivement en déduire que ton service marketing est naze.
- Idée 4 : refaire le call center de la Banque Postale. Car non La Poste, ce n’est pas normal d’avoir un call center qui additionne : de la publicité pour des produits financiers, de la musique qui rend fou (5 minutes de boucles de 30 secondes d’un morceau pop américain terminé par « merci de patienter quelques instants, votre conseiller va vous répondre« ), la saisie de son login password (10 et 6 chiffres – les gens qui retiennent ça sont fabuleux), et le conseiller nord africain qui lit son guide et t’envoie chier dès que tu poses la question qui n’est pas dedans. Sache La Poste que cette conversation aura toutes les chances de se terminer avec une envie de changer de banque (d’ailleurs après presque 40 ans de fidélité à La Poste, mon dernier appel m’a décidé à changer, j’en peux plus de ces pratiques obsolètes).
Et si Microsoft innovait vraiment ?
Microsoft a vendu de l’innovation à tour de bras. De l’innovation à base d’Intelligence artificielle bien sûr. Pour ma part, je suis stupéfait par les gens qui font encore confiance à Microsoft. Enfin je ne sais pas, mais si mon marchand de poisson me vend un poisson pourri qui me rend malade, je n’y retourne pas pour acheter du caviar. Faut vraiment être con. Et pourtant le corner Microsoft était blindé de monde. Faut croire que « Empowering Innovation » ça doit parler à ceux qui n’innovent pas souvent. Allez quelques idées innovantes pour que Microsoft regagne ma confiance :
- Idée 1 : faire marcher mon Windows 10 sans changer ma configuration et mes préférences à chaque mise à jour. Excuse moi Microsoft mais je t’ai acheté un logiciel, pourquoi il change mes paramètres sans mon autorisation ? Innove déjà dans le respect de tes clients avant de me vendre autre chose.
- Idées 2 : désactiver l’installation automatique de Onenote, de Cortana et autres logiciels Microsoft dont je ne veux absolument pas sur mon OS.
- Idée 3 : désactiver les envois non autorisés de datas à Redmond sur mon Windows 10. J’ai acheté mon Windows 10, pourquoi tu me prends ma data sans mon autorisation Microsoft ?
- Idée 4 : faire un moteur de recherche qui fonctionne. Oui j’ai bien compris que tu voulais que Cortana devienne mon assistante permanente, mais il faut que tu saches que ton Cortana préfère toujours passer par Internet pour chercher des choses qui se trouvent sur mon ordi. C’est du gâchis de temps et de bande passante. Alors adieu Cortana.
En bref Microsoft, tu innoveras le jour où tu me vendras un OS qui fonctionne et pas une mise à jour permanente dédiée à la politique économique de Microsoft. Non mais faut vraiment être con pour penser que les Intelligences Artificielles de Microsoft seront de meilleure qualité que ses Windows.
Et si Google innovait vraiment ?
L’image de Google se confond avec celle de l’innovation digitale. Il est difficile de ne pas être partisan de ce groupe international à la puissance démesurée et qui pourtant permet par exemple à des développeurs de jouer avec son système Android (Android Experiments). Finalement je crois que les seuls qui peuvent être dégoûtés de google sont les vieux d’Internet. Ceux qui ont connu un avant Google. Et surtout ceux qui ont vu se transformer les valeurs de Google de celles d’Internet à celles de Wall Street. Néanmoins voici quelques idées pour que Google innove.
- Idée 1 : fabriquer un moteur de recherche web qui fonctionne et qui n’avantage pas les sites professionnels, pro-amateurs ou encore les sites qui achètent du SEO-SEM. Bref, un moteur de recherche démocratique.
- Idée 2 : un moteur de recherche absolu et qui ne tente pas de comprendre ce que je veux chercher à travers une interprétation lamentable de ma vie personnelle – qui en plus ne regarde que moi. Car ma vie n’est pas quantifiable dans un excel et tes 27 signals et autres Internet bubbles ne m’aident pas à trouver ce que je recherche.
Ceci dit, vu que je n’ai pas acheté Google, cette boite est nettement plus légitime que Microsoft pour me piquer mes datas. Mais ce n’est pas pour ça que ça ne me dérange pas.
En conclusion : l’innovation bullshit a encore de beaux jours devant elle
On pense que Viva Technology est un salon sur les nouvelles technologies et de la capacité des entreprises à s’en saisir pour inventer ses modèles économiques de demain. C’est peut-être vrai pour les startups et petites boites qui osent monter dans le train numérique en prenant des risques. Mais pour les grands groupes, VivaTech est une opportunité de communiquer sur des sujets qu’ils ne comprennent pas.
Résultat, pour ces grands groupes, la technologie est la solution à tous les problèmes (techno-centrism). C’est pour cela que les idées ci-dessus appaissent si décalées. Elles ne sont que des idées basées sur des vrais besoins utilisateurs. Maintenant imaginez qu’elles soient appliquées : elles arriveraient à résoudre VRAIMENT des problèmes. Elles permettraient de modifier la structure des ces sociétés (organisation), leurs façons de travailler (workflow), voire leurs modèles économiques (business). Du vrai changement, donc de la vraie innovation.
Quelle déception alors de voir ces grands groupes se planquer derrière des start-ups. Start-ups qui pour la plupart n’avaient rien à voir avec ces groupes, ayant juste profité de l’opportunité d’avoir un stand à Vivatech. Non on n’a pas vu ces grands groupes innover, on les a vu communiquer sur de l’innovation.
Ce qui ne poserait aucun problème si ce n’était une obligation. Car ces grands groupes doivent changer. Ils sont responsables de dizaines de milliers d’emplois, d’injecter de l’argent dans l’économie Française, de faire avancer la société. Ils ont donc comme immense obligation de changer. Et ce n’est pas facile (je le sais, je bosse pour eux). Beaucoup de freins internes et externes, mais des freins surmontables. Non, le véritable problème c’est quand ces groupes arrivent à s’auto-convaincre que cette opération de com’ est une véritable innovation.
Un jeune startuper pleure dans un coin. Sa boite ne s’est pas faite racheter.
Il n’a plus aucune chance, c’était la Vivatech séance. Et le marché sur l’idée est tombé.